Vivement la ligature des trompes ! Que le gouvernement formé par M. Ali Laârayedh et soumis, hier, à l'avis des Constituants de l'A.N.C, ce n'est pas ce verdict qui nous taraude pour le moment. Par contre, nous nous inquiétons sérieusement pour notre « révolution » qui, en seulement deux ans, a donné naissance à cinq gouvernements successifs, sans compter ceux « de l'ombre » qu'on ne voit jamais et dont on certifie néanmoins le pouvoir occulte ! Cinq portées, et plus, en si peu de temps ! Notre « révolution » ressemble à une chatte que nous avons élevée, il y a quelque temps. Elle n'arrêtait pas de procréer. Il est vrai que nous la laissions été comme hiver, printemps et automne, traîner ses pattes un peu partout dans les alentours du quartier. Nous ne pouvions de ce fait l'empêcher d'ameuter les mâles de son espèce dont elle calmait sans réserve les ardeurs ! Bref, ce qui devait à chaque fois arriver, arrivait et nous dûmes à chaque nouvelle grossesse et à chaque nouvel accouchement prendre soin d'elle et de ses chatons. Mais au bout d'un certain temps, ce rythme de fertilité cessait de nous convenir et nous obligea à emmener la chatte chez le vétérinaire qui procéda immédiatement à une ligature de ses trompes. Depuis cette opération, « Bicha » (c'est le nom de notre chatte chérie) fréquente autant de mâles qu'elle veut, couche et découche sans accoucher, et nous épargne ainsi l'ouverture régulière à la maison de maternités félines pénibles à gérer. Au sujet de notre « révolution » trop fertile, il faudrait peut-être songer le plus vite possible à la stériliser définitivement. C'est d'autant plus salutaire pour elle et pour nous, qu'il ne naît de ses portées nombreuses que des rejetons sans charme particulier, lorsqu'ils ne sont pas tout simplement laids. Excision et esthétique de siamoises A propos de mocheté, les multiples fugues « torrides » de notre chatte avec les mâles du voisinage ont fini par l'enlaidir un peu. Nous avons alors consulté un expert en beauté féline qui nous a recommandé l'excision pour retaper la splendeur évanouie de « bicha ». Il paraît, d'après ce connaisseur en chattes, que l'ablation du clitoris chez les femelles purifie leur sexe, voire même le parfume ! Nous avons tenté l'expérience sur « Bicha » qui n'en fut ni plus propre ni plus odorante. Pour ce qui est de notre trop chère révolution, que ses divers « protecteurs » et « souteneurs » ont de plus en plus amochée, elle doit avoir été excisée entre temps. Avec elle, en effet, le « Printemps arabe » n'est plus une partie de plaisir ; ni la « révolution » ni ses « clients » ne jouissent plus de leurs orgasmes des premiers jours. Désormais, ils nous pèsent, ce Printemps et cette révolution ! Et ils nous « baisent » aussi à leur manière ! Après avoir tant désiré avoir des enfants avec notre « révolution », nous nous hâtons aujourd'hui d'interrompre volontairement ses grossesses ; nous prions Dieu qu'elle fasse fausses couches, qu'elle avorte naturellement ou accidentellement. Non, nous ne voulons plus de ses enfants défigurés ! Il faudrait sinon la faire copuler avec un plus beau mâle reproducteur pour espérer qu'elle « clone » cet étalon. Mais où trouver un tel spécimen rare ? A droite comme à gauche, on ne voit et n'écoute que des fanfarons, que des mâles à moitié émasculés, que des femmelettes déguisées ! A qui la confier donc, cette « lourde » révolution ? Les meilleurs obstétriciens et les plus habiles sages-femmes auraient du mal à en sortir un joli poupon pour égayer réellement notre foyer. Au meilleur des cas, ils peuvent y dénicher des étendards de jihadistes, des tracts de démocrates mous, à défaut de caches d'armes blanches ou automatiques ! Et puis quels drôles de vagissements les bébés monstrueux de notre révolution émettent à leur naissance ! Pire encore quand l'accouchement est gémellaire : entre Troïka 1 et Troïka bis, allez savoir laquelle mérite d'être gardée, car il s'agit de deux siamoises dont la séparation s'annonce extrêmement délicate ! Printemps arabes stériles ! Cependant, et alors que cette opération chirurgicale n'est même pas entamée, notre cher Président de l'Assemblée Nationale Constituante annonçait ce lundi des dates pour le prochain accouchement, pardon, pour les prochaines élections : ce serait, assurait-il, entre fin octobre et fin décembre 2013, sauf complication, bien sûr ! Venons-en aux complications, justement ! Notre « révolution » n'a pas cessé d'en pâtir depuis un certain 14 janvier 2011. Médecin de son état, M. Ben Jaafar s'est déjà trompé de dates à propos du même scrutin ! M. Moncef Marzouki, l'autre praticien, avait avancé lui aussi des échéances douteuses sur ce vote continuellement différé. Et il y eut par la suite autant d'atermoiements que de charlatans. Manifestement, on veut reproduire le même scénario maintenant. C'est-à-dire faire perdurer la période transitoire, et en d'autres termes « compliquer » encore la grossesse et l'accouchement révolutionnaires. Le risque est donc grand (du moment que les diagnostics sont plutôt suspects) qu'on doive se préparer à une fausse grossesse et à une nouvelle comédie d'accouchement ! Quel revers, quelle débandade, quelle honte si tout le monde découvrait que notre « révolution » n'a jamais eu rien dans le ventre ! En définitive, il n'y aurait eu que des fausses alertes, que des douleurs simulées ! Aïe, aïe, aïe ! Serions-nous stériles à ce point, nous les Tunisiens, nous les initiateurs du Printemps arabe ! Cela fait trois printemps que notre « révolution » n'accouche de rien de bon ! Sur la carte, pourtant, la Tunisie a bien son gros ventre devant elle ! Qu'attend-elle pour atteindre la « délivrance » ? Peut-être souhaite-t-elle tout simplement de meilleurs révolutionnaires ! A quand donc enfin la tournée nationale de « zrir »*, chers concitoyens ?
Badreddine BEN HENDA
* On appelle « zrir » une douceur à base de pâte de grains de sésame et de miel, offerte à l'occasion d'une naissance.