Ainsi a pris fin, mercredi dernier, ce long feuilleton sur l'instance de la magistrature, avec l'adoption de la loi en portant création, avec une majorité de 115 membres de l'assemblée, et 4 abstentions Désormais c'est donc ladite instance qui remplacera le Conseil supérieur de la Magistrature, héritage de l'ancien régime qui a été pendant longtemps un moyen permettant à l'exécutif d'avoir la mainmise sur le secteur de la Justice, constituant de la sorte une atteinte à l'indépendance de la Magistrature. Parmi les premières préoccupations de ceux qui ont pris le relais à l'issue de la Révolution, l'assainissement du secteur de la Justice s'est avéré indispensable. La notion de justice transitionnelle est née, et les magistrats, les premiers concernés étant les représentants du pouvoir judiciaire, ont appelé à la révision de leur statut, afin que ce pouvoir recouvre la valeur qui lui est due dans un système de démocratie, basé, tel que vu par Montesquieu, sur la solidarité et la concertation afin que tous les organes de l'Etat travaille de concert. Or, les hommes de justice, ne peuvent travailler dans la sérénité, en vue d'appliquer la loi de manière impartiale et objective, sans qu'ils bénificient d'une vraie indépendance. C'est ce qui a fait défaut durant l'ancien régime, avec l'existence d'une mainmise de l'exécutif sur le secteur judiciaire. Le Conseil supérieur de la magistrature, étant présidé par le président de la République, ne pouvait que favoriser cet ascendant de l'exécutif qui était de plus en plus accru durant les dernières années de l'ancien régime. Dans cette optique, un projet de loi du 2 août 2012 portant création d'une instance provisoire de la magistrature, a été soumis au vote de l'assemblée. De tergiversation en tergiversation, et de contestation à contestation, une année est passée, sans que cette instance n'ait vu le jour. Entre-temps le conseil supérieur de magistrature continuait à liquider les affaires des magistrats concernant leur recrutement, leur avancement, ou tout ce qui intéressait le domaine disciplinaire. Ainsi, les hommes de Justice, avaient tous dénoncé que les décisions de licenciement des 70 magistrats, puissent émaner du conseil supérieur de la magistrature, sous les directives du ministre de la Justice. Ce dernier procédait, au mouvement de mutation des magistrats, selon ces mêmes observateurs, qui dénonçaient par là même, cette attitude confirmant l'immixtion de l'exécutif, dans le domaine de la magistrature, et cette atteinte notoire à l'indépendance de la magistrature. Plusieurs réactions ont eu lieu pour dénoncer dans ladite loi, certains articles ne favorisant pas une véritable indépendance de la magistrature, dont notamment l'article 6. Cet article prévoit dans la composition de ladite instance, outre des magistrats, d'autres membres choisis en dehors du domaine de la magistrature. Les magistrats refusaient que des personnes étrangères à la maison, fassent partie de ladite instance et puissent par là même s'ingérer dans leurs affaires internes. Le syndicat et l'association des magistrats, étaient au départ d'accord sur le principe, mais l'association a fini par modifier sa position, en y proposant certains correctifs. Elle demanda du reste à ce que le projet loi soit adoptée, sans quoi, il n'y aura jamais d'indépendance de la magistrature, a notamment souligné Kalthoum Kennou, laquelle s'est opposée à la grève qui était prévue pour la troisième fois le 17 avril dernier. Des contestations sur le fond et la forme Maintenant que la loi est enfin adoptée et que l'instance est bel et bien créée, certains membres de la composante civile persistent et signent : c'est une loi qui ne favorise pleinement l'indépendance de la magistrature, bien qu'elle constitue un pas vers la démocratisation du secteur de la Justice. Raoudha Karafi a pour sa part , dans une déclaration à une radio de la place, qualifié cette loi de positive, affirmant cependant que l'élargissement des prérogatives du ministère de la Justice est en contradiction avec l'esprit et l'objectif de ladite instance. De son côté l'ordre des avocats a dans un communiqué en date du 25 avril dernier, déploré le fait que ladite loi notamment dans son article 6 ne répond pas pleinement aux objectifs pour laquelle l'instance a été créée, à savoir notamment la participation des composantes de la société civile. A cet effet, il déplore que l'ordre des avocats ait été omis, dans la composition de ladite instance. Il précise que l'article 6, constitue de part sa formulation, est en contradiction avec le principe du libre exercice de la profession d'avocat, qui est l'une des composantes de l'indépendance de la Justice. Pour toutes ces raisons, le bâtonnier Chaawki Tebib , s'adresse, à travers ce communiqué au président de la République, en lui demandant de ne pas signer une telle loi, qui contrevient par ces aspects, à l'indépendance de la magistrature et par la même la fiabilité de la Justice.