Ton printemps bourgeonne et enfante mille promesses, mille liesses à venir. Ta voix résonne, tonne, clameurs libératrices. Tu as rompu le silence, l'indifférence, levé la tête. Des décennies d'un hiver long, pesant, emportées par un vote. Plus rien ne sera comme avant, ton destin, entre les mains, illumine tes lendemains. Les griffures, les blessures pourraient-elles être pansées par une victoire symbolique sur l'arbitraire, sur l'injustice, sur l'aveuglément d'un ennemi obtus ? Les applaudissements de ceux qui soutiennent ton combat te feront-ils oublier les râles des martyrs, les cris de douleur des survivants, la désespérance d'un peuple spolié ? Te feront-ils oublier la longue agonie des oliviers gaulés, brûlés pour assouvir l'appétit insatiable des colons voraces ? Te feront-ils oublier les pas précipités et apeurés de tous ceux qui ont fui l'horreur ? Te feront- ils oublier les nuits de terreur, le bruit des bombes ? Te feront-ils oublier les insomnies interminables à attendre le réveil espéré pour retrouver la chaleur des autres, pour ne pas sombrer dans le désarroi et la folie ? Te feront-ils oublier les années de lutte acharnée pour libérer une terre éclatée et meurtrie ? Te feront-ils oublier les jours infinis à attendre une délivrance désirée qui s'éloigne, qui se réduit en cendres, chaque fois qu'elle semble atteinte ? Te feront ils oublier les désillusions répétées, les mirages trompeurs d'une solution avortée à un conflit qui perdure et s'éternise ? Te feront-ils oublier les sombres journées de découragement, de désespoir ? Te feront-ils oublier le mépris, les vexations des militaires arrogants, le rejet et la haine, les espoirs bafoués ? Te feront-ils oublier les fêlures, les déchirures, les familles séparées, les chagrins, les deuils, les souffrances ? Te feront-ils oublier l'étouffement et la moiteur des geôles, les hurlements des torturés ? Te feront-ils oublier les attentes déçues, l'âpreté de l'absence ? Te feront-ils oublier les gémissements, les plaintes, les pleurs, les peurs, les angoisses, les disparitions, les enlèvements, ceux que l'oubli a ensevelis, les condamnés au non retour ? Te feront-ils oublier les milliers d'apatrides, les exilés, les réfugiés sur une terre étrangère, les déracinés errant sur les routes de l'histoire, tous ceux qui ont fui l'enfer, emportant la clé de leur chez eux, ultime amulette, ceux qui ont enfoui, au fond de leur regard, les souvenirs chaleureux d'un passé heureux, le vert des amandiers et la fragrance du thym ? Te feront-ils oublier les exactions des occupants, l'horreur incendiaire ? Te feront-ils oublier les yeux éteints des enfants confrontés à la tragédie, les sourires fanés des innocents, la terre bétonnée pour gagner quelques mètres afin de construire une énième colonie, les sommes élevées payées pour inciter les propriétaires à abandonner leurs maisons ? Te feront ils oublier l'identité blessée, les années à résister, à tomber et à se relever, à tenir debout, à tisser l'espérance comme un fil d'Ariane pour que jamais ne se dénoue le lien ? Te feront- ils oublier la terre embrasée, la colère qui gronde, les enfants aux pieds nus, ramassant les cailloux de la terre sacrée pour se défendre contre l'ennemi, pour les semer le long des sentiers et ne jamais perdre le chemin du retour ? Et même si le prochain vote ne réserve pas une aussi belle surprise, même si les grands de ce monde mettront des œillères et seront sourds à l'appel du droit et de la justice, même si la loi du plus fort s'impose, tu as réussi à soulever l'enthousiasme des peuples, à prouver que le combat continue et à essaimer de la lumière sur ta route. Ton aurore sera boréale Le printemps arabe n'en est que plus embelli. Le tien est attendu, désiré et espéré avec allégresse.