Durant 1h45, Robert Redford, seul personnage du film, tente de sauver sa peau dans un bateau qui coule en plein océan. « All islost », programmé hors compétition, est l'un des plus beaux films de cette 66ème édition du festival de Cannes. Sans dialogue, Robert Redford doit lutter contre une tempête de mer qui risque de l'emporter. Si l'on procède par métaphore, on peut dire que la mer c'est le nouvel Hollywood auquel Robert Redford, cinéaste indépendant, tente de résister contre vents et marées. Les premières images montrent un container à la dérive rempli de chaussures d'enfants qui percute le bateau de Redfrod, ce qui peut signifier que c'est l'industrie qui frappe l'artiste. Epuré jusqu'à l'extrême, le film fait le portrait d'un personnage dont on ne saura ni le nom, ni le passé. J.C. Chandlor, dont c'est là la deuxième expérience cinématographique fait évoluer l'action lentement sans faire appel aux effets spéciaux. Et toute l'action se déroule entre la cambuse et le pont. Amochée l'embarcation nécessite quelques réparations. C'est ce à quoi procède le protagoniste en essayant tant bien que mal de reboucher le trou de la coque. Le spectateur ne peut pas ne pas s'identifier au personnage. Il se met à sa place et craint pour lui le pire qui ne tardera pas à venir. Le bateau se brise et le dernier recours consiste à mettre en place la bouée de sauvetage, une sorte de coque dans laquelle le personnage s'introduit au milieu de cette mer immense et impitoyable. Dans son combat pour la survie contre la nature agitée, Robert Redford révèle un sang-froid et une maitrise à toute épreuve. Poignant, il ne peut admettre la défaite. Il semble s'écrouler par moments mais refuse de baisser les bras. Et c'est là que le film prend tout son sens, celui d'un survival capable de braver tous les dangers. Il n'y a aucun héroïsme dans son action. Le bateau coule quoi qu'il fasse. Le combat mené est celui aussi contre la résignation. « All islost » est le film le plus audacieux, le plus simple et le plus touchant de la sélection officielle. Refusant le sensationnalisme, l'auteur du film ne capte que le chaos de la mer déchainée et le fracas des éléments. Pour réaliser une telle prouesse, il fallait la carapace solide d'un Robert Redford au visage buriné qui représente en même temps l'héroïsme et la vulnérabilité sans maniérisme aucun. « All islost » est aux antipodes de l'industrie cinématographique façon hollywoodienne qui fait fi des codes du genre en comptant sur la richesse de son histoire et sa poésie minimaliste. Réussir à réaliser un film sans paroles à part la lettre d'adieu émouvante lu part le protagoniste et avec un seul personnage dénote d'un talent infini que le Chandlor est parvenu à incarner au terme de deux films dont celui-ci absolument magnifique.