Avec le retour des constituants, aujourd'hui, lundi 3 septembre, au Palais du Bardo en vue d'entreprendre la finalisation définitive du texte de la Constitution, deux questions principales s'imposent. La date butoir du 23 octobre prochain prévue pour l'élaboration de la Constitution peut-elle être respectée et reste-t-elle encore du domaine du possible ? Quelles sont les priorités que l'ANC se doit d'inscrire sur son agenda au vu des échéances qui approchent à grands pas ? La Presse a demandé à certains acteurs du paysage politique national représentant la Troïka et l'opposition de s'exprimer. Témoignages Hédi Ben Abbès, porte-parole du CPR : Pour un calendrier transparent, réaliste et définitif Pour le CPR, il est impératif d'établir un calendrier transparent, réaliste et définitif. Il doit comprendre les priorités, à savoir la finalisation de la rédaction de la Constitution en évitant toutes les sources de dissension. Pour ce faire, un comité représentatif de toutes les sensibilités au sein de la Constituante doit statuer au plus vite sur les questions litigieuses telles que la nature du régime, le rapport au sacré etc.,en plaçant l'intérêt de la nation au-dessus de toute autre considération, sachant que le blocage dans l'élaboration finale de la Constitution plongerait le pays dans des incertitudes lourdes de conséquences. En ce qui concerne les instances, la priorité doit être accordée à l'Instance indépendante des élections qui doit reprendre ses travaux dans les plus brefs délais. La date butoir du 23 octobre doit être respectée. Si notre proposition est prise en considération, cette date deviendrait alors plausible. Ajmi Lourimi, membre du bureau exécutif d'Ennahdha : Le consensus reste toujours possible Les 53 jours qui nous séparent encore de la date du 23 octobre 2012 vont décider, effectivement, de l'avenir du processus de la transition démocratique et du pays. Les débats de la Constituante doivent être consacrés, à l'occasion de la rentrée parlementaire qui intervient, aujourd'hui, essentiellement à l'élaboration finale de la Constitution, une constitution pour tous les Tunisiens et non pour un seul parti politique ou un courant intellectuel dominant, et ce, dans un esprit de consensus et de dépassement des dissensions à l'instar des questions relatives aux libertés, au système politique à choisir, à la place de la femme et de ses droits. Je pense que le consensus demeure possible. En ce qui concerne le système politique, qu'il soit parlementaire ou semi-présidentiel, je suis d'avis qu'il sera le fruit d'un consensus national qui fait participer même les partis politiques qui ne sont pas représentés au sein de l'ANC. Aboutir à un consensus sur cette importante question constituera un indice sur la réussite du processus de transition démocratique. Il sera mis à l'actif du gouvernement de la Troïka, de l'opposition et de l'ensemble du pays. Une autre priorité, la prochaine loi électorale doit garantir l'égalité des chances pour tous, la représentativité de toutes les composantes du paysage politique national et assurer la stabilité politique du pays pendant la période d'après les futures élections générales. Quant à l'instance indépendante des élections, il est impératif qu'il y ait un consensus sur sa composition et on doit aussi tirer les leçons de l'expérience de l'Isie précédente présidée par M. Kamel Jendoubi, tout en poursuivant la même ligne de conduite afin d'assurer des élections libres, transparentes et démocratiques. Il ne faut pas oublier que tous les projecteurs seront braqués sur ces élections. Ce sont là les priorités de la rentrée parlementaire. Mais cela n'empêchera pas les constituants d'appeler à des débats avec le gouvernement sur les questions d'actualité les plus brûlantes telles que la situation des médias. Skander Bouallagui, porte-parole du parti de la Pétition populaire pour la liberté, la justice et le développement : Nous proposons la date du 17 décembre pour la finalisation de la Constitution Pour ce qui est de la date butoir du 23 octobre 2012, en tant que rendez-vous de la version finale de la constitution, nous pensons qu'il n'est plus possible pour l'ANC d'être à l'heure. Nous demandons l'accélération des travaux des commissions qui n'ont pas encore rendu leurs copies et qui poursuivent encore leurs réunions, y compris l'audition des spécialistes. Accélérer les travaux de l'ANC ne doit pas s'opérer aux dépens de la qualité du texte de la Constitution que nous sommes appelés à proposer au peuple. Au sein du parti de la Pétition populaire, nous avons fait part de notre attachement à la date du 23 octobre 2012 pour la charge symbolique qu'elle renferme. Mais au vu des conditions actuelles, nous avons décidé d'adopter une position plus souple en proposant la date du 17 décembre prochain en tant que délai définitif pour la mise au point de la Constitution et son adoption. Volet priorités de la rentrée parlementaire, nous considérons qu'il est une urgence capitale : l'adoption de la loi portant création de l'instance indépendante des élections, eu égard à la durée qui lui est nécessaire en vue de préparer les prochaines élections, durée qui ne peut être inférieure, selon les experts, à huit mois. Partant de cette conviction, pour nous le retard enregistré dans la création de cette instance ne peut que mener au report des élections. Nous pensons que la deuxième priorité des constituants consiste en l'adoption de la loi portant création de l'instance provisoire de la magistrature, et ce, pour l'importance du rôle dévolu aux magistrats dans la conduite du processus de la justice transitionnelle et dans l'assainissement du corps de la magistrature par les magistrats eux-mêmes, à l'écart de l'intervention du ministère de la Justice. Abderrazak Hammami, président du Comité politique du Parti du travail patriotique et démocratique ; Pour un nouvel agenda fondé sur le consensus Je pense que la possibilité pour l'ANC d'accomplir sa mission est devenue, de jour en jour, impossible et que la date du 23 octobre prochain apparaît comme irréaliste. Plusieurs questions importantes n'ont pas été traitées dans un esprit de consensus et la classe politique ainsi que les citoyens s'inquiètent de voir que les engagements pris par la Troïka ne soient pas respectés. Je suis convaincu de la nécessité de l'instauration d'un nouveau consensus qui sera fondé sur un engagement commun entre le gouvernement en place et les partis de l'opposition pour trancher définitivement sur la date de la rédaction de la Constitution, l'organisation des prochaines élections, le choix du régime politique à adopter et la création des différentes instances (élections, magistrature, médias, justice transitionnelle). Il faut agir vite afin que le brouillard ou le flou que nous vivons actuellement ne se transforme pas en une crise déclarée menaçant le pays de tomber dans le chaos et menaçant également la légitimité actuelle dont personne ne peut mettre en doute le fait qu'elle émane d'élections libres et démocratiques. Mais cette légitimité est astreinte à un délai limité et ne peut être prolongée sans qu'il y ait consensus là-odessus. Aussi, toutes les forces politiques nationales sont appelées à en prendre conscience et à opter pour des concessions mutuelles, le but étant de parvenir à un agenda national clair traçant la voie à suivre. Toutefois, le gouvernement et les partis de la Troïka en assument la première responsabilité puisqu'ils sont l'acteur principal de la vie politique nationale.