Par Khaled Guezmir 3ème et dernière partie Alors que le G8 est sorti plus que jamais divisé sur le dossier Syrien malgré les déclarations exaltées à la Presse de Mister Cameron premier Ministre de sa gracieuse Majesté qui frise l'insouciance politique, M. Poutine en homme d'ordre et de grande responsabilité internationale a redit son « Niet » au réarmement intensif de l'opposition syrienne qui compte en son sein de plus en plus de combattants liés de près ou de loin à la nébuleuse d'El Kaïda. D'ailleurs, une petite ligne bien laconique du communiqué final du G8 demande à l'opposition syrienne de se débarrasser de ses « jihadistes » liés à El Kaïda ! Mais alors qui va-t-on armer du côté des « amis de la Syrie » (sic) réunis à Doha au Quatar comme hasard ! La Chancelière allemande Angela Merkel monte, elle aussi au créneau et elle le dit clairement : « Ma position sur la Syrie vous la connaissez…. Je suis opposée à l'armement intensif de l'opposition». D'ailleurs, elle enchaîne sur l'adhésion de la Turquie à l'Union Européenne et semble très agacée pour ne pas dire déçue par la réaction musclée d'Erdogan aux événements de « Takacim » où les jeunes turcs ne veulent pas d'une « réislamisation » sévère du système social et politique de leur pays après la modernisation d'Attaturk. Ceci dit la marge de manœuvre des uns et des autres est très limitée. La Chancelière dont le pays abrite une large communauté turque mais bien intégrée dans la culture allemande, veut surtout faire pression sur Erdogan pour repenser son « modèle » et s'ouvrir davantage aux valeurs occidentales. Il faut dire aussi que contrairement à la France de Sarkozy, Mme Merkel a toujours été favorable à l'adhésion de la Turquie à l'Europe mais sous conditions. L'Amérique quant à elle, telle ce grand éléphant ne fait pas de délicatesse dans la porcelaine, Obama ne joue que ses intérêts propres, il veut se désengager des grottes d'Afghanisatan et Kaboul vaut bien une main tendue aux « Talibans » toujours à Doha devenue par la même le centre stratégique mondial du troc diplomatique. Alors… que les groupuscules jihadistes reprennent Kaboul ou qu'ils assomment Damas… C'est un prix qui ne coûtera plus rien à M. Obama, le monde arabe et musulman n'aura que ce qu'il « mérite » et l'Amérique s'en fout ! Et nous dans tout cela ! La Tunisie si fragile n'a pas la carapace et encore moins les moyens financiers du pétrole du golfe, pour résister à toutes ces « magouilles » de grandes portées où l'on fait et défait les Etats sans aucun scrupule ni remord et où la politique internationale ressemble de plus en plus à la jungle de Thomas Hobbes où seuls les « Léviathans » ont une chance de survivre et où les faibles sont destinés à disparaître par les lois de la nature. Notre seul salut dépend de notre sagesse interne et de cette faculté d'adaptation légendaire que nous avons héritée de toutes les civilisations d'envahisseurs qui nous sont venus d'Orient et d'Occident. Hier, c'était les Romains, les vandales, les arabes (d'Arabie) puis les Béni Hilal d'Egypte les Espagnols, les Turques, les Français… et aujourd'hui ce sont les « Douaât » du « désert » prédicateurs de l'Orient Wahabite qui veulent défigurer la Tunisie… avec la complicité directe ou indirecte de l'Occident lui-même, qui accepte laconiquement que la modernité tunisienne acquise depuis trois mille ans, soit effacée par les assauts de la réislamisation intransigeante des extrémistes. La Révolution tunisienne qui a été l'hirondelle du Printemps arabe se voit aujourd'hui déviée de ses valeurs initiales plutôt proches des valeurs des démocraties occidentales : La liberté, la justice sociale, en un mot la dignité citoyenne qui fait que les musulmans arabes de ce pays accèdent à l'évolution universelle : la démocratie ! Tout ce qui nous rapproche de ces valeurs bien « occidentales » est distillé, à l'Assemblée Nationale Constituante, au goutte à goutte pour laisser bien des voies à une possible République islamique théocratique sur le long terme à l'image de ce qui s'est passé en Iran. D'ailleurs le même processus est engagé en Egypte où la bataille idéologique fait rage entre les partisans de Morsi, les « Frères musulmans » et les démocrates modernistes. Mais à l'inverse de l'Iran qui a du pétrole et qui peut se permettre une longue traversée « révolutionnaire » islamique, qui commence d'ailleurs à donner des signes d'essoufflement et de ras-le-bol qui ont porté au pouvoir un nouveau Président « modéré-réformateur », la Tunisie comme l'Egypte n'a d'autre choix que la conciliation nationale et la paix. Pour cela les modernistes et les islamistes doivent accepter les règles du jeu démocratiques et surtout l'alternance pacifique au pouvoir sans esprit de revanche de part et d'autre. Mais au vue de l'aspect hégémoniste de l'Islam politique, c'est aux islamistes que revient le plus de faire leurs réformes internes pour s'adapter aux exigences démocratiques et s'y plier consensuellement en cas de défaite aux élections et de perte du pouvoir. Aujourd'hui les Islamistes jouissent de la ferveur de la reconquête inespérée du pouvoir qu'ils veulent garder par tous les moyens y compris les « Ligues de protection de la Révolution » et les lois d'exclusion des adversaires crédibles. Mais beaucoup de Tunisiens comme les Egyptiens n'en veulent pas, tout en étant prêts à accepter la loi des urnes. C'est là l'équation majeure où l'Occident peut jouer un rôle déterminant parce que justement aussi bien l'Egypte que la Tunisie sont largement dépendants du bon vouloir et de l'aide occidentale. La visite de M. François Hollande annoncée pour juillet dans notre pays peut-être très bénéfique à ce niveau d'exigence. La France amie comme l'Allemagne locomotives de l'Europe doivent aider les nouveaux pouvoirs à surmonter les dégradations subies au lendemain de la Révolution et rassurer en quelque sorte les Islamistes. Mais, elles se doivent aussi d'élever leur niveau d'exigences pour pérenniser la construction démocratique de façon irréversible et sans menaces dans le moyen et le long terme pour la modernisation qui prend sa source dans les valeurs « occidentales » elles mêmes. Seule une démarche positive mais d'exigence à ce niveau pourrait rapprocher dans la durée les pays du Nord et du Sud de la Méditerranée et aidera la Tunisie comme l'Egypte à construire un modèle certes spécifique mais « démocratique » sans ruse ni détour !