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Les mots déchaînés
Publié dans Le Temps le 18 - 06 - 2011

Vivre ensemble implique qu'on accepte l'Autre, dans la mesure où ses actes ne sortent pas du cadre fixé par la société. On assiste, hélas, ces derniers temps, à l'invasion du terrain public par des « hordes » de créatures, au verbe vindicatif, acéré, et dont la teneur de haine n'a d'égale que le refus de discuter, le refus d'écouter donc, et celui d'accepter un autre son de cloche que celui qu'on leur a versé dans leur crâne étroit, à travers l'entonnoir magique de la foi.
Ils n'écoutent pas mais attaquent, refusant d'écouter la voix de la défense, ils ne jugent pas (d'ailleurs, en ont-ils les moyens ?) mais condamnent. Et leur sentence ne souffre aucune remise en question, puisque, selon eux, elle est inscrite dans le Livre.
Ont-ils lu et saisi la profondeur des écrits sacrés auxquels ils se réfèrent ? On en doute fort…
Souvent, du moins en ce qui me concerne, on les rencontre vers une heure, passablement tardive de la nuit. Ils sont chauffeurs de taxi.
Il en va ainsi du dernier que j'ai rencontré, après une soirée passée, à écouter et à parler de la musique avec quelques amis instrumentistes et compositeurs. L'un d'entre -eux venant de quitter le taxi qu'on avait pris ensemble, le chauffeur l'ayant reconnu, entama avec moi, un discours confus sur les Arts, et glissa subrepticement vers une interrogation primitive et confuse, mettant en question la pensée et la vie des artistes tunisiens, se basant sur les propos d'une jeune femme cinéaste, qu'il décrivit ainsi : elle avait le crâne rasé et elle avait déclaré à la télé qu'elle ne croyait pas en Dieu, qu'elle était athée. D'ailleurs, tous les artistes ne le sont-ils pas ?
Partant d'une approche confuse, il cita l'exemple de dégénérescence flagrante d'une personne, pour condamner tout un corps de métier. Et comme par hasard, ce dernier était celui des artistes. Si ce n'est pas là la preuve ordinaire, de l'ancrage du fascisme chez les couches les plus incultes de la société, ça lui ressemble dangereusement.
Quand je lui demandais en quoi ça le dérangeait qu'elle soit athée, il me répondit qu'elle ne croyait pas en Dieu, et que c'était là, une preuve suffisante pour la condamner aux affres de l'enfer. C'était une renégate. Vous devez donc comprendre tous seuls, que cette calamité ne méritait pas de vivre dans la société que ce cerveau éclairé et ceux qui lui ressemblent, sont en train de préparer.
J'eus beau lui répéter que dans une démocratie, la liberté de la foi était une règle irréfutable, et que croire ou ne pas croire n'impliquait que les personnes qui s'y réfèrent par rapport au divin ou au néant. Je lui expliquais qu'il fallait respecter les autres, quelle que soit la nature de leur foi, ou son absence, y compris les religions qui ne sont pas la nôtre.
Les Chrétiens et les Juifs dit-il ? Ceux-là ont un grave problème. S'ils continuent à ne pas reconnaître le prophète Mohammed, personne ne pourra absoudre leurs péchés le jour du Jugement Dernier. Il faut qu'ils le reconnaissent !
Je lui dis que Juifs et Chrétiens sont appelés Gens du Livre. Que l'Islam n'a jamais remis en question leur existence, ni la justesse de leur vision, à part quelques points bien précis. Et qu'il est présenté comme étant la religion qui a bouclé la boucle des religions révélées. D'ailleurs rien n'empêche les Musulmans d'épouser une Chrétienne ou une Juive…
Je sais répondit-il finalement ; mais les Musulmans juste en ont le droit. Pour en faire par la suite, des sages Musulmanes. Quant aux filles des Musulmans, elles n'ont, en aucun cas le droit, d'épouser un Juif ou un Chrétien. C'est un crime capital !
Je continuais à parler, avec beaucoup de simplicité, avec ce jeune chauffeur de taxi. Et étrangement il m'écouta. Il me donna même l'impression – chose très rare chez ceux qui sont embrigadés par la « pensée » intégriste- de douter de ce qu'on lui a versé en vrac, dans son jeune crâne, désarmé. Il me remercia même vers la fin, du fait que je pris la peine de discuter avec lui pendant quelques dizaines de minutes, avec le moteur arrêté, devant chez moi.
Il me semblait en rentrant, qu'au lieu de diaboliser les intégristes (position qui ne peut que jouer en leur faveur), il était plus judicieux, pour ceux qui les combattent, d'amener le débat vers ces petits problèmes, simples, quotidiens, qui pourraient leur sembler n'avoir pas trop d'importance, et qui sont d'un impact dévastateur sur le psychisme et la pensée d'un peuple, délaissé par quelques décennies de vénération absolue des dictateurs, auréolés par la menace d'une oppression, aussi lourde que les ténèbres de la jungle.
La nature ayant horreur du vide, le dernier laissé par la dissolution de l'ex-parti du pouvoir a été rapidement occupé par la machine intégriste, dans les recoins les plus lointains du pays. La révolution ne nous a pas délivrés du poids oppresseur des mafieux, pour qu'on retombe sous le joug inébranlable, des pires des fascismes modernes. Celui de la foi, exploitée impitoyablement, à des fins uniquement politiques. C'est-à-dire comme arme absolue pour s'emparer du pouvoir et détruire le peu d'acquis démocratiques que nous n'avons pas encore construits.
C'est là où les Arts et la Culture doivent jouer leur rôle. Encore faudrait-il que les décideurs, ô combien provisoires de notre pays, en décident ainsi. Ce qui nous semble hélas, très peu sûr jusqu'ici.


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