De Mohamed Arkoun Concernant le wahabisme, l'auteur estime que son expansion est due aux Etats-Unis qui ont appuyé cette tendance en profitant du pétrole notamment en Arabe Saoudite, pays de Mohamed Ibn Abdelwahab. Rappelons d'une part que le wahabisme a permis à la dynastie des Al Saoûd de se renforcer et de dominer les autres tribus arabes voisines, sur la base de la légitimité religieuse. D'autre part, cette doctrine, n'admet aucune interprétation du Coran ni du hadith. Elle préconise le salafisme dans son sens strict, c'est-à-dire, le fait de se limiter aux actes du Prophète sans aucune possibilité de changement ni d'évolution. Mohamed Ibn Abdelwahab est mort à la fin du 18ème siècle (1792) mais sa doctrine s'est perpétuée, aussi bien en Arabi Saoudite que dans plusieurs partie du monde musulman. Après une légère accalmie, elle refait surface de nos jours, et la montée de l'intégrisme ne fait que la raffermir. Mohamed Arkoun déclare à ce propos «Avec les gardiens de la foi wahhabiste, on a assisté en réalité non pas à une reprise du passé, mais à une coupure avec lui, avec des écrits tardifs qui se recommandent de cette tradition en l'appauvrissant et dans le contexte de la culture orale du désert du XVIIIème siècle. Deux siècles plus tard, l'expansion s'est réalisée grâce aux pétrodollars ramassés par le régime saoudien et avec la complicité des USA qui les ont appuyés. Si le courant hanbalite saoudien était resté confiné aux gardiens de la foi de quelques pays concernés (Egypte, pays du Maghreb), il n'aurait pas réalisé l'expansion politico-idéologique qui est la sienne, en l'occurrence une grande partie de l'espace musulman actuel. Le pétrole est devenu une source de malheurs pour l'histoire et les sociétés de l'Islam. Un Islam qui déferle en Occident car les démocraties occidentales ont accueilli cet islam pétrolier à bras ouverts». La notion de citoyen existe –t-elle dans la communauté islamique ? Il est vrai qu'on parle de Oumma, c'est-à-dire de communauté, solidaire comme les pierres d'un bâtiment ,qui se tiennent, mais à la moindre faille il peut s'écroule. Mais dans la oumma il y a aussi cette notion du but à poursuivre ( le verbe Amma en arabe signifie se diriger ) Il est énoncé également dans plus d'un verset du Coran qu'Ibrahim est Oumma, eu égard au but qu'il poursuit, à savoir la voie de Dieu. Cependant cette notion sera exploitée ultérieurement par ceux qui s'érigent comme étant, les garants de la communauté et les gardien de la foi en même temps, afin de décider souverainement et ne rendre compte à personne. Et Mohamed Arkoun de préciser : «Le concept de l'individu citoyen est inexistant dans les pays d'Islam parce qu'il est totalement contrôlé par la Oumma, la communauté et aussi, précisément, par les gardiens de la foi. L'individu protégé par l'Etat de droit peut faire et dire ce qu'il veut dans une société ouverte (..). En Islam, aucun compte n'est demandé au «président», c'est à dire au calife ou au sultan: c'est lui qui décide, aussi souverainement que Dieu. Mais justement, on ne demande pas de comptes à Dieu. C'est lui qui en demande». Quant au problème de la compatibilité entre l'Islam et la modernité, il constitue la pierre d'achoppement des antagonistes, à savoir les intégristes et les modernistes. Les droits de l'Homme, la souveraineté du peuple, et la démocratie, ne sont pourtant pas étrangers aux préceptes coraniques. Bien plus c'est à travers le Coran qu'on retrouve ces notions, présentés par différents récits des Prophètes qui y ont incité. Mohamed Arkoun estime concernant cette question qui ne cesse de préoccuper aussi bien les penseurs que les politiciens : «La modernité est définie selon moi par l'événement de la révolution américaine et surtout française et par des révolutions ultérieures en occident. En ce sens, l'Islam n'est pas dans la modernité ou ce qui revient au même, les pays d'Islam n'ont jamais connu la modernité en ce sens-là. Ils n'ont pas eu des événements comme la loi de 1905, ou la déclaration des droits de l'homme de 1948, qui représentent des coupures épistémologiques au sens où le savoir de la société n'est plus le même ensuite. Les pays d'Islam ne connaissent pas le régime de la souveraineté populaire. Les élections «démocratiques» y sont des mascarades».