‘'Ahna nebniouha'' en ce sens où « C'est nous qui la construirons ! » La formule est tout autant l'expression d'une intention ferme et délibérée de changer les choses, de sortir de cette longue léthargie… C'est du moins ce que souhaitent les citoyens du collectif associatif ‘'Ahna nebniouha'' dont l'appellation exprimée dans le dialecte tunisien sonne juste et sincère. Tant que la volonté politique n'y est pas, la société civile est, aujourd'hui, dans son rôle de mobilisateur de la conscience collective. Voilà que le réseau ‘'Ahna nebniouha'' s'est fait une raison, depuis quelque temps : ‘'Guetlina bil schiste'' qui veut dire ‘'On veut nous exterminer avec le gaz de schiste''. Et c'est le slogan d'une action qui s'étale sur deux volets et ayant commencé avec un sit-in tenue il y a peu à Kairouan et s'est soldé par un autre hier seulement dans la banlieue nord. L'objectif étant de « Réitérer et afficher la position de la société civile tunisienne par rapport à l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste en organisant deux journées d'action stratégique, pacifique et apolitique. » Avant d'y revenir, rappelons que le réseau en question, fédère actuellement des associations au nombre de huit, et dont le but est de « s'impliquer davantage dans le combat pour la protection de l'environnement, la conservation et la gestion durable de nos ressources naturelles. » Un communiqué du collectif d'associations « Ahna nebniouha » Dans un communiqué rendu public « Ahna nebniouha » considère que l'accord entre le ministère de l'Industrie et la compagnie Shell qui a sollicité l'obtention d'un permis de forage en vue d'explorer le gaz de schiste dans la région s'étalant de Kairouan à Sfax, sans avoir eu l'approbation de l'Agence nationale de la protection de l'environnement comme une « violation de la loi ». Le communiqué du collectif d'associations qui revient sur les faits rappelle qu'en « 2012 et suite aux deux sit-ins devant l'ANC ( le 7 octobre) et devant le ministère de l'Industrie (le 7 novembre), un moratoire a été instauré après un débat médiatisé. Cependant, le premier ministre Ali Laarayedh, a déclaré en mai 2013 que le gouvernement comptait intensifier son programme de recherche et d'exploration des ressources énergétiques y compris du gaz de schiste. » Et d'ajouter « Suite à cette déclaration, il est indéniable que la possibilité d'exploration du gaz de schiste reste latente en Tunisie et par conséquent vient à l'encontre de notre détermination à en finir avec cette industrie extractive inquiétante. » Un collectif d'associations et des actions C'était le 19 octobre à Kairouan lorsque les membres du réseau « Ahna nebniouha » se sont dirigés vers Kairouan pour manifester lors de la journée mondiale anti-fracturation hydraulique « Global frackdown2 day ». Hier à Gammarth, la date du 22 au 24 octobre correspond en effet à la tenue du sommet « North Africa Gas and Oil » qui convie des spécialistes de la question dans un hôtel à la banlieue nord pour débattre du thème « Ressources non conventionnelles. » Dans la foulée précisons que les réserves de pétrole et gaz de schiste représentent selon une étude américaine de l'Agence d'informations sur l'énergie (EIA), 10 % de la totalité du pétrole techniquement exploitable dans le monde et 32 % du gaz. Les enjeux économiques de cette ‘'manne'' d'énergie sont définis et soulignés par un lobbying assez actif alors que ses risques sur l'environnement restent l'apanage des écologistes et des associations qui demeurent hostiles à son mode d'extraction et à la fracturation hydraulique. On reproche à cette exploitation d'énergie « l'immense quantité d'eau nécessaire par puits qui varie entre de « 10.000 à 15.000 m3, soit l'équivalent de 4 piscines olympique ! » On s'attardera également sur le manque de transparence sur les additifs chimiques utilisés. Et pour finir on citera dans la foulée des actions entreprises par le réseau « Ahna nebniouha », le port de pancartes et de masques à gaz. Les manifestants crient toujours et encore et d'une seule voix « Non non et non au gaz de schiste et à l'huile de schiste. » « Ahna nebniouha » compte aussi faire du bruit de casseroles. Le bruit sera aussi bien au propre qu'au figuré ! En tous les cas c'est bien meilleur que les casseroles de la politique. En avant enfants de la patrie… et que chacun s'occupe de ses casseroles ! Mona BEN GAMRA Le Gaz de schiste, qu'est-ce que c'est ? Le gaz de schiste fait partie des gaz non conventionnels, c'est-à-dire des gaz dont la méthode d'extraction est différente de celle utilisée pour le gaz naturel. Ce gaz naturel est contenu dans des argiles sédimentaires, c'est à dire des roches qui sont à la fois compactes et imperméables. Son extraction est plus complexe que dans le cas des réserves de gaz naturels. Il est nécessaire de le rendre perméable à la roche mère qui le contient. Le procédé utilisé pour extraire ce gaz combine des techniques de forage directionnel horizontal et d'hydro fracturation. Le forage du gaz de schiste par hydro fracturation est fortement remis en cause. Les revendications du collectif d'associations «Ahna nebniouha» - Demande à l'assemblée nationale constituante et au gouvernement de geler immédiatement les opérations d'exploration et de forage du gaz de schiste qui utilisent la technique de fracturation hydraulique et l'annulation du permis octroyé à SHELL au gouvernorat de Kairouan ou à toute autre région, ainsi que l'interdiction de tout type de forage et d'exploration nocif pour l'environnement et en particulier le permis octroyé à la société PERENCO qui exploite le gaz de schiste dans le gouvernorat de Kebili. - Demande à l'assemblée nationale constituante d'établir le cadre juridique interdisant définitivement l'utilisation de techniques nocives pour l'environnement de façon générale, l'expérimentation, l'exploration et l'exploitation du gaz de schiste ou tout autre type de ressources non conventionnelles de façon spécifique. - Création d'une commission véritablement neutre sous l'égide de l'ANC ou du futur parlement, composée de représentants d'associations environnementales, d'experts tunisiens véritablement indépendants, de députés de l'assemblée nationale et de représentants des ministères concernés (ANPE, agriculture) chargés d'étudier les demandes relatives à l'octroi de permis d'exploration et de forage de ressources non conventionnelles ainsi que des grands projets industriels sur la base de leur impact sur l'environnement. - L'application effective du décret de loi n° 2005 - 1991 du 11 juillet 2005, relatif à l'étude de l'impact sur l'environnement à laquelle est soumis tout équipement ou tout projet industriel, agricole ou commercial dont l'activité est génératrice de pollution ou de dégradation de l'environnement. Les autorités compétentes ne peuvent délivrer l'autorisation pour la réalisation de l'unité soumise à l'étude d'impact sur l'environnement qu'après avoir constaté que l'agence nationale de protection de l'environnement ne s'oppose pas à sa réalisation. - La révision des lois de protection de l'environnement, de la santé ainsi que le code minier. - Le respect de la Tunisie, qui a signé et ratifié des protocoles internationaux de protection de l'environnement en particulier celui de Kyoto sur le réchauffement climatique en s'engageant à réduire ses émissions de gaz à effets de serre. Le gaz de schiste (méthane) ayant un coefficient de réchauffement très élevé et les composés organiques volatiles, issus des liquides de fracturation, étant des précurseurs de l'ozone. - La transparence et l'accès aux données (open data) à la société civile.