Ooredoo Privilèges : nouvelle expérience digitale pour renforcer le pouvoir d'achat des clients    Inflation : Moez Soussi alerte sur le fossé entre chiffres et réalité    Lancement des inscriptions scolaires en ligne pour l'année 2025-2026    Passeports diplomatiques : l'Algérie impose des visas aux Français    Entrée en vigueur des surtaxes de Trump : le monde cherche un compromis    Tunisie Telecom rend hommage au champion du monde Ahmed Jaouadi    Soldes d'été : le président de la chambre des commerçants de prêt-à-porter appelle à signaler les abus    Jendouba: distribution des contrats de production aux agriculteurs désirant cultiver la betterave sucrière    Le ministre de la Jeunesse et des Sports examine avec Ahmed Jaouadi les préparatifs pour les prochaines échéances    Kef: les 12 élèves victimes d'une erreur d'orientation réaffectés vers les filières initialement choisies    Les plages Tunisiennes enregistrent 8 000 mètres cubes de déchets laissés chaque jour    Ballon d'Or 2025: 30 candidats en lice    Haouaria : un apnéiste décède près de Zembra    Service militaire 2025 : précisions sur les procédures d'exemption et de régularisation    BNA Assurances obtient le visa du CMF    Manifestation anti-UGTT devant le siège du syndicat à Tunis    Le prix de l'or s'envole : 4 500 dinars pour 15 grammes de bijoux    « Arboune » d'Imed Jemâa à la 59e édition du Festival International de Hammamet    JCC 2025-courts-métrages : l'appel aux candidatures est lancé !    Ahmed Jaouadi décoré du premier grade de l'Ordre national du mérite dans le domaine du sport    Météo en Tunisie : temps clair, températures en légère hausse    Najet Brahmi : les Tunisiens ne font plus confiance aux chèques !    Faux Infos et Manipulations : Le Ministère de l'Intérieur Riposte Fortement !    Emploi à l'Ambassade d'Allemagne pour les Tunisiens : bon salaire et conditions avantageuses !    115 bourses d'études pour les étudiants tunisiens au Maroc et en Algérie    Tensions franco-algériennes : Macron annule l'accord sur les visas diplomatiques    Russie – Alerte rouge au volcan Klioutchevskoï : l'activité éruptive s'intensifie    Sous les Voûtes Sacrées de Faouzi Mahfoudh    Disparition d'un plongeur à El Haouaria : Khitem Naceur témoigne    30ème anniversaire du Prix national Zoubeida Bchir : le CREDIF honore les femmes créatrices    Ahmed Jaouadi décoré par le président Kaïs Saïed après son doublé d'or à Singapour    Kaïs Saïed fustige les "traîtres" et promet justice pour le peuple    Le ministère de l'Intérieur engage des poursuites contre des pages accusées de discréditer l'insitution sécuritaire    Donald Trump impose des droits de douane supplémentaires de 25% sur les importations de l'Inde    Macron dégaine contre Alger : visas, diplomatie, expulsions    Sept disparus à la suite d'un glissement de terrain dans le sud de la Chine    La Galerie Alain Nadaud abrite l'exposition "Tunisie Vietnam"    Alerte en Tunisie : Gafsa en tête des coupures d'eau    Absence de Noureddine Taboubi : qui assure la direction de l'UGTT ?    Tech Day Kia PV5 : la technologie au service d'une mobilité sans limites    Décès : Nedra LABASSI    Création d'un consulat général de Tunisie à Benghazi    Vague d'indignation après le retour ignoré d'Ahmed Jaouadi    Ahmed Jaouadi rentre à Tunis sans accueil officiel    La mosquée Zitouna inscrite au registre Alecso du patrimoine architectural arabe    Orchestre du Bal de l'Opéra de Vienne au Festival d'El Jem 2025 : hommage magique pour les 200 ans de Strauss    Le Théâtre National Tunisien ouvre un appel à candidatures pour la 12e promotion de l'Ecole de l'Acteur    Le Quai d'Orsay parle enfin de «terrorisme israélien»    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La barbarie à visage humain en Tunisie
Flash back - Inédit - 26 janvier 1978
Publié dans Le Temps le 31 - 01 - 2012

Par Hélé-béji - Le 26 janvier a été pour le peuple tunisien un foudroyant massacre et un formidable sursaut politique. La stupeur hagarde avec laquelle nous avons assisté au déchaînement de l'armée sur des centaines de citoyens innocents a ébranlé les consciences au point que rien en Tunisie ne sera plus comme avant et que c'est fatalement la violence, désormais, qui aimantera l'ensemble des rapports politiques et sociaux.
L'image d'elle-même que la Tunisie a cru pouvoir se composer, alliance d'oppression et d'ouverture, d'absolutisme et de compromis, dictature bonasse, politique de la coercition et de l'esquive, disparaît aujourd'hui derrière un système totalitaire à l'état pur.
La plus grande erreur que la Tunisie est en train de commettre est de faire semblant d'imaginer que la terreur sanglante, même massive, la persécution ouvrière, l'épuration systématique, occulterait définitivement la misère, cette terreur quotidienne. Le pouvoir croit-il pouvoir conjurer, par le canon d'une piétaille plus famélique que les gueux qu'elle a pour mission d'écraser, l'explosion démographique, la marée scolaire, la crise universitaire, l'écart des revenus, tous les spectres de la détresse sociale et l'éclatement de la société tunisienne vers des tensions insupportables ?
En fait, cette illusion a bloqué au pouvoir toutes les issues. D'un coup, il a dévoilé la supercherie de son « démocratisme » et la farce, tournée en tragédie, qui cachait l'assouplissement du jeu politique enregistré ces derniers mois. La tentation libérale qui a disloqué, quelques semaines avant la grande démonstration du 26 janvier, l'équipe gouvernementale, devenait sous la pression de la base trop palpable ; le pouvoir étouffait sous le poids de ses promesses, et la brèche libérale l'effritait de l'intérieur sous les coups de boutoir d'une opinion publique devenue trop percutante, et magistralement orchestrée par l'Union Générale des Travailleurs Tunisiens, qui avait répercuté dans ses structures la clameur et la contestation des différentes classes sociales. Cédant à la panique, le pouvoir a brutalisé toutes ses structures et choisi la répression ; ce faisant, il a opté pour un ordre qui n'est autre chose que le point de rupture, le point de non retour de sa débâcle intérieure, la côte d'alerte de sa propre anarchie.
Derrière la façade démocratique écroulée, c'est comme si 20 années d'indépendance étaient biffées d'un trait, et l'Etat tunisien apparaît comme un substitut à peine déguisé du pouvoir colonial, pourfendeur de toutes les formes possibles d'indépendance populaire. La grande journée martyre de la lutte anticoloniale n'avait-elle pas fait, le 9 avril 1938, le chiffre dérisoire de 10 morts, comparé à celui du 26 janvier 1978, scandaleusement tenu secret ? La nébuleuse idéologique du discours nationalitaire («union nationale », « pacte ou consensus social », etc.) qui cherche par tous les moyens à vaporiser le concept de lutte des classes (analphabétisme politique ?) en accepte aujourd'hui les implications les plus violentes. Le Parti socialiste destourien ne revendique-t-il pas sans équivoque possible son appartenance de classe, dans une vaste campagne télévisée pour la défense de la propriété, explicitant les clivages sociaux qu'il avait toujours voulu nier ?
Enfin, c'est l'Etat tunisien qui sous le coup de force du 26 janvier, voit se dérober davantage la légitimité de son autorité. La mise au pas et la désincarnation de nos grandes institutions, la chancelante cohésion gouvernementale, l'abîme que constitue pour la souveraineté étatique l'allégeance à l'armée, l'anathème jeté contre le syndicalisme le plus vivant d'Afrique, les turpitudes de notre presse, la mise hors la loi des masses précipitent l'Etat sous l'autorité la plus dégradée et la plus omniprésente de la vie politique tunisienne : le PSD. Le Parti destourien n'est pas seulement l'alibi idéologique du système, il est son principe réducteur et démobilisateur ; il se subordonne à l'Etat de manière absolue au moment même où il prétend le sauver. Il est l'instrument le plus visible et le plus opératoire de l'arbitraire politique, et il objective, codifie, ritualise toutes les formes de terrorisme para-étatique. Surtout, il neutralise Bourguiba et il le dépossède de sa densité historique, jouant ainsi sur un symbole qu'il a complètement vidé de son contenu.
Et pourtant, malgré sa force de frappe, il n'a pas empêché la lucidité politique de la population d'agir contre lui. L'illusion totalitaire s'est développée en marge de tous les processus sociaux : l'accumulation des carences, des frustrations économiques a objectivé une véritable conscience de classe. Sans aucun doute, celle-ci se perd encore dans un certain spontanéisme, une turbulence populaire sans projet ; la bigarrure de la société tunisienne n'a pas permis à ses énergies de se constituer en un contrepouvoir décisif. L'enracinement sociologique de l'UGTT, la riposte des lycées et des universités, l'insolence du petit peuple, la satire fusant sous la terreur, les pétitions d'intellectuels, toute cette résistance psychologique freine sans doute la polarisation fasciste, mais émergera-t-elle en stratégie ? L'opposition extérieure et intérieure, galvanisée par le militantisme syndical, tente de s'arracher à la dispersion. Les intellectuels qui jusque là s'étaient confinés dans un modus vivendi avec le pouvoir sortent du silence. Mais la stratégie d'encerclement et d'intimidation mise en place par le Parti les tient dans une expectative trop proche, pour certains, de la complicité. Quelques uns déjà portent la marque des grands inquisiteurs.
Le front syndical démantelé, comment les forces démocratiques feront-elles de nouveau irruption sur le devant de la scène ? La démonstration du 26 janvier a précipité d'ores et déjà le pays dans l'après-bourguibisme avec ce que cela peut comporter de pire, la montée des tyranneaux, et de meilleur, la démystification du Père. Qui dit que l'armée, cette grande inconnue, se laissera abuser longtemps par les factions civiles et qu'elle ne recèle pas des forces populaires de contestation ? Se prêterait-elle à un nouveau 26 janvier ?
Du haut de leur nouveau pinacle, nos ministres peuvent se vanter aujourd'hui d'avoir acquis, grâce à l'artillerie lourde, une épaisseur historique qui leur a toujours manqué, et contempler dans le sinistre métal sur lequel il se grave, le relief saisissant de leurs effigies. Mais ils auront beau faire, la Tunisie irréelle, magique, touristique, lumineuse qui au fond n'existait que pour eux, est morte. C'est une autre qui s'avance, dans un hallucinant décor martial, et nous en appelons à l'opinion publique internationale qui a su arracher les dissidents soviétiques à leur enfermement, pour qu'elle plaide en faveur des dissidents tunisiens, des syndicalistes persécutés, torturés, morts sous la torture, et qu'elle contribue à sauver un des peuples les plus éveillés du Tiers-monde du désastre historique du totalitarisme.
Janvier 1978
(*) Article inédit, écrit au lendemain des événements du 26 janvier 1978, mais qui n'avait pas pu paraître dans les journaux de l'époque.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.