•Les étudiants issus des classes sociales modestes condamnés à poursuivre leur cursus dans une filière de masse Plus de 350 mille jeunes tunisiens poursuivent leurs études dans les 193 établissements d'enseignement supérieur en Tunisie. Ces chiffres donnent l'impression que les enceintes de l'Université sont ouvertes à nos jeunes, toutes classes sociales confondues, de manière équitable et sur un pied d'égalité. Mais la réalité est très loin des statistiques. Les études menées dans ce sens l'ont bien prouvé. Il existe en effet, des inégalités régionales et sociales dans l'enseignement supérieur. C'est ce qui a été confirmé par le Professeur Mohamed Hédi Zaïem dans une étude menée au profit de l'Institut Arabe des Chefs d'Entreprises. Les chiffres ne sont que l'arbre qui cache la forêt. Parler d'écart et d'inégalité dans l'accès à l'Université, cela a été toujours un sujet tabou en Tunisie. « Il y avait même une absence totale de volonté de se pencher sur cette question. Et le système d'information qui constitue l'un des points faibles de la gouvernance du secteur de l'enseignement supérieur, ne permet pas aujourd'hui de suivre l'origine sociale des étudiants », signale, M. Zaïem. Dès lors, les données sur le sujet n'ont été fournies -pour la première fois- que par la Banque Mondiale dans sa « Revue des Politiques Economiques ». Elle parle de la polarisation qui caractérise le secteur où, l'on distingue deux filières ou deux acheminements de formation universitaire. La première, dite « filière courte », également « filière de masse », alors que la deuxième, elle, est appelée « filière longue » et « d'excellence ». C'est l'élite appartenant à une classe socio-économique aisée qui a droit à ce cursus, d'où « les filières élitistes ». Il s'agit d'ailleurs, des filières nobles qui attirent l'attention de la majorité des bacheliers et qui font l'objet d'une concurrence accrue. Concurrence parfois illégale où, l'on fait fonctionner la machine des pistons pour avoir recours à l'intervention des hauts responsables. La formation en médecine ou en ingéniorat reste malheureusement, limitée aux enfants des riches et des hauts cadres. Ceux qui y poursuivent leurs études sont originaires des grandes villes et appartiennent à une catégorie sociale supérieure. Explications Mais comment s'explique cette réalité ? Les résultats au baccalauréat conditionnent presque totalement l'accès à l'enseignement supérieur, les disparités au niveau de ces résultats se retrouvent au niveau des résultats de l'orientation universitaire », explique M. Zaïem. Il précise à cet égard que « sur les 1441 bacheliers orientés vers les filières médicales (médecine, pharmacie, médecine dentaire, 206 proviennent du gouvernorat de Tunis, 197 de Sfax, 150 de l'Ariana, 119 de Sousse et 111 de Monastir. A l'autre bout, la part de Tataouine n'est que de 3, celle de Zaghouan, de 4, celle de Siliana de 7, celle de Tozeur de 8 et celle de Kébili est de 9 », ajoute-t-il. Ce constat s'explique par ailleurs par la moyenne obtenue lors du bac. Les élèves issus d'une classe sociale ou une catégorie supérieure obtiennent les meilleurs notes ce qui leur donne l'opportunité d'intégrer ces établissements « nobles ». Le constat est confirmé par M. Zaïem. « Un bachelier d'origine sociale aisée à 16 fois plus de chances d'accéder aux études médicales et près de cinq fois plus de chances d'accéder aux études d'ingénieur qu'un bachelier de classe sociale modeste », toujours d'après lui. Classe modeste En revanche, les élèves appartenant à une classe sociale modeste sont condamnés à poursuivre leur formation universitaire dans une filière de masse, d'où, moins de chances de décrocher un poste d'emploi. En fait, dans sa Revue des Politiques Economiques, la Banque Mondiale parle d'une discrimination sociale inquiétante à ce niveau pour dire que « l'accès à une éducation élitiste dépend largement des conditions économiques et sociales des étudiants ». « Les filières généralistes comme la littérature et les sciences sociales sont accessibles à tous et à toutes », mais des problèmes se posent pour les étudiants qui y poursuivent une formation. Les difficultés que connaissent les familles modestes et même certaines franges des classes moyennes pour assurer les études de leurs enfants, (loyer, nourriture, frais de déplacement…) contraignent les étudiants à échouer et carrément abandonner leur cursus universitaire ». « Il s'agit là d'un phénomène inquiétant et sur lequel il faudra se pencher », appelle M. Zaïem. Le gouvernement provisoire et plus particulièrement le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique auront dès à présent à prendre au sérieux ce problème. Il importe aussi de prêter plus d'attention à cette question ainsi qu'à la qualité de formation dans les filières de masse ou « les filières généralistes qui souffrent d'un manque de ressources », comme l'annonce bel et bien la Banque Mondiale. Il est clair que les établissements universitaires, où l'on enregistre une masse importante d'étudiants, souffrent de plusieurs difficultés (manque de ressources, équipements vétustes, conditions d'études difficiles...), sans parler d'autres problèmes d'ordre idéologique et que le ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique tarde à résoudre. La Faculté des Lettres, des Arts et des Humanités de la Manouba ainsi que d'autres établissements des sciences humaines souffrent actuellement, de ces problèmes aux conséquences lourdes sur la réussite des étudiants, leur équilibre ainsi que le bon déroulement des cours. Il est temps de trancher définitivement dans ces questions en imposant le respect de la loi pour sauver l'année universitaire qui se facture très cher aux parents, surtout les moins aisés. Sana FARHAT
Flash Violence à la Faculté de la Manouba Sanctions allant du simple avertissement au redoublement Suite au actes de violence et aux troubles survenus, la semaine écoulée, à la Faculté des lettres, des arts et des humanités, à la Manouba, six étudiants sont passés devant le conseil de discipline dont cinq ont reçu des sanctions allant du simple avertissement au redoublement d'une année. Ces troubles sur fond d'interdiction du port de niqab en classe ont provoqué l'interruption des cours et la violation de l'intégrité de l'espace universitaire. Dans une déclaration à l'agence Tap, le Doyen de la faculté, Habib Kazdaghli, a indiqué que les sanctions variaient entre un redoublement d'une année pour un étudiant et d'un semestre pour deux étudiantes, outre un blâme et un avertissement pour deux autres étudiantes. Ces sanctions appliquées, depuis samedi, ont été prises en concertation avec le rectorat et conformément au règlement en vigueur, a-t-il ajouté.