Quand on évoque la ville de Bizerte, c'est l'image pittoresque de son Vieux-Port millénaire, enclavé autour de la muraille antique des quartiers de la Kasbah, ceux de la Ksiba, la grande mosquée et autres vestiges, sans oublier les larges plages balnéaires par excellence qui se présente tout de suite à l'esprit, image pittoresque et rarissime tableau panoramique. Encore faut-il entretenir ce tableau pour qu'il conserve ses lettres de noblesse et le prémunir d'un ternissement et d'une dégradation qui se font sentir de jour en jour. Il est vrai que l'érosion accélérée et soutenue des plages de la perle du nord et particulièrement la dégradation alarmante de son port punique n'a pourtant laissé personne indifférent aux problèmes écologiques dont souffre la capitale du nord, mais les protestations et les cris stridents de la population bizertine n'ont jamais trouvé d'échos auprès du gouvernement déchu. Heureusement, la nouvelle conjoncture politique créée par la Révolution a constitué un contexte favorable à l'éclosion de la société civile à travers des associations et d'ONG, pour accompagner les nouveaux pouvoirs publics dans la remise en marche du pays dans tous les secteurs. Tout en essayant de réparer et restaurer ce qui peut l'être encore, et pour empêcher la dégradation continue de l'environnement maritime. D'ailleurs, la tenue récemment d'un point de presse par les membres de cinq associations de protection de l'environnement, de sauvegarde du patrimoine, des droits de l'homme et autres a constitué un exemple type de cette implication et de cette conviction de la société civile à lutter contre la pollution, l'érosion maritime et surtout la sauvegarde du patrimoine.
En effet, profondément amoureux de leur région les représentants des ONG à l'image de MM. Faouzi Sadkaoui, vice-président de l'association de sauvegarde de la médina de Bizerte, Ali Ben Salem, président du la LDH Bizerte, Mohamed Ali Garçi, Universitaire, Mohamed Salah Fliss, Urbaniste et autres ont été unanimes lors de leur exposés à reconnaître que les dépassements des travaux de la marina sont à l'origine des maux dont souffre le pittoresque vieux port de Bizerte, puisque pour y accéder une voie maritime étroite, sinueuse reste désormais le seul moyen d'y parvenir pour les embarcations légères des pêcheurs qui s'y trouvent. Donc, s'achemine-t-on vers un port carrément enclavé ou détritus, vase s'accumulent dangereusement pour « étouffer » ce vieux port phénicien millénaire dont l'embouchure connait déjà un début d'ensablement perceptible. Les participants ont aussi dénoncé la construction de la composante immobilière du projet, un immeuble de huit étages « Nautilus » qui ne saurait avoir le moindre impact positif pour la cité et ses habitants, mais qu'il est destiné à garnir les poches des promoteurs si l'on se réfère aux termes de l'accord de concession qui stipule que « le projet d'extension et d'aménagement du port de plaisance de Bizerte (Cap 3000), qui s'inscrit dans le cadre de la diversification du produit touristique national, porte sur l'extension du port de plaisance actuel, à travers la création de 1.000 nouveaux anneaux et sur l'amélioration et l'embellissement des façades des bâtiments et de l'environnement du Vieux Port. Ce projet, qui devra générer plus de 663 postes d'emploi, porte aussi sur la réalisation d'espaces de loisirs, d'un aquarium marina, d'un hôtel 5 étoiles doté d'un centre de thalassothérapie, en plus d'un chantier naval à Zarzouna pour la réparation et l'entretien des bateaux »
Ceci dit, les opposants aux dépassements du projet rappellent que la municipalité n'a pas accordé le permis de construire, ayant relevé la non-conformité au cahier des charges. Par ailleurs, une correspondance de l'APSAR-Dunkerque jointe au dossier de presse note que « L'association française spécialisée en sites, en patrimoine et en architecture et qui a effectué une visite à Bizerte, livre ses certitudes quant aux conséquences dommageables que pourrait avoir le projet de marina et la construction d'un bâtiment à proximité du chenal d'accès au Vieux Port et de la vielle ville. L'APSAR-Dunkerque alerte les associations concernées sur « l'urgence des mesures conservatoires afin d'éviter un impact durable sur le développement touristique et l'image de la ville, s'il était mené à son terme.
Notons que les associations ont déjà saisie la justice et le tribunal de première instance de Bizerte a mandaté trois experts pour évaluer les impacts de cette réalisation sur l'écosystème environnemental et la protection du patrimoine. De leur côté, les responsables de Marina Bizerte n'ont nullement contesté le droit des associations à faire valoir leurs droits, précisant toutefois la parfaite conformité des travaux et des composantes du projet avec les études premières. Nous y reviendrons.