L'affaire du médecin Mourad Ben Mansour, de l'hôpital régional de la ville de Khéreddine, dans la banlieue nord de Tunis, accusé d'avoir falsifié le certificat de décès d'un martyr de la Révolution, risque de connaître, dans les prochains jours , de graves développements, à moins d'un dénouement heureux. Ce médecin qui exerce à l'hôpital régional de la ville de Khéreddine, a été accusé d'avoir falsifié le certificat de décès d'un martyr de la Révolution, originaire de la ville voisine du Kram, et condamné, le 16 novembre, par le tribunal cantonal de Carthage, à six mois de prison ferme, la radiation du tableau national des médecins et à une amende d'un montant de 1500 dinars pour chacun des héritiers du défunt. L'accusé a interjeté appel qui doit être examiné, le mercredi 30 novembre. Le Docteur Mohamed Hédi Souissi, médecin urgentiste à l'hôpital de Khéreddine, et secrétaire général du syndicat des médecins de la région de Tunis, relevant de l'Union tunisienne générale du travail (UGTT), nous a indiqué que la Centrale syndicale et le ministère de la santé publique ont chargé des avocats pour défendre l'accusé, émettant l'espoir que justice sera rendue en sa faveur, ‘'car il est victime'', à leurs yeux. Les médecins et les cadres paramédicaux de l'hôpital régional de Khéreddine ont organisé les 21 et 24 novembre des actions de protestation dans l'enceinte de l'établissement pour attirer l'attention sur le cas de leur collègue et soutenir sa cause. Un autre rassemblement de soutien est prévu pour ce mardi 29 novembre, à la veille de l'examen de l'appel en justice qu'il avait interjeté contre sa première condamnation. Le Dr Souissi nous a informés que d'autres mouvements de protestation plus étendus sont projetés, dont l'observation d'une grève générale des médecins des hôpitaux de la santé publique du Grand Tunis, le 3 décembre, précédée d'une réunion générale, le 1er décembre, au siège de l'UGTT, à Tunis. Le mouvement de protestation prévoit, également, l'observation d'une grève générale des médecins et des autres personnels de la santé, dans tous les hôpitaux de la santé publique du pays, dont la date sera fixée ultérieurement. Qu'en est-il exactement ? Les péripéties de l'affaire remontent à la journée historique du jeudi 13 janvier 2011, alors que l'ensemble de la Tunisie s'était révolté contre l'ancien régime de Ben Ali et se trouvait dans un état d'ébullition générale. La ville du Kram avait été l'un des bastions de la Révolution, enregistrant, ce jour là, justement, le décès de nombreux martyrs tués par balles dans le feu de la répression policière sanglante opposée contre les manifestants de la liberté et de la dignité. Mais, le régime de Ben Ali était encore en place le 13 janvier et personne ne prédisait sa chute totale, le lendemain 14 janvier. Le médecin Mourad Ben Mansour était en garde à l'hôpital de Khéreddine, le jeudi 13 janvier, lorsqu'un groupe hétérogène de quelque 50 personnes dont certains portaient des couteaux et des haches, lui amena un jeune homme gravement blessé par balles au cours d'une manifestation populaire, dans la ville du Kram. Devant l'état extrêmement grave du blessé, le médecin décida de le diriger vers l'hôpital hospitalo-universitaire de Mongi Slim, à la Marsa, pour subir une intervention chirurgicale. Mais en arrivant à cet hôpital, le jeune homme décéda et rendit son âme à Dieu. Peu de temps après, le médecin Mourad Ben Mansour, toujours à son travail à l'hôpital de Khéreddine, vit le même groupe de personnes revenir avec le corps du jeune homme mort, pour le forcer, sous la menace d'armes blanches, à établir un certificat de décès falsifié au nom du jeune homme, attribuant sa mort à quelques causes naturelles, et non pas à la suite des blessures graves par balles qu'il avait reçues. D'autres employés de l'hôpital ont reçu des menaces semblables. Apparemment, les parents du jeune homme mort craignaient d'éventuelles poursuites, car le régime de Ben Ali était encore en place, le 13 janvier, et personne n'avait prévu qu'il allait tomber, le lendemain. Le médecin obéit et établit un certificat de décès “sur mesure'', comme on le lui avait dit, cependant, il prit soin de consigner toute la vérité sur l'incident dans un rapport officiel sur les registres de l'hôpital et d'en informer qui de droit. Le pays vivait alors une situation de chaos et d'anarchie sécuritaire totale. Retournement de situation Quand la Révolution a triomphé, le lendemain 14 janvier, les parents du jeune homme mort en martyr firent établir un certificat de décès en bonne et due forme attribuant sa mort aux blessures graves qu'il avait reçues en manifestant contre l'ancien régime afin qu'il bénéficie, à juste titre d'ailleurs, du statut de martyr de la Révolution et des avantages qui en découlent. Et ainsi, une action publique a été intentée contre le médecin Mourad Ben Mansour, dans des circonstances mal connues, du reste. Le Dr Souissi nous a signalé qu'il existe de nombreux cas similaires à celui de Mourad Ben Mansour, ayant été obligés d'établir des certificats de décès “sur mesure'', durant la Révolution, dans beaucoup d'hôpitaux, notamment dans la Capitale Tunis. Ne faudrait-il pas y voir une sorte de geste de solidarité avec les victimes, dans les circonstances qui les avaient entourés. Mr Souissi a critiqué quelques chaînes de télévision, en particulier, qui essaient de les exploiter plutôt à des fins douteuses. Il a souligné que de tous les corps des métiers, en Tunisie, les médecins s'étaient engagés, après la Révolution, à suspendre toute action de revendication de quelque nature que ce soit, en attendant que le pays se remette de ses blessures et reprenne ses forces.