(Première partie) Par Khaled Guezmir - Tous ceux qui ont vécu ce 9 avril 2012, que ce soit à l'Avenue Bourguiba ou devant leur petit écran n'arrêtent pas de se dire : Pourquoi… Pourquoi cette agressivité et pourquoi ces dérapages ! Le Pouvoir vaut-il tant que cela ! Faut-il se voir condamnés en tant que citoyens Tunisiens à vivre la «énième» dictature de notre existence. Certains parmi nous en auront vécu au moins trois : celle du Protectorat français, celle de la fin du règne de Bourguiba, celle de Ben Ali… et maintenant… celle qui pointe à l'horizon avec des prémisses que l'Histoire des nations soumises au totalitarisme gardent en mémoire à l'exemple de Prague et son « Printemps » « martyrisé par les blindés russes ou de Varsovie et sa « Solidarnoj » martyrisée par Jaruzeleski ». Ça commence par la volonté de puissance à plier les intellectuels, les universitaires, les hommes de théâtre, les poètes puis les syndicats, les associations et la société civile puis les partis d'opposition et on finit au prototype classique de l'appropriation de l'Etat, où les institutions deviennent des coquilles vides et où seul un parti puis un homme deviennent les maîtres du pays. La mise sous tutelle du Parlement puis des organismes de contrôle social et spécialement les médias et la presse écrite et audio-visuelle, est la technique de base du totalitarisme et le plus dramatique c'est que cela arrive soit après une Révolution, soit une élection « transparente » et crédible qui donne la légitimité aux nouveaux gouvernants. En Tunisie, disons tout d'abord que pour une fois 99,99% des Tunisiennes et des Tunisiens ont applaudi à la fin de la dictature corrompue de Ben Ali. Même les destouriens et je dirai, surtout les destouriens authentiques nationalistes et progressistes, ont été soulagés par sa fuite parce qu'ils étaient de véritables « martyrs » au vivant car ils assistaient pratiquement impuissants au « hold up » de Ben Ali sur le pays mais aussi sur « leur » Parti le « Néo destour principal artisan de l'Indépendance nationale et de la construction de l'Etat moderne. Pour tous ceux qui semblent l'avoir oublié, Bourguiba, Mongi Slim, Salah Ben Youssef, Slimane Ben Slimane, Ali Belhaouane, Hédi Nouira, Taieb El Mhiri, Béhi Ladgham et tant d'autres, ces acteurs du 9 avril 1938, pratiquement tous déportés juste après dans les prisons françaises à l'époque, étaient tous des « destouriens ». Mieux encore on ne peut pas dire que la Révolution de 1938 a été faite par « une jeunesse sans chefs » comme la nôtre aujourd'hui. Ceux qui ont appelé à la mobilisation et à la manifestation du 9 avril 1938 étaient bien les « chefs du Néo-destour ». Pour revenir à notre vécu d'aujourd'hui et à la différence de 1938, nous pouvons dire que la Révolution du 14 janvier 2011 a eu deux effets immédiats : la chute de la dictature de Ben Ali, puis elle a été marquée pour la première fois en Tunisie depuis « Carthage » par une alternance pacifique et une élection démocratique et transparente. Rien que pour cela cette Révolution relève du « miracle » et démontre à quel point la Tunisie a progressé quand même depuis 1956. Faut-il rappeler que la Dynastie husseinite a été instituée à la suite d'une guerre familiale entre Ali Bacha et Hussein Ben Ali que la République Tunisienne a été établie pratiquement par un « coup d'Etat » a – constitutionnel puisque le Bey « Lamine » a été déposé avant même que la Constitution Tunisienne de 1959 ne soit écrite et adoptée, et enfin que Ben Ali a pris le pouvoir par un « coup d'Etat » médical illégitime et lâche en faisant de Bourguiba un « éternel » prisonnier politique de ce pays ! Partant de là, on pouvait espérer pour une fois dans la vie et l'Histoire de cette nation qui a été quand même à l'avant-garde du monde arabo-musulman depuis Carthage et sa célèbre Constitution admirée par le grand Aristote lui-même, une véritable démocratie avec une séparation effective des pouvoirs et une alternance pacifique acceptée comme règle intangible de la gouvernance politique. Ce vœu, cette aspiration que les Tunisiennes et les Tunisiens appellent du fond de leurs tripes et de leurs rêves ensevelis par des millénaires d'attente et portent comme une bénédiction et une grâce tant attendue… voilà enfin ses bases établies par la Révolution et consolidées par les élections du 23 octobre 2011… Enfin le jour de gloire est arrivé ! Malheureusement et au fil des jours la pierre, et la malédiction de Sisyphe le Roi de Corinthe, s'est rabattue sur nos têtes… à nouveau. Le nouveau pouvoir ne va pas droit au but ! Il louvoie… on sent qu'il n'est pas pressé de la faire cette constitution et encore moins cette nouvelle élection qui doit mettre en place, cette fois, un gouvernement et un parlement ordinaires pour cinq ans et non plus « provisoires ». Les élections de 2011 ont-elles été à la base de cette «glissade» parce qu'elles ont porté un parti « islamiste » au pouvoir ! Peut-être et possible, car à ce jour aucune démocratie classique au sens occidental du terme, n'a été établie par un parti islamiste dans le monde arabo-musulman. Même la Turquie, elle doit sa démocratie à l'héritage «laïc» et moderniste de Mustapha Kamel Attaturk et non pas à Erdogan ou Abdallah Güel ! Et pourtant on était optimiste, on s'accrochait désespérement à notre « projet démocratique » après toutes ces dictatures successives depuis trois siècles. Et puis pourquoi pas une « démocratie » « islamique » à la Tunisienne qui serait la première dans le monde musulman ! La Tunisie n'a-t-elle pas été depuis Ibn Khaldoun, Khereddine, Chabbi, Tahar Haddad (qui étaient tous deux zeitouniens) et Fadhel Ben Achour, la première de la classe, parmi les nations musulmanes ! Mais les indices ne trompent pas… beaucoup d'indices semblent aller à l'encontre de ce projet lumineux ! Bon je vois que vous êtes fatigués. Allez… la suite demain !