Comme nous savions que l'allocution du Président Moncef Marzouki, prononcée hier à l'occasion du deuxième round du Dialogue National initié par l'UGTT, allait faire couler beaucoup d'encre, nous avons, nous aussi, tenu à apporter notre eau à ce torrent protestataire, en sachant pourtant que nombre d'enseignants du Supérieur, sans être majoritaires, ne voient aucun mal à recevoir dans leurs salles de cours ou d'examen des étudiantes entièrement voilées. Nous avons assisté à au moins deux grandes réunions sur le sujet et avons été stupéfaits de constater que les professeurs qui toléraient ce genre de tenue dans leurs classes respectives n'étaient pas tous des sympathisants d'Ennahdha ni des défenseurs de l'extrémisme salafiste. Il y en avait qui ont toujours renvoyé d'eux l'image de militants progressistes et féministes. Nous savons par ailleurs que ni leurs épouses ni leurs enfants n'ont jamais porté de hijab ni de niqab. Qu'avançaient-ils comme arguments alors pour défendre leur position paradoxale : la liberté individuelle et la neutralité de l'enseignant dans l'exercice de sa profession ! « J'accepte même une étudiante toute nue dans ma classe », assura l'un d'eux en ajoutant que sa mission se limitait à dispenser des cours ! Pourquoi dès lors s'étonner que le Président de la République, (qui soit dit en passant n'a jamais cessé de nous surprendre, surtout désagréablement), défende le droit des niqabées à entrer dans leurs salles avec sur elles leur voile intégral et sur leurs cartes d'étudiantes des photos aussi sombres que leur accoutrement. M. Marzouki n'ignore sans doute pas que l'Université tunisienne est quelque peu partagée sur la question. D'autre part, comme les vents salafistes soufflent assez fort ces derniers jours, il y a donc moyen d'ériger des éoliennes politiques susceptibles de transformer cette énergie voilée en efficace adjuvant électoral. Le vent aide souvent les voyageurs en mer ; mais gare à celui qui s'y fie car il cause aussi des naufrages de bateaux et parfois aussi des crashes d'avions. Pour l'instant, le vent paraît favorable ! Pourvu que ça dure ! Désormais donc et pour ne pas planer ni flotter contre vents et marées, les universitaires sont appelés à accueillir avec les honneurs toutes sortes de public non identifié : en plus des niqabées, ils recevront des malfrats cagoulés, des groupes armés en tenue de camouflage, des filles de joie en « sefsari » etc. De la sorte, ils organiseraient quotidiennement des bals masqués spontanés, des Harlem Shake voilés, des surprise parties tout en déguisements, le grand jeu de cache-cache pédagogique, quoi ! Et pour ne pas faire fausse note, les enseignants eux-mêmes se présenteraient, par exemple, couverts de la tête aux pieds d'une armure de chevalier médiéval ou en tenue de Fantomas ! Ce n'est qu'ainsi que tout ce monde diversement accoutré découvrirait les vertus « cachées » du Savoir et de la Science ! D'ailleurs, il faudrait généraliser cette mode dissimulatrice à toutes les administrations tunisiennes ; même au sein de l'Assemblée Nationale Constituante, il faudrait la lancer et la perpétuer ! Il n'y aurait pas non plus de mal à recevoir les lettres de créance d'une ambassadrice complètement fardée. Les présentatrices et les animatrices de la télévision n'auraient plus de visages, elles n'auraient plus besoin d'arborer leurs sourires forcés en saluant les téléspectateurs. Au guichet des banques, la règle serait de servir les nues de Femen avec la même diligence que les jihadistes en burka. Et quoi encore ! Trop c'est Troïka !