La situation environnementale dans notre pays est dans tous ses états : un véritable gâchis environnemental sans précédent de mémoire de citoyens, incommensurable et inadmissible. Partout, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, à l'intérieur des terres comme le long des côtes, le spectacle des ordures amoncelées, et des déchets plastiques éparpillés, jonchant indéfiniment les bas-côtés des routes, les terrains vagues, les champs, les plages, est de mise. Nos décideurs politiques et institutionnels font peu de cas de la question environnementale et de l'écologie : ils s'avèrent insensibles, faisant montre d'une inertie révoltante face à des problèmes écologiques très graves, irréversiblement préjudiciables ; loin de s'alarmer, ils demeurent de marbre face à la diminution de la surface des terres arables sans cesse hypothéquées par l'urbanisation rampante, aux outrages perpétrés sur les littoraux vulnérables, soumis à des pressions anthropiques et aux effets du changement climatique par ricochet. Que d'articles ont été écrits et publiés pour rapporter l'état des lieux vergogneux ; que de voix se sont élevées pour crier au haro, pour dénoncer la gestion défectueuse et laxiste des déchets, pour déplorer l'insensibilité écologiste des hauts responsables de l'Etat, et leur inefficacité face à la prolifération de la pollution tant de l'air que des eaux, à la dégradation de la faune et de la flore Mais pour l'heure, l'état de dégradation progressive et grave de l'environnement dans notre pays n'est pas pour les perturber, ni pour constituer un souci ou une priorité ; la question environnementale ne figure pas dans l'ordre de leurs priorités, l'écologie n'est pas leur fort et ne parvient pas, malgré tout, à trouver sa place dans leur agenda et leurs programmes. Au lieu de parer aux lacunes et d'arrêter l'hémorragie de la nuisance à l'environnement, nos gouvernants de l'heure font la sourde oreille aux doléances incessantes des citoyens en colère, mécontents de devoir encore voir le mal sévir et se taire. Que peut-on attendre d'un gouvernement qui, depuis son avènement, a vite fait d'annoncer la couleur en daignant supprimer le ministère de l'Environnement et du Développement Durable pour le reléguer au statut de secrétariat d'Etat mis sous la tutelle du ministère de l'Equipement, et dissoudre l'instance constitutionnelle du Développement Durable et de la Protection des Droits des Générations futures ? Quel espoir peut-on porter sur des responsables chargés de la question environnementale qui ne savent que parler pour promettre monts et merveilles sans toutefois concrétiser leurs dires ? Les problèmes inhérents à l'environnement, comme La pollution de l'air et des eaux, la dégradation de la faune et la flore, la désertification, l'érosion des côtes, etc…, en dépit de leur gravité, ne sont rien pour eux et demeurent sans lendemain prometteur, pour le désespoir de beaucoup de Tunisiens où qu'ils soient et où qu'ils vivent. Djerba : l'image d'une Tunisie en perte de vitesse Djerba, naguère belle, saine, propre, fierté de ses habitants et des Tunisiens, objet d'admiration à l'envi de ses visiteurs qu'elle parvenait aisément à fidéliser, est aujourd'hui malade de son environnement en perpétuelle dégradation ; sa réputation d'île des rêves n'est plus qu'un vain mot, et continuer à la qualifier comme tel, dans la conjoncture actuelle, c'est méconnaître cette île : infectée par les tonnes d'ordures enfouies pêle-mêle dans des dépotoirs sauvages créés de toutes pièces, son territoire couvert de déchets plastiques, ses côtes érodées, ses plages rétrécies par la montée du niveau de la mer découlant des effets du changement climatique, sa biodiversité marine et terrestre affectée par la pollution, la désertification et la pêche illicite, Djerba, l'île de la douceur, candidate potentiellement habilitée à figurer sur la Liste du patrimoine mondial de l'Humanité, n'est plus pour séduire, ni pour enchanter ses visiteurs et les ravir. Depuis le déclenchement de la crise de la décharge contrôlée de Guellala, survenue au mois d'avril 2012 suite à sa fermeture forcée par les habitants, le problème de la gestion des déchets a émergé à la surface pour soumettre l'île et ses habitants à un stress constant et les plonger dans la crainte de l'aggravation de la situation déjà critique et explosive. Les ordures s'amoncelaient, leur volume croissait, mais les délégations spéciales dans les trois communes de l'île étaient dans l'incapacité de gérer le flux croissant des ordures faute d'espace adéquat aménagé dans les normes. Aujourd'hui encore, soit dix huit mois après, le problème continue de prévaloir, avec la même acuité. Les habitants de Guellala, les riverains immédiats de la décharge présumée contrôlée, étaient résolument déterminés à ne point lâcher prise, d'autant que le rapport d'expertise ordonné par l'ex-ministre de l'Environnement du gouvernement Jébali leur donnait raison et confirmait leurs dires et leurs craintes. Car l'exploitation de la décharge, datant de 2007, était incontestablement abusive et elle ne répondait plus aux normes communément requises ; le rapport ayant couronné les recherches entreprises par le bureau d'études désigné était accablant et a attesté l'absence d'étude d'impact au moment de la réalisation de la décharge, la contamination de la nappe phréatique, la confirmation de la propagation des odeurs nauséabondes et nocives qui rendaient la vie difficile et intenable à une communauté de tout temps épargnée par ces fléaux. Un engagement du gouvernement d'admettre la fermeture de la décharge leur suffisait et ils n'avaient besoin, à cet effet, que d'une proposition d'échéance ferme et officielle, que d'une date butoir, même à moyen terme, pour lever le sit-in imposé devant la décharge et autoriser sa réouverture. En vain. Les visites des hauts responsables du gouvernement, premier ministre, ministres, secrétaire d'Etat, chefs de Cabinet, venant souvent les mains vides, se succédaient et se ressemblaient ; bilan des visites : des propos mielleux à l'adresse des contestataires pour les amadouer, des promesses jamais tenues, des engagements jamais respectés, en revanche point de solutions concrètes, rationnelles et sensées à proposer. Aujourd'hui, la décharge autorisée de Guellala demeure fermée et les chances de sa remise en service sont quasiment nulles, surtout après l'intervention ratée des forces de l'ordre à la date du 06 octobre 2012, ordonnée ignoramment par le gouverneur de la région, qui est à considérer comme le responsable direct de l'échec de la gestion de la situation. Vindicatif à souhait, et rancunier, ce représentant de l'Etat dans la région a tout fait pour priver Djerba de son droit de bénéficier, pour quelques mois, des services de la décharge contrôlée de Bouhamed du gouvernorat de Médenine, à l'instar des autres villes de la région, dans l'attente de la réalisation du projet pilote de gestion intégrée des déchets dans l'île. Djerba est, depuis, lâchée et abandonnée, au moment où elle avait urgemment besoin de l'autorité de l'Etat, d'une volonté politique ferme, malheureusement toujours défaillante, pour sortir du marasme. Aussi, les trois délégations spéciales, en désespoir de cause, souvent démunies et dépourvues d'autorité et de moyens dans ce contexte d'austérité et de crise, ont-elles eu à gérer la situation de l'amoncellement et de la prolifération des ordures, en aménageant des terrains sollicités auprès de leurs propriétaires au prix de longs marchandages et des concessions parfois douloureuses, pour les convertir en dépotoirs sauvages qu'on croyait à jamais révolues après la fermeture et la réhabilitation de ceux existant dans le cadre d'une stratégie nationale. Par ailleurs, le programme pilote de gestion intégrée des déchets à Djerba lancé à la requête des trois communes de Djerba avec le soutien de la société civile et sur lequel tous les espoirs sont portés peine à sortir à la lumière : le long travail de concertation, de consultation entre tous les acteurs clés locaux, de visites de terrain, d'entretiens, de collecte et d'analyse de données, mené, sous la modération de l'ANGED ( Agence Nationale de Gestion des Déchets), par la GIZ ( la Coopération Internationale Allemande ) sollicitée pour appui au programme de gestion intégrée des déchets par le ministère de l'Environnement a permis d'identifier deux scénarii de gestion, tant technique qu'institutionnel, susceptible d'améliorer la situation et de résoudre d'une manière durable le problème de gestion des déchets dans l'île. Un tel processus, pour être mené à terme comme il l'a été, selon les normes requises, dans les délais prévus, a exigé beaucoup de temps, beaucoup d'argent, du savoir-faire et des compétences de haut niveau, mobilisées pour proposer un remède à la crise et envisager des issues salvatrices, mais jusqu'à ce jour, aucune décision n'a été prise quant à l'option technique à retenir parmi les scénarii présentés : beaucoup de temps s'est écoulé depuis la remise de l'avant-projet sommaire au mois d'avril 2013, mais nos responsables continuent de dormir sur leurs lauriers, ne mesurent pas l'ampleur de la dégradation de la situation environnementale à Djerba, et ne veulent pas ouvrir les yeux sur l'amère réalité endurée au quotidien par une communauté insulaire en détresse.