Le dernier meeting organisé, samedi dernier, à Monastir par l'association nationale de la pensée bourguibienne, a eu lieu dans une conjoncture politique émaillée de morosité, de doute, ajouté à cela des craintes et une torpeur justifiée par la poussée des saadistes qui peut menacer l'édifice de l'Etat civil. L'hésitation trop duré, avant la déclaration de Ghannouchi hier, du parti au pouvoir Ennahdha concernant le maintien de l'article premier de la Constitution de 1959, stipulant que la Tunisie est un Etat dont la religion est l'islam, la langue l'arabe et le régime la République. Les différents appels à l'application de la Chariâa comme unique source de la législation, instrumentalisés par des figures autoproclamées « défenseurs de la Religion », n'ont fait qu'attiser les craintes de voir les acquis modernistes de la société tunisienne ballottés avec le risque d'être remis en cause. Les différentes manifestations des salafistes marquées de violences verbales poussant parfois aux actes sans que le pouvoir en place ne réagisse de manière rigoureuse n'ont fait que donner une image négative d'Ennahdha et du pouvoir en place dans l'opinion publique. La profanation du drapeau national à la Faculté des Lettres et des Humanités à La Manouba a été la goutte qui a fait déborder le vase. D'ailleurs, les étudiants candidats de l'UGTE d'obédience nahdhaouie aux différents Conseils Scientifiques des Facultés et institutions universitaires en ont payé la tribu traduit par une déroute électorale. Les candidats de l'UGET avaient pris le dessus. La réussite du meeting de Béji Caïd Essebsi, à Monastir, s'explique entre autres, par ces peurs. L'ancien premier ministre a réussi son passage lors de la première période transitoire qui a mené aux élections du 23 octobre dernier. Il a tiré les leçons des résultats des élections qu'il résume en deux chiffres 1.500.000 Tunisiens ont voté pour Ennahdha et 1.500.000 Tunisiens ont vu leurs voix perdues puisqu'elles n'ont bénéficié à aucun candidat. Le besoin de regroupements est devenu plus que nécessaire. Certains pensent qu'il est même devenu urgent pour éviter l'effritement des voix, lors des prochaines élections. La Tunisie a réussi la première étape de la transition démocratique avec l'organisation d'élections dont les résultats n'ont pas été fondamentalement remis en cause par les différents candidats en lice. Pour achever la transition démocratique, il faut réussir la deuxième étape. C'est la responsabilité du gouvernement actuel. Un nouveau code électoral doit être promulgué. L'Instance Supérieure Indépendante des Elections (ISIE) doit reprendre du service. Pour que la Tunisie devienne réellement un pays démocratique à l'instar des démocraties avancées, il faudra que le paysage politique soit équilibré, afin que l'alternance soit possible. D'ailleurs on ne peut parler de démocratie si les conditions de l'alternance n'existent pas. Les partis centristes n'ont pas d'autre choix que celui de s'unir. Les égos doivent être dépassés. C'est ce qu'ont compris les forces progressistes et modernistes autour d'Ettajdwid qui vient d'achever les travaux de son dernier congrès et d'élire une nouvelle direction chargée d'achever le processus d'unification des forces progressistes, avec une perspective de rejoindre l'initiative de Béji Caïd Essebsi dans une deuxième étape. Le Parti du Travail Tunisien (PTT) dirigé par Abdejelil Bédoui a intégré cette initiative avec les indépendants du Pôle Démocrate Moderniste (PDM) et d'autres personnalités. Le 2 avril prochain aura lieu une conférence nationale où une direction commune sera proclamée. Boujemâa Rémili, secrétaire national d'Ettajdid chargé de la coordination avait déclaré samedi, au nom de ce groupe que « la pensée bourguibienne n'est pas l'héritage des seuls Destouriens, mais de tous les Tunisiens ». Qui aurait cru, quelques années en arrière, que des militants d'Ettajdid seraient aussi élogieux en évoquant Bourguiba ? Il avait affirmé en substance le lendemain du congrès d'Ettajdid que rejoindre l'initiative de Béji Caïd Essebsi se fait par sens du devoir national. « L'identité d'Ettajdid consiste à se mouvoir dans les intérêts nationaux, même si cela déteint sur nos intérêts partisans. Le fil conducteur de toutes nos luttes est l'intérêt national, en dépit des erreurs et des difficultés ». L'autre groupe de partis composé du Parti Démocrate Progressiste (PDP), d'Afek Tounes, du Parti Républicain va s'unir lors d'un congrès qui aura lieu à Sousse les 7 et 8 avril prochains. Le 9 avril, le regroupement de six partis sera annoncé. D'ailleurs, Ahmed Néjib Chebbi, fondateur du PDP, n'a pas manqué à son tour de faire l'éloge du leader Habib Bourguiba et d'exprimer sa reconnaissance à Si El Béji pour la réussite de la première étape dans la transition démocratique. « En collaborant avec Si El Béji, le pays sera remis sur les rails ». L'avantage de l'initiative Appel de la Nation, est qu'elle fédère de nombreux partis se proclamant centristes et modérés. Il en est ainsi des partis destouriens, convertis à la démocratie. Ils sont les enfants d'un parti qui avait mené la lutte de libération nationale, bâti l'Etat moderne. Ils se projettent comme les premiers héritiers de la pensée bourguibienne. A leur tour, ils ont finalisé des opérations d'unions et de regroupement. La participation de Kamel Morjène et de Faouzi Elloumi et leurs interventions dans le meeting consacrent leur adhésion à l'initiative de Béji Caïd Essebsi. Il le considère comme l'homme de la situation. Une chose est sûre, l'opposition a un besoin urgent d'un leader qui fédère dans un front large et ouvert les forces centristes et modérées. Béji Caïd Essebsi, dans la conjoncture actuelle est en train de réussir un rôle fédérateur que d'autres ne peuvent jouer étant marqués par leur appartenance partisane. L'arrogance des vainqueurs des élections du 23 octobre n'a fait que renforcer les chances de succès de l'initiative de Béji Caïd Essebsi. Il ne suffit pas de fédérer, il faut que les méthodes de travail et de communication changent. D'ailleurs, le succès du meeting de Monastir, a encouragé les organisateurs à en programmer d'autres. Le prochain devra avoir lieu à Jendouba ou Gafsa. Enfin, pour nombreux observateurs, les noms de certaines figures du Rcd ne doivent pas occuper le devant de la scène.