D'origine kabyle, l'auteur est parmi les intellectuels s'inscrivant dans la tradition des lumières en France où il occupa la chaire de l'islamologie à la Sorbonne. Il avait toujours, et jusqu'à peu avant qu'il nous quitte en 2010, combattu sur deux fronts, celui d'une critique de la raison islamique et celui d'une critique de la raison occidentale. C'est ainsi qu'il a été présenté par le philosophe Edgar Morin dans la préface du livre. Il est marqué par les évènements qu'il vécut au cours de son enfance en Kabylie. Avec le recul, il affirmait qu'il était à l'abri des arabes et des colons. De l'épicier auquel son père voulut le destiner pour prendre sa relève, il bascula vers les études et fut émerveillé par les auteurs du siècle des lumières tels que Diderot , Montesquieu , Voltaire et tous ces penseurs du 18ème siècle qui s'étaient érigés contre tout obscurantisme religieux. Il a pu ultérieurement, au cours de ses études apprécier également les penseurs arabes, aussi bien les anciens tels que Ghazali, Mâarri, Al Jazhiz que les penseurs des années trente du siècle dernier, tels que Ahmed Amine, Taha Hussein. qui ont appelé au développement notamment de la pensée islamique, et se sont érigés contres toutes les idées préconçues et obscurantistes. Dans le présent ouvrage c'est un Islam repensé que l'auteur veut nous faire découvrir. Il appelle à une réforme de la pensée islamique qui tient compte des autres sciences autres que la théologie, tels que l'épistémologie, la sociologie ou l'histoire. «La coupure entre les oulémas et les sciences sociales reste totale. Ils persistent dans leur enfermement, dans une axiologie coranique qui n'a pas bougé. Ils ont perdu le contact avec la dynamique du discours prophétique et perdu tout autant la largeur et la vue politique et scientifique du Moyen âge classique» souligne –t-il dans son livre. Le fait de céder au sacré entraîne une soumission à des idées préconçues et ne souffrant aucune discussion ni aucune critique. Mohamed Arkoun a su garder la distance scientifique nécessaire avec l'objet de sa recherche. Il l'explique par le fait que : . «Car l'idée du sacré peut engendrer la violence, dit Benzine, Une religion dénuée d'esprit critique devient une religion dangereuse » En tant qu'intellectuel engagé, il donne son point de vue sur ceux qui œuvrent à détourner la pensée islamique à des fins autres que théologiques et c'est qui entraîne des dérapages qui ne font que souiller l'image de l'Islam. -Concernant les prédicateurs, il pense que le courant ne passe pas avec eux . «Il n'y a pas de discussion possible entre moi et les prédicateurs (..). [Pour ceux-ci], celui qui ne fait pas préalablement acte de foi envers des postulats intangibles ne saurait être écouté. Même avec Tariq Ramadan, la communication est impossible. Il est intelligent, nous parlons pacifiquement, mais les présupposés sont tels que des trésors de didactique et de patience de ma part n'arrivent à rien (...). Son vocabulaire est plus moderne, meilleur que celui d'Amr Khaled, qui, lui parle sur un registre exclusivement émotionnel pour faire pleurer les foules et persuader les femmes de porter le voile.. Ces prédicateurs ont une fonction sociale qui a des incidences politiques, psychologiques, des effets de conversion. Mais c'est notre grande prison en ce début de siècle, depuis la seconde moitié du XXème siècle». Quant à ce qu'il appelle les gardiens de la foi, il estime qu'il ne sont pas ouverts à la modernité. «Les gardiens de la foi sont des idéologues actifs, tout en ayant une conscience relativement naïve: au fond, ils n'ont pas entendu parler de modernité. Ils pensent qu'ils font du bien au politique en orientant le prince vers le Bien, en favorisant l'expansion de la croyance, l'obéissance à ce que veut l'Etat islamique. L'obéissance de tous dans le maintien de l'ignorance: c'est un travail idéologique négatif, en ce sens que la modernité est niée. Al Qaradaoui ignore tout simplement ce qu'est la méthode historique, l'historicité, l'analyse du discours, les recherches nouvelles sur l'approche des textes. Les gardiens exercent leur magistère sans scrupules de conscience, persuadés que la foi la plus pure pour les musulmans ne peut être que celle-là, la leur, celle qu'ils défendent. En même temps, ils s'aperçoivent forcément, dans leur for intérieur, qu'ils sont embarqués avec des Etats dont les politiques piétinent cette même foi. On est donc dans une situation complexe que les islamo-politologues ne voient pas dans leurs analyses».