A l'occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes et du Forum Social Mondial qui se tient actuellement à Tunis, la galerie de la Bibliothèque Nationale de Tunis accueille depuis le 8 mars et jusqu'à la fin du mois, l'exposition photographique et sonore réalisée par Claire Malen, autour de la Marche Mondiale des Femmes. Cette Marche Mondiale des Femmes, qui se tient une fois tous les cinq ans, est un mouvement qui a été lancé au Canada en 1998. La première marche a eu lieu en 2000 et la 3ème s'est tenue en 2010, date qui coïncidait avec le centenaire de la Journée Internationale des Femmes. L'exposition est axée sur deux volets : d'une part, les photos prises lors des marches exécutées dans différents pays européens, d'autre part les enregistrements sonores de témoignages d'un bon nombre de femmes militantes. Lors de cette exposition, nous avons rencontré Claire Malen qui nous a accordé l'entretien suivant : Le Temps : pourriez- vous vous présenter en quelques mots au public tunisien ? Claire Malen : Je suis photographe de formation. J'ai suivi aussi des études d'arts plastiques, c'est pourquoi le travail plastique est très important dans cette exposition. Je suis à la fois photographe portraitiste dans plusieurs journaux en France... je réalise tous types de photos et je mets en place des projets personnels... j'ai collaboré surtout avec un journal à Paris qui s'intéresse à la banlieue, à l'immigration, au racisme... * En quoi consiste votre projet et pourquoi l'avez - vous intitulé « En marche ! » ? - En 2009, j'ai entendu parler de la marche des femmes qui allait avoir lieu en 2010 ; ce qui m'a beaucoup interpelée dans cette marche, c'était surtout sa dimension mondiale et le fait que des femmes du monde entier soient solidaires entre elles. Donc, le projet à photographier les marches dans certaines villes européennes participant à l'événement. Selon les pays d'origine, chaque femme rencontre des difficultés ou des obstacles spécifiques qui ne sont pas forcément les mêmes dans tous les pays. Les soucis d'une femme africaine qui va chercher l'eau à la source par exemple, ne sont pas ceux de la femme européenne ! Ce qui compte le plus dans cette marche mondiale des femmes, c'est l'aspect collectif et l'intérêt commun qui la caractérise, quoique les nationalités des femmes et leurs origines soient multiples... En fait, chaque femme représente sa propre singularité. Enfin, il s'agit de l'unité dans la diversité et du collectif dans l'individuel ! *Comment vous est venue l'idée d'exposer en Tunisie ? - Tout simplement, je suis venue juste après la Révolution pour voir un peu comment se passent les choses et découvrir de près cette Révolution que nous considérons en France comme extraordinaire. Et donc, la Bibliothèque a entendu parler de mon projet et m'a proposé de venir exposer ici à l'occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, le 08 mars et la tenue du Forum Social Mondial en Tunisie. La Bibliothèque Nationale est un très beau lieu, un lieu de savoir et de culture, ce qui est assez important pour moi de faire mon exposition ! *L'exposition comporte deux volets : on voit des photos et des enregistrements sonores. Pourriez-vous nous parler un peu du contenu ? - Oui, en effet ! Même les photos sont de deux genres. Cela est très important dans mon travail, dans la mesure où j'ai voulu démontrer le côté individuel (portraits de femmes) et collectif (marche des femmes). Cette démarche montre, d'une part, la singularité des manifestantes, de l'autre, l‘espace de combat collectif. C'est partir en quelque sorte de « la femme » tout court pour la notion de « femmes » au pluriel. Cette marche commune pourrait tenir du paradoxe dans la mesure où nous sommes conscients de valoriser nos convergences mais aussi d'accepter nos différences. Et c'est là que réside l'objectif de ce mouvement féministe à travers le monde. Les portraits-totem sont présentés sur des socles sous forme de totems au milieu de la salle d'exposition et représentent des femmes militantes, dont trois tunisiennes, se tenant debout presqu'en grandeur nature, tenant chacune à la main un objet évocateur de leur lutte...Quant au deuxième volet, il s'agit d'enregistrements sonores de témoignages que j'ai réalisés avec des femmes militantes de divers pays à qui j'ai posé les mêmes questions portant sur les motivations et le parcours militant de chacune d'elles. * Quels sont les pays ou les villes où vous avez photographié ces marches féministes ? - J'ai essentiellement travaillé dans des pays d'Europe. J'ai commencé par la Belgique, puisque la ville de départ était symboliquement Bruxelles. En 2010, il y avait eu tout un soutien aux femmes du Congo, victimes de la guerre (violence, viols...), le principe de la marche, c'était de se solidariser par rapport à un endroit dans le monde et à chaque marche, ça change ! Ensuite, il y a eu le Portugal, les femmes portugaises qui ont aussi une histoire très forte lors de la Révolution des Œillets le 25 février 1974. Puis, j'ai suivi la marche en France, à Paris. Après, c'était l'Espagne. J'ai photographié également la marche des Balkans, en Europe de l'Est. Tous les pays de l'Est ont fait une caravane qui convergeait en Turquie, car le but de cette caravane au niveau européen, c'était d'aller à Istanbul et y faire une grande manifestation pour soutenir des femmes emprisonnées. Il y a aussi la Suisse, la Grèce, la Pologne... j'ajouterai que cette exposition a eu lieu un peu partout en Europe (France, Suisse, Espagne...) *vous avez également donné une conférence le jour d'ouverture (le 08 mars). Quel en était le thème ? - Oui ! J'ai expliqué pourquoi j'avais choisi de mettre ces portraits de femmes debout. En fait, ce sont des portraits de femmes exposés sur des totems qui donnent l'impression de personnes fortes et déterminées à aller en avant dans leur engagement et pour la défense de leurs droits. Ce n'est pas des portraits pour la publicité, mais ce sont des portraits qui conviennent vraiment au sujet traité et à la cause pour laquelle ces femmes continuent leur lutte.