L'Oued Masri coule d'Ouest en Est, au Sud de Grombalia, à la hauteur du village de Bou Argoub. On peut le joindre soit à partir du hameau d'Aïn Tébournok, l'antique Tubernuc, soit à partir de Bou Argoub. La promenade est toujours superbe. Tout le long de la grande route G.P.1, qu'on délaisse pour l'autoroute, les vergers succèdent aux oliveraies et aux vignobles opulents. Pratiquement, dès les premiers beaux jours et jusqu'à ce que les vignes soient écarlates, des paysans offrent aux automobilistes des cageots de fruits de saison dont, en ce moment, des raisins, blancs ou noirs, mûrs à point, sucrés à souhait. Au Nord, les vestiges curieux qui entourent la Koubba de Sidi Bou Zekri méritent une visite. Au Sud Ouest, les Jebels Behelil et Bou Choucha, giboyeux, attirent chasseurs et randonneurs. Les grandes pistes qui les traversent permettent aux « vététistes » d'aller jusqu'à la nécropole à haouanet de Sidi Mohamed Latrech, proche de Bir Bou Regba. L'APPROCHE Quitte à nous répéter, nous affirmons que cette région – et tout le Cap Bon – est agréable en toute saison et que son approche est déjà un plaisir. Si l'on vient du Nord, aux pentes du Bou Kornine – hélas, éventrées actuellement ! – succèdent les collines verdoyantes du Mornag puis la face Est du Jebel Ressas rongé par la cupidité, pour ne pas dire l'imbécillité, qui consiste à détruire des « monuments nationaux » tels que le Ressas et le Bou Kornine. Tous les deux se dressent au Sud du Golfe de ... Carthage, mondialement connu. Le dernier, porte – portait – un temple dédié à Baal, le nom du premier atteste qu'on en extrayait du plomb depuis l'aube de l'histoire sans avoir modifié sa silhouette. Le Ressas, géant d'une légende « arabe », pétrifié sur les rives enchanteresses du golfe, gardait aussi, au dire des Carthaginois le « Grand gouffre ». C'était le versant Ouest de la vallée qui menait aux plaines de ... Carthage : Khanguet El Hadjhadj. Des deux côtés de cette petite route secondaire, menant du Mornag à Grombalia et longeant l'autoroute du Sud, des bois, des olivaies, des vignobles, des vergers, de superbes maisons campagnardes : des « villas » à la romaine, pourrions-nous écrire, garnissent les pentes des collines. Nous regrettons que certaines constructions, chais ou demeures coloniales, soient laissées à l'abandon. Elles font partie du Patrimoine tunisien tout comme la petite chapelle de Khanguet El Hadjadj ou les grands chais Licari. Pourquoi les laisser tomber en ruine ? A l'époque carthaginoise, une ville légendaire : Nepheris gardait la porte Sud du « grand gouffre » : le défilé de Khanguet El Hadjadj qui doit son nom aux légendaires attaques dont les Hadj étaient victimes à leur retour du pèlerinage. C'est au voisinage de Nepheris qu'une des dernières armées carthaginoise fut battue par les Romains en 148 avant J.C., avant la destruction de la métropole punique. Puis, entre Grombalia et Bou Argoub, la plaine se souvient encore d'avoir été essentiellement plantée de vignes. A Bou Argoub, une pancarte indique la route à prendre, vers l'Ouest, pour arriver au barrage de l'Oued Masri.
LE SITE
Passé le chai du « Domaine Atlas », on se promène « par monts et par vaux », complètement dépaysé, sur une petite route en lacets bordée de fermes, souvent très coquettes, de cultures variées et de pentes boisées. On arrive enfin au barrage caché au fond d'une vallée étroite. Les collines des alentours sont couvertes de jeunes thuyas de Berbérie dont les frondaisons vert sombre sont parsemées de fruits gris bleu. Cet arbre a failli disparaître victime de son renom. Dès l'époque romaine, il était l'objet d'un commerce actif. Son bois dur, blond, veiné – « tigré » ou « panthère » précisaient les romains – était très recherché par les ébénistes de cette époque. On raconte que Ciceron avait fait fabriquer une table de ce bois et l'avait payée une fortune ! Ensuite, le fait qu'il soit pratiquement imputrescible, comme celui du cèdre, lui a valu d'être très utilisé dans les plafonds des maisons « bourgeoises » tunisiennes jusqu'au début du XIXème siècle. Il servait aussi à fabriquer des coffres où l'on rangeait les habits. L'odeur du bois fait fuir les insectes, paraît-il. Depuis l'Indépendance, l'Administration des Forêts en a replanté sur des milliers d'hectares. Mais cet arbre souffre, à notre époque de rentabilité immédiate, du fait que sa croissance est lente. On peut laisser sa voiture sur un terre-plein à proximité immédiate des bâtiments du barrage. Légèrement en surplomb de la route, bordé d'arbres mais bien dégagé, il offre un coin à pique-nique parfait. On peut aussi emprunter différentes pistes carrossables à gauche de la route, vers la vallée, pour se rapprocher du lac ou bien y aller à pied. Les amateurs de pêche à la ligne y prendront de très grosses anguilles. Ils pêcheront en toute quiétude. Ils peuvent même laisser leur canne, légèrement abritée par les branches basses d'un tamaris poussant au bord de l'eau et aller faire une petite promenade. Les anguilles prennent tout leur temps pour avaler l'appât, constitué en général d'un « paquet » de vers de terre rouges piqués à l'hameçon. Les anguilles, sitôt pêchées et vidées, sont coupées en tronçons et mises à griller. Elles sont délicieuses ! Les randonneurs n'auront que l'embarras du choix : faire le tour du lac ou traverser le piémont cultivé pour aller se promener en forêt sur les pentes. Aux premiers beaux jours, les guêpiers viennent virevolter dans le ciel, avec des cris aigus. Les marcheurs rencontreront d'abord, passereaux, perdrix et lièvres. Puis, selon la saison, des grives ou des tourterelles dans les bois, tandis que les faucons, crécerelle ou lanier, planeront dans le ciel. Si l'on marche silencieusement, on lève souvent un renard ou un chacal qui s'éloigne sans crainte. Les plus entraînés iront sans problème visiter les vestiges romains de l'antique Tubernuc / Aïn Tébournok. Ils n'en sont qu'à quelques kilomètres. Les sous-bois de lentisques aux baies rouges, de bruyères aux clochettes roses, de romarins saupoudrés de fleurettes bleu tendre et de « genets » somptueusement dorés mais terriblement épineux, abritent de magnifiques orchidées sauvages dont l'Orchis Collina, très précoce, aux fleurs rose indien, les splendides Orchis Papillonacea « grandiflora » aux inflorescences rose vif veiné de pourpre et d'autres encore. Les fleurs blanches ou rosées des tamaris, au bord de l'eau, embaument au printemps et en automne. Les oxalis jaune citron puis les soucis orange et les cistes blancs ou mauves parsèment les talus dès le mois de Janvier. Deux petites maisons abandonnées sont les vestiges du tournage d'un film. Sophia Loren aurait fait partie de la distribution, d'après les gens de la région. Les amateurs de pique-nique ont le choix : en plein soleil ou à l'ombre, un casse-croûte préparé à la maison ou une grillade vite « organisée » entre quatre pierres. Les branchettes de lentisque dont la sève fournissait, naguère, une colle industrielle, prennent feu très facilement comme celles de romarin. Le bois mort du thuya et les branchettes parfument agréablement des grillades. Un verre de thé chaud, préparé sur les braises, termine agréablement un repas « champêtre ». On apprécie pleinement le calme, le silence, l'absence de grondements de moteur. On peut passer toute une journée sans entendre un bruit de moteur ! Les parents peuvent bavarder ou sommeiller : les enfants ne courent aucun risque autre que celui de mettre les pieds dans la boue du bord de l'eau. A quelques kilomètres de grandes villes, il existe encore de petits « coins de paradis » facilement accessibles toute l'année.