« Nous n'avons pas une baguette magique pour résoudre les problèmes à court terme…le gouvernement provisoire doit prendre les choses au sérieux»; déclare Nabil Ketat, Directeur Général de l'Agence Nationale de Gestion des Déchets (ANGED). Les 10 décharges contrôlées et 50 centres de transfert créés dans 13 gouvernorats font l'objet aujourd'hui de contestations de la part des citoyens. En fait, l'Agence Nationale de Gestion des Déchets trouve des difficultés à gérer ce dossier devenu épineux. Elle doit résoudre ce problème suite à la fermeture de trois sites de gestion à Sousse, à Nabeul et à Bizerte ainsi que l'arrêt d'activité dans quelques centres de transfert (Kairouan, Sakiet Ezzit, Naasane…). Les causes varient selon les régions et les revendications des citoyens. Certains se plaignent des odeurs émanant de ces sites, d'autres considèrent qu'ils ont été victimes d'abus d'expropriation de terrains sur lesquels sont réalisés les projets. Il y a aussi ceux qui ont des demandes d'ordre social (régularisation de situation de travail, demande d'emploi…). Les projets en cours de réalisation connaissent presque le même sort, où les chantiers de construction ont été arrêtés suite à la pression exercée par les citoyens. Le paysage est le moins que l'on puisse dire compliqué, d'où l'urgence « de réviser la stratégie de gestion des déchets », appelle Adel Guetat, Directeur Général de l'ANGED. « L'Etat doit changer son approche en allouant plus de financement au secteur. C'est ce qui permet de résoudre le problème à moyen et long terme ». Lancée au début des années 2000, l'expérience de gestion des déchets ménagers dans les décharges contrôlées s'est présentée comme la meilleure solution pour la Tunisie afin de lutter contre la pollution engendrée par les décharges anarchiques. Cette stratégie adoptée à l'époque semble être « la plus adaptée au contexte tunisien, vu la limite des moyens financiers et la spécificité des déchets ménagers (riches en matière organique) », déclare le Directeur Général de l'ANGED. « Nous n'avons pas assez de moyens pour réaliser des projets basés sur les nouvelles technologies », explique, le responsable de l'agence. En fait cette approche se base sur la construction d'une décharge contrôlée dans chaque gouvernorat en plus de centres de transfert d'ordures, où il est question de rassembler les déchets avant qu'ils ne soient transférés définitivement vers la décharge contrôlée. Mais riches en matières organiques et très humides, les ordures développent les lixiviats, d'où les odeurs nauséabondes qui ne cessent d'exaspérer les citoyens qui résident dans le voisinage. Et si ces derniers ne trouvaient pas le courage pour manifester leur mécontentement des conditions de vie ils n'ont pas raté l'occasion de la Révolution pour s'exprimer par rapport à cette situation. Il s'agit notamment, de ceux à Kairouan où ils ont réussi à imposer leur mot et « fermer le centre de transfert », signale M. Guetat. Face à cette situation, des solutions immédiates et d'ordre technique ont été prises pour minimiser l'ampleur du problème. « Des centres de traitement des lixiviats sont également en cours de construction et ce pour résoudre le problème », annonce le responsable. Une solution qui sera certes satisfaisante pour les citoyens mais « il s'agit de charges supplémentaires à l'Etat », rétorque le Directeur Général. Autres problèmes En fait, le dossier ne se limite pas uniquement à ce cas. D'autres problèmes sont à résoudre et ce selon la région et les revendications des citoyens. « Il existe en fait des problèmes d'ordre foncier. Tous les projets sont réalisés sur des domaines de l'Etat. Cependant, certains considèrent que quelques centres de transfert ont été construits sur des terres privées tel « le cas à Sfax ». « Des problèmes d'ordre foncier se posent dans cette région », ajoute le responsable tout en précisant que le dossier fait l'objet d'un litige à résoudre par la justice. Ce n'est pas tout, d'autres ayant des revendications sociales se rabattent sur les centres de transfert pour ne pas dire les prendre en otage. Ils décident la fermeture de ces sites pour faire des chantages avec le gouvernement provisoire. Une difficile situation à gérer par l'ANGED qui appelle le gouvernement à « prendre les choses au sérieux ». Autre dossier Autre dossier à traiter, les décharges contrôlées fermées depuis des mois. C'est à Sousse et à Nabeul que le problème se pose. « La décharge de Bizerte vient quant à elle de faire l'objet de contestation pour qu'elle soit elle aussi fermée tout récemment, soit dimanche dernier », déclare M. Guetat. Déçu des attitudes des citoyens, il signale que ces pratiques sont en train de coûter cher à l'Etat. « Elles se facturent en millions de dinars car nous avons des frais fixes à payer et qui varient entre 55 et 270 mille dinars par mois », se désole-t-il. Et d'enchaîner : « Il s'agit des frais à payer aux sociétés qui gèrent ces sites ». Par railleurs, « l'Etat s'est endetté auprès des bailleurs de fonds pour réaliser ces projets », toujours d'après le responsable de l'ANGED. A rappeler que 80 millions de dinars ont été réservés pour réaliser ces décharges en plus des 32 millions de dinars pour le centre de gestion des déchets industriels et spéciaux à Jeradou lequel fait l'objet d'un conflit avec les citoyens (ndlr : voir encadré). Après le 14 janvier, la tâche s'est compliquée pour l'ANGED, la situation est qualifiée par le DG « d'ingérable et épineuse ». Le gouvernement doit arrêter une nouvelle stratégie de gestion de déchets certes coûteuse mais plus efficace. Elle se base sur la stabilisation des déchets pour limiter les lixiviats, d'où des odeurs en moins. Sana FARHAT
Et le centre de gestion des déchets industriels et spéciaux ? Le centre de gestion des déchets industriels et spéciaux à Jeradou fait l'objet d'un litige entre l'ANGED et les citoyens de la localité. Ces derniers ont porté plainte contre l'agence en se basant sur un rapport d'expertise démontrant la présence de fissures dans la couche supérieure de quelques espaces ainsi que le non respect du cahier des charges du stockage des produits toxiques. Avouant ces faits, l'agence demande d'accéder au centre pour effectuer les travaux d'entretien nécessaires et stocker les produits selon les normes requises, elle n'arrive pas à franchir le seuil du centre qui est dominé par les citoyens. Ces derniers revendiquent la fermeture. Un autre dossier à gérer par l'ANGED.