Los Angeles, 5 août 1962 : Marilyn Monroe est retrouvée morte. C'est une légende vivante du cinéma, de la chanson et de la mode qui s'en va ; une star planétaire à la beauté hors normes. C'est aussi une femme tourmentée par la vie, fragile, malmenée par les hommes, qui s'éteint ce jour-là.
Il y a cinquante ans, Marilyn Monroe disparaissait. Overdose ? Suicide ? Assassinat ? L'énigme n'a jamais été résolue et ne le sera jamais. Comme l'énigme que représentait elle-même Marilyn. Qui était-elle ? Brune, blonde, parfois ombre, parfois lumière, sa vie est un court-métrage de 36 ans. Son existence est un film tragique. A sa naissance en 1926, Marilyn est Norma Jean Mortensen. Son enfance est chaotique entre un père absent et une mère gravement atteinte de troubles psychiatriques. La fillette est trimbalée de famille d'accueil en famille d'accueil. Dès lors, et suite à une agression sexuelle dans l'une d'elles, elle vivra hantée par un désir de mort. Marilyn trouve une issue à cette effroyable vie à 15 ans : elle est mariée à un ouvrier qui deviendra soldat en 1941.
Norma Jean, déjà femme mais pas encore fatale, est repérée par un photographe dans l'usine de confection de parachutes où elle travaille. C'est la Seconde Guerre mondiale. Une nouvelle carrière commence, le début de la transformation. Marilyn devient mannequin. C'est sur la demande du réalisateur d'une publicité qu'elle doit se teindre les cheveux en blond, couleur qu'elle ne quittera plus jamais et qui a participé à son ascension. Elle enchaîne les pubs et les photos pour les magazines. Pour 50 dollars, Marilyn pose même nue pour un calendrier qui fera scandale quand elle deviendra célèbre. Marilyn assume ce qu'elle fait et avoue : « L'idée d'être un symbole me déplaît, mais si je dois être le symbole de quelque chose je préfère que ce soit du sexe ».
« Je veux être merveilleuse »
Grâce aux photos et parce qu'elle baigne dans un milieu désormais artistique, elle obtient de petits rôles au cinéma. C'est son objectif ultime : être une actrice reconnue à Hollywood. Marilyn prend des cours de théâtre, sublime sa blondeur, se dessine son fameux grain de beauté au crayon. Au fur et à mesure des années, Marilyn se crée, s'imagine, s'invente. Elle prend de plus en plus ses distances vis-à-vis d'elle-même pour devenir star. Elle se fabrique pour faire carrière, mais aussi parce qu'il faut qu'elle s'aime dans la glace. Elle a besoin de se refléter dans une image de perfection absolue. « Je ne veux pas être riche. Je veux être merveilleuse ».
C'est alors qu'elle devient star. Elle trouve son style : un subtil mélange de naïveté et de sensualité. Il suffit de se remémorer la scène où elle joue du piano dans « Sept ans de réflexion » pour comprendre ce personnage double. Elle envoûte les hommes. Et elle le sait. Elle est décrite par certains comme une capricieuse manipulatrice. Tony Curtis confie avec le sourire, lors du tournage de « Certains l'aiment chaud », que « l'embrasser, c'est comme donner un baiser à Hitler ».
Marilyn est pourtant, selon ses amis, une femme extrêmement gentille avec les gens qui lui sont fidèles. Elle ne supporte pas la trahison et le mensonge qui la rendent paranoïaque. C'est une femme peu cultivée mais très intelligente qui joue d'une bêtise feinte. Elle aime lire et écrire ; elle fréquente des intellectuels et veut le faire savoir. Marilyn ne parvient pas à se défaire de cette image de sex-symbol et de s'afficher en tant qu'autre. Son amant dès 1955, le dramaturge Arthur Miller, ne se trompe pourtant pas quand il confie que Marilyn est « un poète au coin de la rue essayant de réciter ses vers à une foule qui lui arrachait ses vêtements ».
Lors des tournages de films, Marilyn est l'incarnation de la perfection, dans son jeu, sa gestuelle, ses mots. Le film débute quand elle arrive sur le plateau. A ce moment-là exactement, on ne voit qu'elle. Billy Wilder raconte qu'avec Marilyn, il n'y a même pas besoin de direction d'acteurs, elle sait tout faire. Quant à Lee Strasberg, son professeur à l'Actor studio, il confie: « J'ai eu deux élèves extraordinaires et surdoués, Marlon Brando et Marilyn Monroe ». Mais la star en demande toujours plus, et réclame de l'amour en plus du succès « Une carrière, c'est fantastique, dit-elle, mais on ne peut pas se blottir contre elle la nuit quand on a froid ».
« Tout ce que je veux c'est mourir »
Côté cœur, le cheminement de Marilyn est aussi douloureux. Elle cherche perpétuellement l'amour et ne le trouve pas. Elle croit le trouver auprès de la star du baseball Jo DiMaggio, en vain. Arthur Miller ne lui offre pas non plus le respect et la considération qu'elle attend. Elle tombe dans les bras de Franck Sinatra, Marlon Brando, Yves Montand. Elle multiplie les aventures pour oublier ses déboires amoureux. Son drame est de n'être jamais aimée pour elle-même. « Les hommes se couchent avec Marilyn et se réveillent avec Norma Jean ».
Elle entame une descente aux enfers. Marylin boit et avale des barbituriques pour supporter la vie, sa vie. « Je sens la vie qui se rapproche alors que tout ce que je veux c'est mourir », écrit-elle. Marilyn est constamment en quête d'équilibre, passe des heures avec son psychanalyste. La créature qu'elle s'est construite vampirise petit à petit la femme perpétuellement insatisfaite qu'elle est malgré elle. Ses amours ne marchent pas et elle ne dort plus. Les relations qu'elle entretient avec les frères Kennedy, Bobby et John, intensifient son désespoir et son mal de vivre profond.
Son dernier film, inachevé, en 1962, porte quelque chose de prémonitoire, « Quelque chose va craquer ». Trois mois après sa prestation terriblement glamour au Madison Square Garden pour l'anniversaire du président Kennedy, en mai 1962, elle décède.
Les souffrances de Norma Jean ont finalement raison de Marilyn. En 1999, l'American Film Institute distingue Marilyn Monroe comme la sixième plus grande actrice américaine de tous les temps. (MFI)