Faut-il parler de justice ou de juridiction pénale internationale ? A vrai dire, les normes de la Justice changent d'un pays à l'autre et c'est d'ailleurs ce qui a fait dire à Descartes : «Vérité en deça des Pyrénées, erreur au- delà ». Ces normes reflètent le degré de civilisation et de maturité d'un pays ainsi que le système préconisé par ceux qui le gouvernent. Les lois sont érigées, soit selon le système démocratique en vertu duquel le peuple participe à leur élaboration, par l'intermédiaire de leurs élus, soit au contraire, en vertu de décisions émanant d'une seule personne qui les impose de facto, dans un régime de dictature. En tout état de cause, les lois font partie des éléments qui font la souveraineté de l'Etat et c'est la raison pour laquelle on parle de territorialité de la loi. Avec l'évolution des relations entre Etats et l'existence des organisations internationales, dont notamment la SDN puis l'ONU, il s'est formé une sorte de consensus international en faveur de la naissance d'une justice pénale internationale. La notion de territorialité de la loi en matière pénale, a évolué dans ce sens, pour distinguer au fur et à mesure entre les infractions de droit commun et les infractions qualifiées de crimes contre l'Humanité. C'est ce qui a incité à la création de juridictions internationales en vue de juger ces infractions à caractère particulier. Ce fut autour de ce thème qu'un colloque a été organisé dernièrement sous l'égide de l'ordre national des avocats, avec la collaboration de la Délégation de la Croix Rouge internationale à Tunis (CICR) et auquel ont pris part des juristes, et des membres de la composante civile. Le Dr Ameur Zemmali, conseiller du CICR pour les affaires du monde islamique, a donné un bref aperçu sur la juridiction pénale internationale et ses origines remontant au 19ème siècle. C'était Gustave Monier, président de la croix rouge à l'époque qui en était le précurseur, en présentant un projet dans ce sens après l'échec de la convention de Genéve en 1864. Le traité de Versailles en 1919 prévoyait l'instauration d'une juridiction internationale en vue de juger les crimes. Mais cette juridiction, à laquelmle devait participer les cinq puissances, à savoir, les Etats-Unis d'Amérique, la Grande-Bretagne, la France, l'Italie et le Japon, n'a jamais pu se constituer, d'autant plus que Guillaume II, s'est réfugié aux Pays Bas où il y resta jusqu'à la fin de ses jours. La nécessité de la création d'une juridiction internationale s'est faite de plus en plus ressentir, suite aux différents massacres commis au cours du 20ème siècle, que ce soit au cours des deux guerres mondiales, ou à l'occasion des conflits en ex Yougoslavie ou la guerre au Rwanda. En 1945, s'est constitué en effet, le tribunal militaire de Nuremberg en vue de juger les crimes des nazis, ainsi que le tribunal militaire international de Tokyo en 1946, ratifié par le général Mac Arthur. Le jugement de Nuremberg en octobre 1946, a été adopté d'ailleurs par l'ONU. Déjà, au sein de la charte de Londres en vertu de laquelle a été créé ledit tribunal de Nuremberg, tous les actes inhumains commis contre les populations civiles, avant ou pendant la guerre, ainsi que les persécutions pour des motifs ayant trait à la race, l'ethnie ou la religion, étaient considérées comme des crimes contre l'Humanité. Dans le même sens des résolutions ont été prises par l'ONU en 1974 pour une définition extensive de l'agression. La cour internationale de Justice a été créée en 1998, en vue de réprimer les crimes de guerre ainsi que les crimes contre l'Humanité. C'est sur la base des jugements émanant de cette cour que des principes de justice pénale ont été érigés. Crime contre l'Humanité et crime contre la paix La distinction entre ces deux notions a été de plus en plus nette, au fur et à mesure des décisions que la cour internationale de Justice a eu à rendre en fonction des litiges qu'elle a eu à juger. Alors que le crime contre la paix concerne, depuis la charte du tribunal de Nuremberg, aussi bien les actes d'agression en temps de guerre que les actes de violation de traités ou d'accord internationaux, le crime contre l'Humanité, représente tout acte constituant une violation des libertés et des droits humains. Cette notion développée au cours de la jurisprudence de la cour pénale internationale pour favoriser l'intervention de la juridiction pénale, à l'occasion de toute agression constituant une violation des droits humains, là où elle se trouve. Plus jamais ça ! Le rôle de la juridiction internationale s'est avéré nécessaire pour mettre fin à toutes les violations des droits humains dans le monde. William Bourdon avocat au barreau de Paris, ancien secrétaire général de la Fédération internationale des droits de l'Homme, et fondateur de la Sherpa, association de lutte contre la corruption, a démontré que l'évolution des sociétés à la fin du 20ème siècle a été marqué d'une conviction : la nécessité de mettre fin aux différents actes de tortures et d'atteintes contre les libertés et les droits humains, qui constituent des crimes contre l'Humanité. Plus jamais ça ! Les horreurs constituant des violations et des spoliations de toutes sortes doivent être à jamais abolies. Quid ce qui concerne les droits des victimes C'est à l'avocat, leur mandataire d'agir auprès des autorités pour leur demander réparation des préjudices subis par ces victimes. Toutefois, il a fait remarquer que des difficultés subsistent quant à l'exécution des jugements émanant du tribunal international, en l'absence de police internationale. Il y a une contradiction par rapport au jugement in abstentia ( par défaut) pour ceux qui ne se présentent pas, puisqu'il n'y a aucun moyen de contrainte pour les y obliger. Droits de l'accusé, Il s'agit essentiellement de la présomption d'innocence, et le droit pour l'accusé d'être jugé dans un délai raisonnable, en vue d'un procès équitable. Il faut pour cela mener une enquête de manière efficace et sans abus, par tous les moyens menant à la découverte de la vérité. La tâche, est d'autant plus ardue lorsqu'il s'agit d'un grand nombre de victimes. Commission de requête internationale ? S'agissant d'une victime de crime contre l'Humanité, comme dans le cas de l'assassinat de feu Chokri Belaïd, l'intervention d'une commission de requête internationale, constitue-t-elle une ingérence dans la justice interne ? Evidemment les avis sont partagés. Pour certains, l'intervention d'une telle commission, serait dans le cas d'inexistence d'organes judiciaires internes, ou du moins de leur inefficacité. Pour d'autres, une telle commission interviendrait à titre d'assistance, et contribuerait plus efficacement à la recherche de la vérité. L'impunité du coupable interpelle l'humanité tout entière, soutient William Bourdon, et c'est ce qui donne encore plus de légitimité à ladite commission.