Au moment où on parle de plus en plus souvent de développer de nouvelles « formes » de tourisme, en particulier l'écotourisme et le tourisme culturel, principalement dans l'Ouest tunisien et de « toucher » un public nouveau, il nous semble étonnant que personne n'ait encore imaginé de reprendre une idée qui « fonctionne » ailleurs, spécialement dans l'Atlas marocain, depuis des décennies : le treck en montagne, à pied, à cheval, … pourquoi pas en V.T.T demain et même en auto. Le cadre Le treck, très original, que nous proposons aujourd'hui, a pour thème : la voie antique par laquelle le marbre renommé extrait à Simithus / Chemtou était transporté jusqu'à Thabraca / Tabarka. Les carrières de Simithus ont dû être ouvertes dès la fin du IIIème siècle avant J.C., à l'époque où le roi Numide Massinissa fixait sa capitale à Cirta – Sicca / El Kef et y faisait construire de superbes monuments. La grande nécropole berbère et sa « bazina » : tombeau en forme de tumulus et son « temple » magnifique reflèteraient cette civilisation. L'époque romaine est attestée par un énorme « pont-barrage », un immense camp de travail : le plus grand de l'Afrique Romaine, où des ouvriers taillaient des objets en marbre ainsi que par les vestiges d'un théâtre et d'un aqueduc. Un beau musée, très pédagogique, accueille les visiteurs. A partir de ce point de départ prestigieux, le treck traverserait tout l'extrême Ouest de la Khroumirie. Tout est singulier dans cette région. Ses chaînons montagneux et ses vallées profondes sont tapissés de superbes forêts de chênes et de résineux. Les sous-bois, tellement touffus qu'ils sont parfois impénétrables, abritent une faune abondante et typique telle que le cerf de Berbérie, la hyène rayée, le chat sauvage ancêtre du chat domestique et le porc-épic pour ne citer qu'eux. Orchidées et champignons délicieux attirent les amateurs tout autant que les tombeaux rupestres : Haouanet et les sites préhistoriques. La Khroumirie est encore à découvrir ! Au bout de la route, Tabarka, ses plages, ses hôtels et ses restaurants sont les récompenses des « aventuriers » qui ont cheminé par monts et par vaux. Thabraca, sans doute d'origine berbère, fut un port punique avant d'être celui par lequel s'exportaient le marbre de Chemtou ainsi que les produits de la région et de l'arrière pays : bois, produits agricoles et animaux sauvages. Très prospère à l'époque romaine, un peu oubliée par les conquérants arabes, elle renaît et se développe actuellement. Le marbre de Chemtou, une brèche dont la couleur va du beige très clair au rouge violacé très foncé, en passant par le vert sombre, est renommé depuis l'Antiquité. Ce sont peut être des plaques jaune doré – la qualité la plus recherchée – qui tapissaient le temple d'Eschmoun au sommet de Byrsa, l'acropole de Carthage, qui ont fait écrire aux auteurs anciens que ce temple était couvert d'or. On retrouve du marbre de Chemtou dans toute la Tunisie et même à Rome ainsi qu'à Constantinople / Istanbul ! Une partie de ce marbre était-elle acheminée vers Utique, par des « barges » à faible tirant d'eau voguant sur l'Oued Medjerda ? Mais comme le port d'Utique a été très tôt ensablé et que la Medjerda n'est navigable que quelques semaines par an, une voie allant vers Tabarka a dû être ouverte dans l'Antiquité. Un savant : Monsieur Salama a dressé une carte des voies romaines d'Afrique du Nord. Il a donc établi qu'une route, qui joignait Cirta - Sicca / El Kef à Thabraca / Tabarka, était rejointe au Nord de l'actuelle Jendouba par deux voies : l'une venant de Bulla regia, l'autre de Chemtou. Cette route pratiquement rectiligne sur la carte de Monsieur Salama a été suivie par différents historiens, en particulier Messieurs Cagnat, Winckler, Carton et Toutain, à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Un chercheur tunisien : Monsieur Omar Saïdi a repris les informations précédemment connues. Un jeune historien tunisien vient de découvrir deux bornes milliaires inédites de cette route à proximité de Chemtou. D'après les indications de Monsieur Winckler, la « Route du Marbre », dont la construction aurait été ordonnée par l'Empereur Hadrien au IIème siècle après J.C., à partir de Chemtou, suivrait la route qui y mène actuellement jusqu'à un carrefour situé à une dizaine de kilomètres à l'Ouest de la route Jendouba – Tabarka : la P. 17. Ensuite, ce serait une piste, orientée Nord-Sud qui passe à proximité de sources : Aïn Berbeg ou Berber, Aïn Gagaa, puis près des vestiges d'un pont antique détruit sur l'Oued Ghezala et aboutit enfin à une bourgade d'époque romaine Thunuba ou Thiunuba, citée par Ptolémée. Elle aurait été la première étape et serait située au lieu-dit Damous Bou Hadjaja à quelques kilomètres à l'Ouest de Fernana. Toute cette portion de voie romaine est à 2 – 3 kilomètres à l'Ouest de la route moderne P. 17. et tous ces points sont cités par Monsieur Winckler. Ensuite, nous avons un avis différent de celui des précédents chercheurs. Ils écrivent que, malgré de grosses difficultés qu'ils évoquent, la « Route du Marbre » joignait Fernana à Aïn Draham puis bifurquait vers le Col des vents, à l'Est. Ensuite, elle poursuivait, plein Nord, en haute montagne, vers Dar Fatma, Ouldj-Souk et Mouadjen Roumi d'où elle descendait dans la plaine au Nord de Tabarka. Cette piste, Aïn Draham – Tabarka, parfaitement connue des militaires cantonnés à Aïn Draham et de randonneurs aguerris qui l'empruntent pour aller à pied à Tabarka, ne nous parait pas du tout convenir à des chariots lourdement chargés. La voie qui, depuis Damous Bou Hadjaja / « Thunuba », continue à flanc de collines vers Aïn Cherchera, sur le site de Zigira antique, et arrive à Hammam Bourguiba, nous semble bien plus facilement praticable. Pourquoi ces points sont-ils cités par Monsieur Winckler dans un article publié en 1915 à propos de « La Route du Marbre » ? A partir de la station thermale, qui pourrait être une deuxième étape, la « Route du Marbre », à notre avis, longerait la frontière algérienne dans la vallée entre les Jebels Djouablia et Djedaidia puis, après avoir traversé la route qui va de Babouch en Algérie, elle descendrait toujours au flanc des collines d'Echaidia, à l'Ouest du Jebel Daraoui, vers Tabarka. Elle devrait traverser différents oueds dont l'Oued Zarga affluent de l'Oued El Kebir. Pourquoi les cartographes du début du siècle auraient-ils mentionné des gués sur ces oueds si personne n'y passait ? Aujourd'hui, après la construction de deux barrages au Nord-Ouest de Tabarka, qui ont noyé tous des gués et une grande partie de l'arrière pays, il est inutile de chercher la fin de la route du marbre. Il vaut mieux rejoindre la route 17 dès le pied des monts et la suivre pour arriver à Tabarka. Toujours est-il que les 50 à 70 kilomètres de distance, selon les itinéraires choisis, qui séparent Chemtou de Tabarka, offrent deux trecks magnifiques : à pied, même accompagnés d'ânes portant les bagages, en véhicules 4x4, en V.T.T. ou à cheval. Ne dit-on pas le plus grand bien des Poneys des Mogods ? Et pourquoi pas, avec les purs-sangs arabes de Madame Bergmann, éleveur à Ghardimaou ? Différentes étapes, en camping ou à l'hôtel : à Aïn Draham, à Hammam Bourguiba et en gîte forestier vers Ouldj-Souk et Fernana seraient à organiser. Il suffirait de baliser les pistes de quelques traits de peinture sur les rochers et les troncs d'arbre. Des guides locaux pourraient être recrutés. L'écologie, l'histoire, les coutumes de la Khroumirie pourraient être racontées aux visiteurs qui, en voyageant lentement, auraient le temps de les apprécier.