DECOUVRIR UNE AUTRE TUNISIE Le tourisme de masse balnéaire a prouvé son manque d'intérêt : il est trop saisonnier et ne rapporte guère. Les multiples facettes de la Tunisie ne pourraient-elles pas susciter un ou des tourismes différents et plus intéressants aussi bien au plan culturel qu'au plan économique ? Allons par exemple en Khroumirie où le tourisme d'été semble avoir fait faillite. LES PROMENADES NORD On peut entrer en Khroumirie par le Nord : la région de Nefza à Aïn Sobâ en serait le vestibule. Tourisme « vert », tourisme « historique » et tourisme « culturel » s'y entremêlent pour former un tourisme « intégral ». Les retenues d'eau du barrage d'El Barrak surprennent aux alentours de Nefza, invitent à aller voir, à travers des dunes boisées, de résineux principalement, les aménagements de la belle plage de Zouaraa. Là, les petites dunes du littoral, cachent ou découvrent des sites préhistoriques intacts. Un peu avant le bourg d'Ouchtata, paradis des fraises et des orangeraies, une petite route escalade les pentes, conduit à travers les vergers jusqu'au village de Zaga dominé par les vestiges d'une citadelle byzantine. A ses pieds, dans les rochers d'où jaillissent des sources abondantes, des tombeaux rupestres : des «haouanet» ont été creusés dans des roches calcaires qui abritent encore les concrétions et les « boyaux » d'une grande grotte, aujourd'hui ouverte. L'érosion ou la pente l'on fait éclater, peut-être. Ensuite, cette petite route mène à travers des forêts de chênes zéens et lièges abritant des sous-bois de myrtes et de fougères, peuplés de geais des chênes, de pics, de pigeons ramiers et de sangliers, jusqu'aux peintures pariétales, uniques en Tunisie, abritées dans un hanout, du hameau de Kef El Blida. Tous les sites à haouanet, nous en connaissons une vingtaine dans le voisinage, peuvent être des objectifs de « randos vertes et historiques » puisqu'on ne peut les atteindre que par des pistes forestières, guidé par les gamins des villages. Si l'on est venu de Béja, on pourra, au hameau de Aïn Snoussi, choisir de descendre vers l'aéroport de Ras Rajel, à travers une zone montagnarde et forestière magnifique dans laquelle les lauriers roses de chaque oued sont un feu d'artifice rose à la belle saison. On s'arrêtera un moment à proximité d'une énorme pierre dressée, pour ne pas dire « menhir », au bord de la route : R'cheda touila. Elle est encore l'objet d'une vénération rurale qui se manifeste aussi par la présence voisine de trois marabouts. On peut aussi continuer vers Aïn Draham et à 2 ou 3 kilomètres du hameau de Souk Jemâa, aller à pied à gauche de la route pour voir la falaise d'El Ghorifet creusée de nombreux haouanet et observer une agriculture de clairière. Nous avons déjà parlé de ces sites à haouanet dans un article intitulé : « La Khroumirie secrète » en août 2012. Plus loin, on s'arrêtera dans les forêts d'Aïn Hamraya ou dans celles de Oued Zeen – la plus belle forêt de chênes Zéens d'Afrique du Nord ! – ou à la tourbière de Dar Fatma avant d'arriver à Aïn Draham. Si l'on a continué vers Tabarka après Ouchtata et Aïn Soba, on peut s'arrêter à la petite réserve du Jebel Khroufa, croiser l'histoire moderne au cimetière militaire anglais ou aller, nous l'avons déjà écrit, « reconnaître » des plages magnifiques : celle de Jabbara et celle de Berkoukech. A Tabarka, tout est possible : baignades, plongées, pêche sous-marine et à la ligne ou promenade en bateau. Les vestiges antiques se mêlent aux « souvenirs » de compagnies de pêche du corail : la citadelle génoise domine l'île, les forts ottomans lui font face. Un jour, peut-être, on pourra aller sur l'île de la Galite. L'artisanat du corail et des collections de très belles pipes, en racine de bruyère, attirent les amateurs. Le Festival de Tabarka était une attraction très « courue » en été. Il devrait renaître. Les amateurs de chasse sont nombreux en automne et en hiver. Le musée du liège renseigne bien les amateurs de la Nature qui découvriront avec plaisir de nombreuses espèces d'orchidée sauvages sur les près, le long des routes qui partent de Tabarka. Toutes les pentes voisines, boisées ou couvertes de maquis, invitent à la randonnée ainsi qu'à la découverte de la faune et de la flore, riches et variées. LES PROMENADES SUD Il est inutile de présenter de nouveau les sites de Bulla regia et de Chemtou mais les amateurs de promenades curieuses peuvent à partir du dernier site essayer de retrouver, en partie, ce que nous avons appelé « La route du marbre ». Le « marbre » extrait à Chemtou était transporté, le long de cette « route », jusqu'à Tabarka. Les amateurs de marche en montagne et de forêt, escaladeront le Jebel Herch voisin pour découvrir des vestiges protohistoriques berbères au sommet du mont. Les amoureux de Nature majestueuse iront se promener longuement dans le grand Parc National d'El Feïja. Attention ! Il faut d'abord passer au C.R.D.A de Jendouba pour prendre les tickets d'entrée ! D'autres visiteurs, plus « aventureux » emprunteront la route montant vers Balta qui cache dans ses vergers des vestiges romains et un passé arabo-musulman « agité ». Près du bourg, une nécropole protohistorique peut attirer les marcheurs. Une autre, plus lointaine, située au pied du Jebel Bou Gotrane, intéressera les randonneurs entraînés. Les amoureux de verdure et de faune forestière seront satisfaits par la montée par une petite route vers les sommets déchiquetés et la redescente, en pleine forêt, vers Souk Jemâa et Aïn Draham. Ils s'arrêteront certainement à l'arboretum qui protège des chênes afarès, menacés de disparition. LES PROMENADES À AÏN DRAHAM Nous en avons déjà évoqué plusieurs. Il en est de très nombreuses. En auto, on peut faire un grand circuit passant par Babouch, Hammam Bourguiba, le pied du Jebel Adissa, le grand barrage sur l'Oued Barber et regagner Aïn Draham soit directement soit par Fernana. On peut aussi aller jusqu'au village et au barrage de Béni M'tir, goûter à l'eau fraîche et douce des fontaines, grimper au-delà du barrage, jusqu'à Souk Esma : le « marché du ciel » ou revenir jusqu'au Col des vents en passant par le hameau de Tbaynia, près du lac de retenue. On peut aller à pied se promener jusqu'au marabout consacré à Sidi Abdallah. La légende raconte que ce sont les descendants de ses enfants qui ont peuplé toute la région. Avec un bon 4x4, on peut, par Dar Fatma, descendre jusqu'à Magen Roumi et Tabarka. Les militaires en formation, au camp, l'empruntent chaque année, quelques randonneurs, bien entraînés aussi. Autour d'Aïn Draham encore, toutes les pistes : celles qui partent des installations sportives du Merj ou celles qui partent de la limite Nord du camp militaire et descendent dans une énorme vallée du bout de laquelle on voit la mer et Tabarka et celles qui s'éloignent du Col des Ruines, toutes incitent à la promenade. On essaie d'apprendre, tout en se promenant, un peu d'histoire, un peu de sciences naturelles en différenciant les diverses essences de chênes et de pins par exemple, un peu de technique en s'initiant à la « cueillette » du liège, à la distillation du myrte ou au travail du corail, un peu de ... sociologie en écoutant les dernières pleureuses qui chantent encore sur sa tombe, les « mérites » de l'homme décédé. On pourrait apprendre bien davantage si des circuits et des aires d'observation étaient aménagés et des guides compétents formés. Le « tourisme intégral » s'appuie sur le milieu et permet de découvrir la Nature et l'homme qui l'a façonnée. C'est un tourisme pour et par des Tunisiens !