Ton génie vraisemblable t'a propulsé au plus haut rang de la prospérité et du succès. T'as créé Facebook et le monde te doit une fière chandelle de l'avoir réuni au-delà des distances géographiques et des absences physiques. Cocorico et total respect ! Seulement voilà, je t'écris aujourd'hui, car depuis un moment, une frange saillante des utilisateurs de ton réseau social dans mon pays, la Tunisie, éprouvent une peine quasi indigeste à embrasser les valeurs et les normes d'usage de Facebook. Au début, ils avaient inféré à une échappatoire irréfragable à la routine accablante de leur existence, au manque de socialisation dans leur vie réelle, et à la bravade de l'interdit et du secret. Oh et puis, il ne faut pas omettre un essentiel incontournable : les retrouvailles des amitiés et des amours perdues. Facebook est carrément devenu un sujet de conversation là où les rencontres sont désormais dépeintes par le silence bavard et les discussions à deux balles dans des sujets creux. Tout cela est bien beau, et bien joli. Mais la Révolution fut ! Et c'est le chambard. Facebook a été – et c'est tout à son honneur- un vecteur inhérent pour que le soulèvement du peuple atteigne son tailloir. Tu seras tenté de me dire que jusque là, tu ne cerne pas les moindres contours d'une tuile à de fâcheux retentissements. Attends voir : depuis le fameux 14 janvier, nous assistons à une montée en flèche de dérivations tentaculaires annonçant à grands fracas la turpitude de la mentalité tunisienne. Par quoi vais-je commencer ? Par le galvaudage de l'image des partis politiques et de leurs membres prétendant la bonne guerre pour les élections ? Par des compagnes de dénigrement et de diffamation contre des figures politiques versant dans le lynchage et le règlement de compte ? Bien sûr je n'oublierai pas les piratages de comptes, prosaïque artifice pour blackbouler ses potentiels adversaires, et les invectives à en ramasser à la pelle. Alors voici le topo : les Tunisiens déploraient l'absence de la liberté d'expression et de la démocratie, et puis ils ont cherché à souffler sur les cendres d'un président déchu, la délivrance et scandent enfin : “ Nous sommes libres ! ” Aujourd'hui, ton chef-d'œuvre, Marck, est devenu un avéré chausse-trapes pour nous autres, nous avons arrêté de nous amuser. L'heure est devenue grave, et je vois combien ça déraille à des proportions démesurées souvent. Marck, saches qu'il y a des gens qui languissent et n'entendent souffrir aucun compromis quant au respect de leur personne et de leur vie privée et professionnelle. Tu peux certainement penser que si tu peux fermer Facebook pour que cette hémorragie s'abrège, tu n'y pourras rien contre pareilles attitudes charogneuses et même grivoises. Tu as raison. Quand bien même Marck, parce que tempête sous crâne, je t'écris, je continue dans la convoitise en espérant te voir réagir d'une manière ou d'une autre. Je suis peut être en train de maugréer, à travers cette lettre que je t'adresse, néanmoins je frôle la lisière du désespoir de voir un jour mon peuple d'élever d'un rang d'erzats. Bien à toi.