Par Khaled GUEZMIR - Nous l'avons dit et le répétons : la Tunisie n'a pas les moyens d'avoir des transitions trop longues, ni de vivre une révolution qui s'allonge dans la durée ! Elle n'a ni le pétrole de l'Iran, ni celui de la Libye ou de l'Irak. Ses ressources réelles sont liées à l'activité productive dans tous les domaines et sont condamnées à être renouvelées sans cesse par le travail et un minimum de discipline sociale et d'entreprise. Les intempéries de cette semaine ont montré à qui veut encore faire semblant de l'ignorer, que le pays est bien fragile et pas seulement dans la Tunisie des profondeurs mais aussi dans les villes. Celles-ci ont, d'ailleurs, subi des dégradations considérables au niveau de l'infrastructure et de l'hygiène, quant à l'environnement, plus personne n'en parle. L'ensemble du tissu urbain du pays a été nivelé par le bas. Les quartiers « chics » et « bourgeois » et des classes au-dessus de la moyenne sont un lointain souvenir. Tout se paupérise à force de négligence, manque d'entretien et indifférence généralisée aussi bien de l'administration que des citoyens. Tout le monde attend… et à force de répéter au peuple qu'il n'a que des droits, il n'y a plus de sensibilité ni d'exigence pour les devoirs ! Comble de la tragédie, personne ne semble être pressé de remettre le pays en marche et de donner la fonctionnalité nécessaire aux institutions. Les politiciens de tout bord ne sont accaparés, actuellement, que par leur positionnement futur dans la nomenclature du pouvoir… et on laisse traîner la formation du futur gouvernement encore « provisoire » pour au moins un an, pour des considérations tactiquo-stratégiques. Et là, bonjour les contradictions les plus absurdes. Les uns font prévaloir que la démocratie tunisienne n'a pas atteint, malgré la percée des dernières élections, le standard international et qu'il faut y aller par étape en passant par un gouvernement de l'intérêt général (Maslaha-Aâmma). Les autres veulent une mise en œuvre des pouvoirs publics en conformité avec le résultat des urnes et, donc, un gouvernement bénéficiant d'une majorité parlementaire, tout simplement, comme c'est le cas dans tous les pays démocratiques. Au fond, chaque parti veut s'assurer de la position la plus adéquate pour servir ses ambitions à court, moyen et long termes. Pourtant, la meilleure « ruse », selon le conseil de l'Empereur Mouaouia Ibn Abi Soufiène, à son fils Yazid, c'est d'abandonner la ruse (Al hila fi tark al hiyal). Nos politiciens, si pressés de garantir leurs futures positions dans le gouvernement, alors que la Constitution n'a même pas été rédigée, devraient se soucier un peu plus de l'état général du pays qui traverse une multitude d'urgences à tous les niveaux. Rien ne vaut la clarté ! Et la clairvoyance c'est d'accepter les règles du jeu à la loyale comme c'est le cas dans tous les pays démocratiques. Les vainqueurs doivent être en charge de former le gouvernement et d'assumer leurs responsabilités… toutes leurs responsabilités, parce qu'ils doivent rendre des comptes à nouveau aux électeurs dans un an. Les outsiders et les partis éloignés idéologiquement des vainqueurs, ou qui les soupçonnent de vouloir transformer radicalement le modèle social et culturel du pays, doivent aussi accepter leur défaite actuelle et préparer l'avenir, d'abord, en analysant avec profondeur et sérénité les causes de leurs échecs, et en se mettant au travail pour remettre de l'ordre dans la maison de la gauche démocratique et faire naître un nouveau pôle capable d'aspirer à nouveau au commandement politique. Contester la victoire d'Ennahdha en voulant la priver de « gouverner » n'est pas à notre avis la bonne stratégie, seule de sa gestion des affaires publiques peut nous dire si elle est capable d'assumer la prise en charge des attentes et des exigences sociales ou non. Vouloir être dans « l'opposition » au style et à l'idéologie d'Ennahdha et faire partie de « son » gouvernement pour le meilleur et pour le pire, c'est un peu vouloir le beurre et l'argent du beurre. L'heure des choix a sonné pour les leaders du centre-gauche démocratique et encore une fois le conseil de Mouaouia : La ruse c'est de ne pas en faire ! C'est être ou disparaître ! K.G Korb [email protected] sihem [email protected]