Le canal d'Adjim sépare, au sud-ouest, l'île de Djerba du continent. D'une longueur de 2500 mètres, il relie également la lagune de Bougrara au golfe de Gabès et lui permet les échanges avec la mer et le renouvellement des masses d'eau de son bassin. Il se trouve que la lagune de Bougrara qui se distingue des autres lagunes tunisiennes par sa grande superficie (50.000 ha) qui la place au premier rang des lagunes tunisiennes, se débat aujourd'hui dans une situation on ne peut plus critique et possède l'équilibre hydro écologique le plus précaire. Aussi, le canal d'Adjim, qui fait partie de cette importante zone marine, en a-t-il subi au fil des ans les répercussions directes de la dégradation de l'état des lieux, et ce en connaissant une altération de son écosystème et une grave détérioration des conditions hydro biologiques.
En effet, lorsqu'en 1953, il fut décidé d'aménager la route sur les vestiges de l'ancienne chaussée romaine pour amarrer l'île au continent, une telle œuvre n'était pas sans réduire la circulation des masses d'eau, sans provoquer le confinement de la zone et interrompre les cycles de migration des poissons migrateurs.
Puis, la pollution résultant du déversement en mer depuis plus de 25 ans par le complexe industriel de Gannouch d'une grande quantité de phospho-gypse a compromis en la réduisant la transparence de l'eau ; de même, le chalutage inconsidéré exigeant le recours par certains pêcheurs à de gros engins ravageurs de pêche, prohibés car destructeurs des fonds marins a abouti à une restriction relevée de la surface des herbiers de posidonie qui constituent le milieu écologique le plus riche, offrant oxygène et gîte de nidification pour les poissons, à la réduction des prises et à la raréfaction de beaucoup d'espèces. Or, suite d'une part à l'élargissement du chenal existant sous la chaussée romaine réalisé pour activer la circulation vers la haute mer, pour permettre de ce fait aux poissons migrateurs de reprendre leurs cycles de migration interrompus et faciliter la dilution du phospho-gypse et la réhabilitation des herbiers de posidonie, suite aussi à la pose des 500 récifs artificiels dans le cadre du noble projet réalisé par le Groupement du Développement de la Pêche d'Adjim en 2008 en collaboration avec le FEM /PMF(Programme Micro-Financement/ Fonds pour l'Environnement Mondial ), dans une zone marine couvrant une superficie de 50 km2 s'étendant des côtes d'Adjim, à celles d'El Grine de la délégation de Sidi Makhlouf à l'Ouest et à celles de Houmt-Souk au Nord, l'état des lieux s'est considérablement amélioré de l'aveu-même des pêcheurs qui confirment à l'unanimité la réapparition de beaucoup d'espèces et la recrudescence des prises.
Cependant, en dépit de ce léger mieux perceptible et apprécié à sa juste valeur, les pêcheurs ne sont pas encore au bout de leurs peines, car un autre problème non moins épineux demeure d'actualité et les tracassent outre mesure : des tonnes de filets de pêche perdus continuent à séjourner depuis bien longtemps sur les fonds du canal d'Adjim, réputé par son régime marégraphique remarquable bien connu des pêcheurs insulaires qui, en fins connaisseurs du phénomène des marées et des courants montants ou descendants qui changent d'intensité et de force selon qu'il s'agit d'une période de Mortes ou de Vives Eaux, savent qu'ils ne peuvent poser ou retirer leurs filets que lors des marées mortes, lorsque les courants montants et descendants s'affaiblissent suffisamment ; mais, d'autres pêcheurs, n'ayant pas le même degré de connaissances, sont souvent pris au dépourvu par la montée violente des courants marins et perdent leurs filets qu'ils n'arrivent plus à retirer et à récupérer, finissant ainsi dans les profondeurs des chenaux, ou oueds marins, qui jalonnent ce canal, et obstruant les reliefs sous-marins considérés comme des habitats de prédilection, de véritables viviers naturels, avérés être jadis à l'origine de l'abondance des prises et de la qualité de renommée du poisson pêché dans le canal.( sargaillon en particulier, ou mérou, mulet, serre, loup, etc...).
Le projet de tous les espoirs
Sensible aux doléances des pêcheurs, solidaire de leurs préoccupations fondées et légitimes, et alarmée par la précarité de l'état des lieux, l'Assidje ( Association pour la Sauvegarde de l'Île de Djerba ), et dans le cadre de la concrétisation des objectifs qu'elle s'est assigné depuis sa création en 1976, a conçu et lancé un projet de nettoyage des fonds marins du canal d'Adjim, présenté le 06 avril 2012 devant le Comité National de Pilotage du PMF/FEM, dont les membres présents n'ont pas hésité à en approuver la demande de financement intégral sollicité. Un programme d'interventions a été savamment arrêté en concertation avec le Groupement de Développement de la Pêche à Adjim ( GDPA ), le Club Tipaza de plongée, le syndicat des pêcheurs d'Adjim, tous partenaires à part entière.
Le projet prévoit d'emblée des séances d'information et de sensibilisation adressées aux pêcheurs de toute la zone, avant et après, pour les impliquer et les amener à modifier leurs comportements, des sorties de repérage et de balisage des zones affectées dont deux ont été déjà effectuées, des missions de plongée axées sur le retrait des filets perdus et leur transfert vers la terre ferme.
La région d'intervention dont la profondeur variera entre 17m et 52m englobera six zones communément connues par les pêcheurs par Gach El Markeb ( 1 sur la carte ), Ghalou ( 2 ), Hajra Chergaouia ( 3 ), Sess El Melya ( 4 ), Tasatafte ( 5 ) et Karmann 6, et couvrira une grande partie du canal
Comme il est communément d'usage dans tout projet du genre, un atelier annonciateur du démarrage vient de tenir lieu, samedi 14 juillet à la mairie d'Adjim, organisé par l'Assidje, en présence du coordonnateur national du PMF/FEM, M.Abdelkader Baouendi, de tous les partenaires du projet et de quelques pêcheurs de la région, tous bien informés sur la situation et grands connaisseurs de la pêche, pour recueillir les impressions et les remarques des uns et des autres susceptibles d'être profitables et prises en considération , en somme pour garantir au projet toutes les conditions de réussite, à même d'aboutir de la sorte à la concrétisation des objectifs escomptés, à savoir le rétablissement du cycle de reproduction et de ponte, la revitalisation des ressources halieutiques, la contribution à la réapparition des espèces devenues de plus en plus rares, et la sensibilisation des pêcheurs et des exploitants de la mer au respect des règles éthiques régissant l'activité.