Dans le cadre du 34° Moussem culturel international d'Assilah, s'est tenu du 29 juin au 1 juillet, un important colloque intitulé « Les eaux effervescentes de la Méditerranée : crise au Nord et soulèvement au Sud » auquel ont participé d'éminentes personnalités des milieux politique, économique et culturel des deux rives de la méditerranée. José Luis Zapatero, ex-Premier ministre espagnol, Franco Frattini, ex-Commissaire européen, Miguel Angel Moratinos, ex- Ministre des Affaires Etrangères d'Espagne, Habib Ben Yahia, Secrétaire général de l'Union du Maghreb Arabe, Fathallah Sijilmassi, Secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée, Youssef Amrani, Ministre marocain délégué aux Affaires Etrangères et à la Coopération et Youssouf Ouedraogo, ancien Premier ministre du Burkina Faso, ont partagé la vedette avec des personnalités arabes et méditerranéennes. Le colloque s'est tenu exactement le lendemain du sommet européen de Bruxelles, qui avait tenté d'éteindre l'incendie qui menace les économies européennes, et du déclenchement d'un nouveau foyer insurrectionnel au Soudan.
La problématique de la coopération Nord-Sud, vieux débat éculé, a été revigorée par l'irruption des révolutions arabes qui a bouleversé les lignes de partage et les équilibres dans la Région. Le colloque devait débattre des voies à suivre pour dépasser la période actuelle de transition et envisager de nouvelles bases pour reconstruire les structures régionales de coopération dans la Région.
Dans cet ordre d'idées, M. Mohamed Benaïssa, ancien Ministre des Affaires Etrangères du Maroc et actuel Secrétaire général du Forum d'Assila a lancé u n appel « pour un examen critique des politiques et des programmes ainsi que des fondements théoriques qui sous-tendent cette approche des problématiques de la démocratie et du développement auxquels font face les pays des deux rives, à une époque où on refuse de se soumettre aux modèles prêts à l'emploi, et ce étant donné la révolution de la connaissance, des télécommunications et des technologies de l'information, diffusées à une vitesse fulgurante ».
L'idée d'un consensus à construire entre le Nord et le Sud autour des concepts de dialogue, de compréhension, d'intégration et de coopération a été défendue par José Luis Zapatero qui a mis l'accent sur « la responsabilité des Etats du Nord de la Méditerranée à soutenir les progrès vers la démocratie et leur engagement dans le dialogue pour réaliser ce destin ». Pour lui, « la Méditerranée est la maison de tous. Elle est une priorité » qui nécessite l'établissement de « l'unité politique de l'Europe pour être un interlocuteur fort sur la scène internationale, face à la Chine, aux Etats-Unis et aux pays émergents ». Si l'unité politique de l'Europe, mis actuellement sur la table des pourparlers va prendre son chemin, et son temps, la coopération avec un Sud en ébullition est, en revanche, une urgence. C'est pourquoi, M. Zapatero s'est prononcé « pour une alliance politique entre les pays du Sud et ceux du Nord, pour une alliance des civilisations ». Mais pour que cela puisse voir le jour, il estime qu'il faut trouver une solution immédiate au conflit israélo-palestinien. « Etablir un Etat palestinien indépendant est une nécessité urgente. Il faut arrêter ce conflit qui est devenu inexcusable » a-t-il martelé pour dire que, finalement, « la solution n'est ni dans le terrorisme ni dans le nationalisme, elle est dans le dialogue et dans...le dialogue ».
En face de lui, M. Habib Ben Yahia a mis l'accent sur « la compréhension mutuelle pour bâtir un avenir commun dans l'espace méditerranéen », et la nécessité de tirer les leçons du passé d'autant que, a-t-il rappelé, que « l'Union du Maghreb Arabe est une idée née en 1958, au même moment que le projet de Communauté européenne ». Il a mentionné que « dans un monde globalisé, l'UMA se prépare grâce à ses décideurs et à ses experts, qui se réunissent toutes les semaines, à trouver les solutions aux défis transfrontières ». Pour lui, une nouvelle page s'ouvre dans « la refondation de l'UMA, stoppée dans son élan de construction depuis 15 ans. La reconstruction devrait se faire sur la base des intérêts communs, la politique devrait suivre pour soutenir les intérêts communs ».
La construction de nouvelles passerelles entre les pays du Sud et du Nord de la Méditerranée ne peut se faire sans tenir compte des crises actuelles qui les traversent. C'est pourquoi dans le cadre de « ce temps nouveau de la construction euro-méditerranéenne, un temps nouveau authentique », M. Miguel Angel Moratinos a mis l'accent sur la « nécessité de mettre en place une banque méditerranéenne » qui viendrait soutenir cette reconstruction.
Alors que les participants européens regardent vers le futur, les intervenants arabes sont restés, pour la plupart, englués dans les problèmes de mémoire, une mémoire meurtrie par l'expérience coloniale et les conflits dans la région. Ce qui n'augure pas d'un processus rapide de refondation de l'espace euro-méditerranéen tant les pesanteurs sont encore vives.
Zine Elabidine Hamda
José Luis Zapatero : «J'appelle à une alliance des civilisations»
Mohamed Benaïssa : «on refuse de se soumettre aux modèles prêts à l'emploi»