Pleurer… gémir, c'est mourir un peu ! C'est ce que le poète stoïque disait pour que les faibles arrêtent de regarder en arrière, dépasser leurs souffrances et reconstruire… la vie ! La Révolution tunisienne a permis de libérer le pays, son peuple et ses élites de la déchéance morale et politique en attendant l'amélioration des conditions d'existence dans les régions défavorisées et surtout répondre aux exigences des jeunes pour l'emploi et la dignité. Mais comme dans toutes les révolutions authentiques il y a un passage obligé à la déstructuration de l'ancien régime avec une étape d'incertitudes, d'hésitations et de flottement avant une certaine stabilisation. A notre avis et jusqu'à présent, notre pays a réussi à éviter le pire malgré une petite dérive sécuritaire et le manque de discipline individuelle et collective qui n'est pas nouveau dans le comportement des Tunisiens même en temps de paix sociale ordinaire. Beaucoup de nos concitoyens ont vite réalisé que le seul moyen de « gifler » le dictateur et abolir son système à jamais, c'est de réussir la Révolution et l'étape de construction démocratique. Or, celle-ci passe par un grand sens du devoir, de la modestie et surtout un attachement sans faille à l'intérêt général et à la préservation des acquis majeurs de notre pays. Il faut tout de suite souligner que ces acquis ne sont pas des « cadeaux » de l'ancien régime ou de la classe dirigeante, rapprochée du dictateur, gangrenée par la corruption, ni le résultat de leurs « génies » (sic) créateurs. Ces acquis représentent le fruit d'un travail acharné et souvent en silence de milliers de hauts cadres et compétences tunisiennes, reconnues à l'échelle régionale et même mondiale et de millions de travailleurs dans l'industrie, l'agriculture, le tourisme et les services depuis l'indépendance. Ces chevaliers patriotes ont vécu dans l'honneur de servir le pays avec abnégation et humilité et se sont retirés dignement vers une retraite souvent provoquée mais paisible sans gémir… ni pleurer. Parmi ceux-là et ils sont nombreux, j'ai une pensée émue en écrivant ces lignes pour Si Lassaâd Ben Osmane, plusieurs fois ministre de l'Agriculture et de l'Equipement et ses équipes d'ingénieurs, cadres et ouvriers qui ont été les architectes-constructeurs de nos villes, barrages, routes et ponts et des périmètres irrigués qui font la fierté de la Tunisie d'aujourd'hui. Ces hommes qui sont exemples parmi d'autres, méritent notre reconnaissance et notre gratitude pour leur probité et leur intégrité morale et matérielle, pour avoir servi la Tunisie sans jamais profiter de leurs positions ni de leurs pouvoirs pour s'enrichir ou favoriser les leurs ! J'en viens maintenant à un problème qui me tient à cœur la diplomatie ! S'il y a un domaine où la Tunisie a commis un « zéro faute » depuis 1956, c'est bien le domaine des relations internationales. Talleyrand, cité comme l'exemple du diplomate parfait, avait coutume de dire « qu'une bonne diplomatie c'est celle qui n'a pas d'ennemi » ! La Tunisie, à notre humble avis, en fait partie et c'est un acquis considérable qu'il faut préserver. Depuis l'indépendance et même du temps de la dynastie beylicale, husseïnite, notre pays a réussi à construire des relations d'amitié et de solidarité avec le monde entier. Le génie d'un certain Bourguiba, de ses collaborateurs et de toutes nos chancelleries diplomatiques à l'étranger, c'est d'avoir pu faire en sorte que la Tunisie soit l'amie et l'alliée des Etats-Unis d'Amérique, de la France, de l'Allemagne et de toute l'Europe occidentale, mais aussi de la Russie soviétique, de la Chine communiste, de Cuba, du Vietnam etc… A cela il faut ajouter les relations de solidarité et de fraternité avec l'Afrique subsaharienne, tous les pays arabes et musulmans sans exception, y compris l'Iran, et surtout avec les pays frères du Maghreb : l'Algérie, la Libye, le Maroc et la Mauritanie. La démarche diplomatique tunisienne a toujours été guidée par la non-ingérence, le respect de la légalité internationale et surtout le développement de la coopération économique bilatérale. Nous disons cela pour que les jeunes politiciens, journalistes et autres commentateurs, un peu trop agressifs arrêtent de pleurer, de gémir et de « grogner » à chaque visite d'un homme d'Etat étranger en Tunisie. De grâce, arrêtons de culpabiliser Mme Michèle Aliot Marie, M.Sarkozy, M. Berlusconi et Mme Hilary Clinton… Ces hautes personnalités mondiales et leurs pays ont des relations d'Etat et des intérêts mutuels avec leurs partenaires dans le monde, y compris notre pays. Est-ce leur faute si Ben Ali a établi une infâme dictature pourrie en Tunisie ! Les peuples ont les gouvernements qu'ils méritent « Kaïfama takounou… youwalla Aleykom) et cette dictature là nous l'avons méritée quelque part. A nous de nous immuniser contre le despotisme à l'avenir et de construire une démocratie libérale forte et irréversible dans la durée. La Tunisie est un pays connu pour son sens de l'hospitalité et de l'amitié franche et sincère. Acceptons, avec reconnaissance et amitié les mains qui se tendent vers nous de l'Occident et de l'Orient pour construire le meilleur à venir et ensemble avec l'Amérique, l'Europe, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Chine, la Russie etc… Disons, sans restriction ni ambiguïté, encore une fois, et toujours à M. Alain Juppé, ancien Premier ministre de la France et ministre des Affaires étrangères, ainsi qu'à tous les visiteurs de marque qui viennent encourager la Révolution en Tunisie. « La générosité est une fleur de France » disait le leader nationaliste Ali Bach Hamba en 1907. Alors s'ils vous plaît, ne la jetons pas en mer quand elle vient vers nous !