Les acteurs institutionnels locaux à l'échelle de l'île de Djerba, régionaux à l'échelle du gouvernorat de Médenine, et la plus haute autorité de l'Etat dans la région n'ont rien fait pour mettre fin aux outrages hémorragiques au patrimoine et à l'environnement, et aux infractions à répétition de la loi qui leur avaient été signalés par le représentant de l'Institut National du Patrimoine et par l'Association pour la Sauvegarde de l'Île de Djerba. En matière de patrimoine et d'environnement, ces deux organes agissent de concert, en étroite collaboration, et prennent constamment vent de l'état des lieux inhérent à la situation environnementale et patrimoniale par le biais des visites d'inspection et de contrôle de routine effectuées incessamment en commun, et grâce aussi à l'implication responsable et citoyenne de certains habitants ; ils réagissent en toute âme et conscience en informant instantanément qui de droit, cas par cas, pour en solliciter l'intervention. Des cas d'extrême gravité d'atteinte à l'authenticité patrimoniale et à l'écosystème insulaires sont en cours de concrétisation, voire dans un état suffisamment avancé pour ne laisser aucun espoir de récupération ou de réparation des dommages. Dans le cas de l'implantation des épis et du remblayage de la sebkha dans la zone d'Aghir, au sud-est de l'île, menacée déjà par un grave problème écologique dû à la sédimentation, comme dans l'affaire de l'implantation en dur dans une zone humide classée dans la liste Ramsar des zones humides d'importance internationale, le ministère concerné, en l'occurrence celui de l'Agriculture et de l'Environnement, n'a donné aucune suite, comme si de rien n'était, et aux auteurs incriminés de saisir une telle aubaine pour persévérer dans leur nuisance. Deux autres affaires non moins graves continuent de susciter la colère et l'indignation de la population îlienne : l'une est inhérente à la mosquée Sidi Bahri à Houmt-Souk, démolie quasi entièrement sans autorisation préalable, et l'autre concerne la mosquée d'El May, un des cinq seuls monuments classés patrimoine national depuis 1928, qui est aujourd'hui le théâtre de quelques travaux d'expansion entrepris sans autorisation et sans l'accord de l'INP. Les travaux sont en cours, et ni le ministère de la Culture, ni celui des Affaires Religieuses n'ont jusqu'à ce jour manifesté la moindre réaction , ni répondu à la quête d'intervention expressément formulée et sollicitée par l'Assidje. En outre, la mosquée El Bassi à Oualagh, maintenant que les travaux de restauration sont à leur fin, et qu'elle est en passe de recouvrer sa splendeur et ses fonctions d'antan et de servir par la même occasion de centre ou de musée des spécificités architecturales de l'édifice religieux musulman à Djerba, à l'instar par ailleurs de la mosquée Fadhloun à Midoun, depuis longtemps restaurée et ouverte aux visites en qualité de monument historique relevant, au niveau de la gestion, de l'Agence de Mise en Valeur du patrimoine et de Promotion Culturelle, deux joyaux architecturaux sont pris d'assaut par des fidèles, visiblement de tendance salafiste, qui n'ont d'autres soucis en tête, du moins à l'heure actuelle, que d'imposer leur diktat. De plus, les opérations d'extraction de sable dans le territoire de l'île, pourtant interdites par la loi, ont repris leur cours de plus belle, en dépit de la longue et constante démarche de l'Assidje auprès de qui de droit pour éradiquer ce commerce illicite et immoral déstabilisateur de l'écosystème insulaire, mais en vain. Des énergumènes, toujours les mêmes, font de cette sale besogne leur gagne pain, mobilisant à cet effet une flotte mouvante d'engins pour le transport de ce précieux matériau extrait des entrailles de la terre à des moments inimaginables. Des numéros d'immatriculation relevés dans les plaques minéralogiques de ces camions sont en possession de l'Assidje et ont été communiqués à tous les services concernés et aux autorités locales et régionales. En somme, le constat en termes d'environnement et de patrimoine, déjà loin d'être reluisant avant l'avènement de notre glorieuse révolution, n'est point rassurant au vu du relâchement sécuritaire malheureusement encore prévalant et de l'absence de rigueur et de fermeté dans l'application du règlement et de la loi. Voyant la situation empirer jour après jour, l'Assidje a sollicité une audience avec le nouveau gouverneur pour lui faire part de ses doléances, et à la date du 08 avril 2011 , une rencontre, associant également le représentant de l'INP, a eu lieu au siège du gouvernorat et a été couronnée par des promesses fermes d'intervenir en faveur de la cessation de tous les abus touchant en priorité les cas urgents. Or, trois semaines après, la situation est telle quelle ; les trois maires en exercice à Djerba attendent encore vainement le renforcement sécuritaire promis pour réimposer leur autorité dans leur cité. En attendant, ils ne peuvent que constater les dégâts et attendre un lendemain meilleur dont l'avènement est encore flou. L'irritation d'une grande partie de la population exaspérée tant par le laxisme des autorités que par l'arrogance des fauteurs est à son comble. Nous nous sommes tus pendant de très longues années, soumis au joug des plus forts, et il se trouve qu'aujourd'hui encore nous subissons sans coup férir l'arrogance et les caprices des plus viles de nos concitoyens forts de l'état d'impunité prévalant. Mais, quelques poches populaires de dénonciation de ces abus et de résistance commencent à pointer dans quelques régions de l'île, comme à Béni Mâagal et Mellita, et sont là pour adresser un message fort à qui de droit et aux autres que quelque chose est en train de changer.