Après tant d'excitations de toutes parts l'année s'achemine vers une morosité biologiquement bien naturelle et un repos bien mérité pour toutes ces formations et tous ces acteurs qui ont investi aussi bien la rue que les médias, tout au long de 2011. On continue même à inviter sur les écrans de nos boîtes magiques, dites « télévisions » des « personnalités » de toutes sortes qui n'ont même pas réussi à décrocher un seul siège à la Constituante pour nous dire comment ce pays peut et doit s'en sortir d'une crise morale et matérielle qui prend de l'ampleur jour après jour. Vous me direz, c'est la démocratie… ! mais, il faut aussi un minimum de représentativité pour être crédible en démocratie ! Ces individualités qui sont, pour la plupart, en chômage technique, dans leurs professions et métiers d'origine se sont imposés à la lumière des projecteurs juste après la Révolution, les uns en créant des « partis » microscopiques, les autres, en se présentant sous la houlette de « l'indépendance » politique pour représenter quoi… finalement, rien qu'eux-mêmes, et encore ! Allons, donc, soyons sérieux ! Ces « micro-leaders » devraient redéployer leurs ambitions personnelles dans des formations plus hautement représentatives, ou disparaître de la scène politique ! D'ailleurs, cette « cristallisation » dans le sens plutôt de l'effritement des forces politiques, a coûté très cher aux courants de la gauche démocratique et libérale qui ne se réclament pas de la religion. Mais personne ne semble avoir tiré les leçons. Face à l'armada envahissante de la Nahdha qui a déjà absorbé comme une éponge les velléités indépendantistes de ses alliés, « l'opposition » rame encore en ordre dispersé et n'arrive pas à peser sur les nouvelles réalités politiques. Ces partis et personnalités dites « indépendantes », pratiquement assommés par l'électrochoc du 23 octobre dernier, voient à leur corps défendant, un peu les yeux brouillés et vapeureux, la « coalition », victorieuse, s'installer au cœur des institutions politiques au Bardo, à Carthage et demain à la Kasbah ! Les quelques sursauts d'orgueil après l'annonce du cataclysme électoral, ou à l'Assemblée Constituante, ne peuvent, à eux seuls, faire de l'hiver qui s'installe dans cette opposition affaiblie et dispersée, un printemps ! Pour cela, il faut beaucoup plus que les quelques voix certes, courageuses, mais désespérées, à la Constituante. Ce qu'il faut c'est un véritable check-up, rigoureux et sans concessions, pour dire, avec courage et lucidité, que les formations restantes dans l'opposition actuelle ne sont plus adaptées aux nouvelles exigences et aux combats qui peuvent ramener le centre gauche démocratique et libéral au pouvoir. En fait, il faut un nouvel électro-choc et une volonté réelle chez tous les leaders de l'opposition pour ne revendiquer au niveau de la représentativité que ce que leur poids réel permet ! Par ailleurs, au niveau du charisme des dirigeants il faut peut-être accepter que les dirigeants actuels, malgré leurs mérites et leur combativité relative, ne peuvent plus mobiliser large et rassembler toutes les masses silencieuses tunisiennes qui ne se reconnaissent pas dans la nouvelle mécanique dominante du système et de ses valeurs. Beaucoup de Tunisiennes et de Tunisiens ont voté pour des partis qu'ils ne connaissaient pas ou à peine. Certains regrettent même d'avoir donné leurs suffrages à tel ou tel parti. La campagne a été camouflée par un manque de différenciation flagrant, où tout le monde a ramené au centre pour rassurer et gagner le maximum de sièges à la Constituante. Au bout du compte, le réveil a été plus que brutal et cauchemardesque pour les mouvements de gauche et du centre libéral… Il s'avère que la démocratie dont ils ont tant rêvée n'est pas la leur. Pire encore, et à défaut d'analyse critique sérieuse et même sévère, ils continuent à espérer un miracle aux prochaines élections ! En fait, le véritable miracle, aujourd'hui, pour l'opposition, c'est de planifier son repositionnement sur la scène nationale, et le plus vite sera le mieux. Brasser large, remettre à niveau, la mobilisation populaire et régénérer les élites dirigeantes charismatiques et crédibles, doivent être les vecteurs essentiels pour les étapes à venir. Une sélection douloureuse attend les états-majors de l'opposition et pas seulement au niveau des élites dirigeantes mais aussi des valeurs et des thèmes de combat politiques. Alors que la Nahdha tire à gauche pour s'assurer un leadership confortable, la gauche doit, plutôt, tirer à droite pour réalimenter ses troupes et regagner les faveurs des classes moyennes. Enfin, il va falloir aussi se décider à intégrer de nouveaux dirigeants charismatiques et crédibles, en dehors même de leurs états-majors traditionnels !