Un principe général dit : « on ne change pas une équipe qui gagne ». Il ne s'agit pas ici d'étaler un plaidoyer pour les personnes, c'est-à-dire Kamel Jendoubi et son équipe qui avaient conduit de main de maître les élections du 23 octobre. Mais, il y a les institutions et les hommes qui les animent. Très souvent le bon fonctionnement structurel des institutions dépend presque exclusivement de la maîtrise organique de ceux qui les animent. Cela dit, les débats qui commenceront aujourd'hui autour de la préfiguration de la prochaine ISIE seront lourds de conséquences et lourds d'avenir. Dans l'édifiant document de notre page cinq, nous rapportons le projet de loi organique formulé par le gouvernement, ponctué presque à chaque article, de réserves formulées par l'ISIE en tant que structure encore existante, indépendamment des personnes qui la composent. L'impression est que le texte est taillé sur mesure pour la Troïka, ne serait-ce que par la volonté de reconduire le système de la proportionnelle qui favorise les grands partis et autorise le jeu des alliances avec les petits. Le CPR et la Troïka ont joué au cheval de Troie – que fut Ennahdha – lors des précédentes élections, alliance favorisée justement par la proportionnelle.
Il est dans l'ordre des choses que ceux qui proposent les lois s'accrochent viscéralement aux axes ayant rendu possible leur accession au pouvoir. C'est la règle du jeu. Sauf qu'à lire les réserves de l'ISIE, on remarque qu'elles sont motivées par un souci d'équilibre, d'indépendance et l'attachement à une latitude sans laquelle l'instance serait asservie à l'establishment. Il s'agit aussi d'une simple mise en cohérence, conformément à l'esprit des lois si ce n'est carrément des exigences d'un certain discours de la méthode que la désinstitutionalisation que nous vivons ces derniers temps, a carrément transformées en cacophonies idéologiques, partisanes et pour le moins épidermiques.
La bataille est donc engagée aujourd'hui entre les membres de la Troïka et ceux de l'opposition. Bien plus que des techniques électorales, l'issue de ces confrontations déterminera aussi une préfiguration du système électoral et, même, par ricochet du régime de gouvernance.
L'ISIE doit donc survivre grâce à son indépendance et à sa force de l'arbitrage. Qu'on n'en fasse pas une malheureuse chambre d'enregistrements.