Nous avons été contactés par un pensionnaire de l'asile des vieillards de Menzel Bourguiba qui n'a pas souhaité révéler son identité de peur d'éventuelles représailles (hélas encore d'actualité dans certaines contrées après la Révolution) pour nous relater les souffrances et supplices endurés au quotidien par les pensionnaires de cet asile. Il a tenu à lancer par le truchement de notre quotidien un appel de détresse à toutes les bonnes âmes mues par des intentions charitables pour venir en aide à un groupe vivotant dans des conditions le moins que l'on puisse dire peu conformes et en flagrante inadéquation avec la Tunisie post-Révolution. Ecoutons-le : « Nous sommes pratiquement une moyenne de 80 pensionnaires entre hommes et femmes avec un âge variant entre 60 et 98 ans. Tous sommes ici du fait de la solitude n'ayant personne à s'occuper de nous ailleurs. Parmi nous, nous comptons des vieillards, des handicapés moteurs, des aliénés mentaux et des aveugles. Trois pavillons vétustes pour les hommes contre un seul pour les femmes. Sur le plan suivi médical, les choses passent pour acceptables avec un infirmier du jour et un autre pour la nuit et un médecin Dr Turki. Et puis nous sommes juste à côté de l'hôpital régional donc au moindre problème sérieux nous sommes acheminés vers ses urgences. Seulement en ce qui concerne la nourriture, nous sommes dans le besoin. Non, sur le plan quantitatif nous mangeons à notre faim (hamdoullah), mais volet qualité, je ne vous dis pas. Le soir toujours un potage ou une soupe de consistance douteuse et avec beaucoup d'eau. Rien de plus ; ni salades, ni un plat consistant ni dessert. A midi c'est légèrement mieux : lundi, jeudi et samedi poulet ; mardi mercredi veau. Mais la ration est de la grosseur d'une boite d'allumettes ! Dessert pas souvent. Le bon vieux temps avec l'ex-directrice L'ex-directrice Samia Mouhager était aux petits soins avec nous et veillait scrupuleusement au grain à ce que nous ne manquions de rien. Elle appliquait un marquage à la culotte à tous les employés et veillait personnellement à ce que les denrées alimentaires stockées dans l'économat nous soient partagées équitablement et ne se dispersent pas à droite et à gauche... Elle réprimait durement les employés et ne leur permettait pas le moindre dépassement. Aux lendemains de la révolution, les employés lui brandirent au nez le fameux «DEGAGE» et elle s'en alla la mort dans l'âme et à notre grand dam. Un administratif si Hafedh occupe pour l'heure l'intérim. Mais depuis c'est pratiquement la débandade : denrées alimentaires détournées par les employés, annulation des sorties et promenades pour nous, non respect des horaires, détérioration de notre condition de vie et de propreté. Bref c'est au laisser-aller, au laisser-faire absolu auquel nous sommes livrés. A noter que chaque pensionnaire lucide perçoit mensuellement de l'administration une aide de …3,5 dinars. Je lance un appel à tous nos concitoyens nantis pour nous venir en aide et nous permettre de terminer notre douloureux cycle de vie dans la dignité. La vieillesse doublée de la solitude, de l'irrespect et du besoin, un calvaire et un bannissement très pénibles à endurer et que je ne souhaiterais à personne du reste ».