Quand on aura dépassé le clivage des subventions, aides à la production et avance sur recette, allouées à perte, pour certains défenseurs des deniers publics, ou trop insuffisantes pour ceux qui les perçoivent, celui du public qui ne vient plus, parce qu'il n'y a plus rien à voir pour certains, ou qui ne vient pas, parce qu'il n'aime pas le cinéma pour les faiseurs de films, nous pourrions enfin, poser calmement la question suivante : que restera –il de nos quelques dizaines de films, produits depuis l'indépendance jusqu'à à nos jours ? Car, pour parler objectivement, et sans états d'âme, nous ne pouvons pas encore, parler –comme le font certains pompeusement, ou par ultra -patriotisme- de cinéma national, ou tunisien. Pour parler d'une telle réalité, il faudrait tout d'abord, que nos productions soient plus conséquentes, au niveau quantitatif, avant de parler du qualitatif, qui ne peut être engendré, sans un « minimum syndical » au niveau des films réalisés annuellement. Quand on produit, dans le meilleur des cas, deux ou trois films par an, il ne faut quand même pas s'attendre, à récolter, deux ou trois chefs-d'œuvre. Le pourcentage entre production filmique en général, et films de qualité, exige, un chiffre de réalisations beaucoup plus important que cela. Maintenant comment rêver de produire une centaine de films par saison, alors que nous avons beaucoup de mal, à assumer le coût et les désastres que la majorité de ces films engendrent, par leur incapacité à séduire le public. A qui incombe la faute ? Aux décideurs ? Aux cinéastes ? Aux médias ? Ou au public ? A tous assurément. Parce que ces quatre composantes, sont issues d'un même peuple, d'une même nation, d'une même époque. Tout d'abord, aux décideurs, qui sont pris dans l'engrenage de vouloir asseoir les bases d'un cinéma tunisien, résistant, puissant, et vindicatif. Mais, de ne pas savoir, ni comment le faire, ni avec qui. Ils sont comme prisonniers d'un filet, tissé par un fait accompli, qui est la suprématie de certains noms inévitables, représentatifs de certains cinéastes incontournables. Non par la qualité suprême de leurs réalisations – même si durant ce demi-siècle d'indépendance, le public a pu vibrer avec tel ou tel film, tous les quatre ou cinq ans- mais par leur accaparation, dès les débuts des années 70, d'un terrain vierge, donc vide, qu'ils se sont hâtés d'occuper pleinement, en ayant pris soin de fermer la porte à tout nouveau venu. Ces cinéastes sont dans leur majorité, des intellectuels, plus ou moins érudits, qui ont quelque chose à dire, et qui auraient mieux fait dans leur majorité, de chercher un autre moyen d'expression. Cela aura causé moins de pertes aux deniers publics, et sauvé chez les cinéphiles, la ferveur patriotique qui accompagnait pendant de longues années, la sortie de chaque film tunisien, comme si ce dernier était représentatif de la qualité, de la beauté, et de la force du peuple tunisien. Et il ne peut en aucun cas en être autrement, car chaque film qui sort, avant d'appartenir à son réalisateur ou à ses producteurs, appartient au public tunisien. Et si ce dernier ne suit plus, c'est qu'il en a peut-être un peu trop vu, et ce « trop », signifie la désolation, la déception et la lassitude, ayant causé la fracture entre notre cinéma et son public. Nos cinéastes ne font plus hélas de films, mais ils en parlent. Ils parlent généralement de leurs échecs, dont ils se disculpent. Nos critiques ne peuvent donc pas, engendrer une polémique, et se contentent en général, de prendre position, pour ou contre tel réalisateur. Nos décideurs écoutent, et tentent de faire redémarrer la machine à chaque saison, à leur risques et périls. Il est peut-être temps pour eux, d'écouter un autre son de cloche, et de fouiller dans le nouveau terreau, pour y trouver, quelques graines délaissées, qui pourraient peut-être continuer cette toute petite, et jeune aventure qu'est notre cinéma.