Est-ce un hasard si le dernier sondage réalisé en Egypte donne pour gagnant aux prochaines élections présidentielles l'ancien vice président de M. Hosni Moubarak lui-même ! Mais alors Kadhafi aurait eu bien raison de dire aux Egyptiens « A quoi vous a servi la Révolution… » Si c'est pour ramener au pouvoir le clan Moubarak ! Tout cela est indicatif du ras-le-bol de la classe moyenne égyptienne devant les dérapages sécuritaires, les grèves répétitives et l'occupation de la rue et des places publiques à l'image du fameux « Maydan Attahrir » (Place Tahrir). Au fait pourquoi en Tunisie comme en Egypte le vécu est pratiquement le même et la fatigue des dérives révolutionnaires, risque de retourner l'opinion de la « majorité silencieuse » contre les partis et la classe politique de la surenchère qui bloquent non seulement l'activité des gouvernements provisoires mais la vie économique la plus élémentaire et la plus vitale. Il faut faire la différence entre révolution de « pays riches » et révolution de « pays pauvres ». Les révolutions qui ont tenu le plus longtemps sont celles des pays « riches » par leurs ressources naturelles et surtout le pétrole. Si Kadhafi a tenu le coup avec sa révolution permanente pendant plus de quarante ans c'est parce qu'il avait (ou plutôt la Libye) un excédent de pétrodollars qui lui permettait une importation confortable des biens de consommation. Idem pour l'Iran et l'Irak, sans le pétrole les systèmes auraient évolué différemment dans ces pays. Pour l'Egypte et la Tunisie, la situation est bien différente. La « révolution » en terme de destructuration de l'Etat ancien ne peut s'installer dans la durée, les ressources étant limitées et l'économie risque l'étouffement pur et simple. Cette situation est encore plus contraignante dans la mesure où des secteurs stratégiques mais fragiles comme le tourisme surtout pour l'emploi et les finances publiques en devises, ne peuvent souffrir une trop longue période d'incertitude et d'insécurité. Un ami de longue date Italien universitaire amoureux de Carthage la romaine, et d'El Jem n'a pas pu se priver de son voyage « annuel » en Tunisie malgré les réticences de ses proches qui lui ont conseillé cette année l'Espagne. En le raccompagnant à l'aéroport je l'ai sondé sur ses sentiments « post révolutionnaires ». Sa réponse a été nette : « Quel plaisir de ne plus voir ces portraits géants du dictateur, mais quelle tristesse de voir l'anarchie des villes, la saleté des plages pratiquement abandonnées aux chats des gouttières et surtout l'absence de civisme des automobilistes qui ne reconnaissent plus la police ni la loi et surtout les feux rouges ! » Après un moment de silence, presque désespéré je lui ai dit « Alors Stéphano, tu ne viendras pas l'an prochain » ! Si… s'empressa-t-il de répondre… mais s'il vous plait dites aux Tunisiens de prendre soin de leur pays merveilleux au plus vite et de remettre l'Etat et les institutions en marche surtout la discipline et l'hygiène sans cela les touristes iront ailleurs et la nature a horreur du vide » ! Ceci est très indicatif de ce qui se passe dans notre pays. Les gens veulent moins d'Etat et plus d'Etat ! Moins d'Etat pour satisfaire leur égoisme personnel, écorcher les lois et s'approprier l'espace public. Plus d'Etat quand les intérêts particuliers sont menacés y compris la liberté ! Il va falloir accepter que l'Etat est une totalité qui implique une grande dose de discipline individuelle et collective pour qu'il puisse répondre à sa vocation : Protéger la liberté et répandre la quiétude. Au temps de la dictature, c'était l'ère de « l'Etat c'est moi » - Au temps de la démocratie « l'Etat c'est nous », « wa kaïfama takounou… youwella alaykom » (Les peuples ont les gouvernements qu'ils méritent) ! Ciao ! Stéphano ! Merci ! K.G