«Mon professeur de maths ne sait absolument pas enseigner », «Pour tous ceux qui détestent le prof de philo», «Si toi aussi t'as envie de dire ta gueuuuule à ton prof», «Mon prof de Physique/Chimie est un cas social», «On a tous un prof qui pue d'la gueule ou qui s'habille pareil tous les jours », « Si toi aussi t'aimerais que ton prof se casse la gueule dans les escaliers », « Si ton prof d'anglais ne sert à rien », « 100 trucs pour énerver les profs »…. Il s'agit des injures et parfois des insultes circulant sur la toile et pleins d'autres intitulés de groupes au réseau social « facebook » auxquels adhérent chaque jour les internautes. Des groupes drôles et marrants en vogue en ce moment, qui laissent réfléchir et confirment de plus en plus que le respect des lycéens et des écoliers envers les professeurs devient une monnaie rare. Certes, le fossé n'a cessé de s'accentuer entre professeurs et disciples et « Facebook » est devenu la soupape de plusieurs lycéens révoltés et rebelles qui y ont décidé de déclarer la guerre aux enseignants. Déplorant le manque de respect au quotidien, le monde virtuel est devenu une aire pour les élèves dans laquelle chacun diffuse sa haine, crache son animosité et révèle sa rancune envers un ou plusieurs professeurs. Les enseignants se considèrent lésés, et estiment que ces groupes sur« facebook » sont venus approfondir le fossé. Par quoi peut-on expliquer ce lynchage virtuel ? Comment les professeurs réagissent-ils face à cette médisance ? Nous avons essayé de répondre à ces questions et de recueillir des témoignages pour expliquer ce fait qui se répand sur la toile. On diffame par milliers Le plus frappant est le nombre impressionnant des adhérents à ce genre de groupes. On en compte par millier pour un seul. Ce n'est plus une farce ou une plaisanterie cela prend une tournure sérieuse. Des forums qui varient de ce qui est amusant à ce qui est hilarant ou ridicule et blessant. L'adhésion à ces groupes prend une ampleur démesurée, comme quoi les internautes sont avides d'offenser leur professeur. On décrypte également dans les intitulés et les discussions le mépris, le dédain, la haine, l'agressivité et l'hostilité. Les termes ne sont pas exagérés et dépassent la limite du fun ou de l'amusement. D'ailleurs, en posant la question à une lycéenne à ce sujet, elle confirme que son adhésion émane d'une profonde conviction. « Si j'ai rejoint ce groupe, ce n'est pas pour rigoler ou pour faire l'originale, mais ma rancœur envers une enseignante m'a motivée pour rejoindre ce groupe. Je la déteste et je pense aussi que c'est un sentiment partagé et réciproque. J'ai essayé de « boycotter » son cours, mais trop d'absences m'attirent des ennuis et des problèmes tant avec l'administration qu'avec mes parents. Je reproche à cette enseignante plusieurs choses, à commencer par sa façon de nous enseigner. Elle ne fait qu'écrire le cours sur le tableau et si on lui demande de nous expliquer, elle efface et réécrit intégralement ce qu'elle a déjà inscrit dans un premier temps. Je suis persuadée qu'elle n'a pas de conscience professionnelle. Elle encaisse chaque mois sa paie sans se préoccuper de notre sort. Je doute fort qu'elle s'est un jour posée la question : ‘'Ai-je accompli ma mission d'enseignante ? Ou ‘'Est ce que j'ai bien inculqué le cours à mes élèves ? ‘' Souvent, c'est exaspérant et j'ai l'impression de somnoler pendant cette discipline. J'ai pensé à maintes reprises à lui suggérer d'aller s'inscrire à un cours pédagogique ou de démissionner. Mais en réfléchissant aux conséquences ultérieures de mon acte et le risque que je pourrais encourir, je renonce à cela et je prie pour que cette année s'achève le plus vite possible ! » « Je le hais » De sa part, un autre lycéen d'un autre groupe explique son adhésion : « ce sont les mauvaises notes, la cause de mon antipathie envers mon enseignant, il a pris l'habitude de me donner de mauvaises notes, j'ai alors pris l'habitude de le hair ! Ces notes catastrophiques représentent une source d'irritation de mon père et en conséquence la rupture des vivres pour moi. Après tout ce que j'endure, comment ne pas adhérer à ce groupe ? J'ai envie de crier à haute voix et en pleine figure à ce prof ce que j'écris chaque soir au forum ! ». Lorsque nous avons interrogé un professeur à ce sujet il nous a expliqué qu'il comprend tout à fait ce comportement. Il nous a expliqué que ces élèves ne détestent pas réellement leurs professeurs mais c'est une projection qu'ils font sur eux. Il affirme qu'en général, la cause de cette haine n'est autre que les matières difficiles. Ils pensent que lorsque le professeur accorde de mauvaises notes, il accorde cette note à l'élève, à sa propre personne. Chose qui n'est pas vraie. Le professeur accorde une note suivant ce qui existe sur la feuille des élèves, ces derniers oublient de persévérer pour avoir une note meilleure, ce qui aboutit à une relation verticale tendue et chargée de dédain. En somme, les élèves voudraient plus de souplesse de la part du professeur, et moins de sanctions. L'époque du « Mouaadeb » (prédicateur), avec sa Jellaba blanche et sa canne qui lui servait à la fois de béquille pour l'aider à marcher et de bâton pour punir ses disciples, est ‘révolue. Désormais, on ne rougit plus en croisant, dans la rue notre professeur, cette personne ne nous fait plus peur comme jadis. Elle n'impose plus le respect pour plusieurs élèves. Au contraire, les jeunes au lycée ne ratent plus l'occasion pour rendre la vie impossible à ces personnes qui illuminent les esprits par l'éducation et la culture. Crevaison de pneus de voitures, jet d'œufs et gros mots, outre la violence corporelle dont ils sont parfois victimes …. Quant à ceux qui n'ont pas assez assouvi le plaisir de maculer cette relation ‘'professeur-élève'' dans la vie réelle, l'espace virtuel et ces groupes donne encore l'occasion pour démolir le peu qui reste de cette noble relation.