Au mouvement Nida Tounes, on tente encore de couper la poire en deux et de ménager les intérêts diamétralement opposés des deux principales tendances qui traversent ce parti créé en juin 2012 par l'ex Premier ministre de transition, Béji Caïd Essebsi, dans l'espoir de rassembler un camp moderniste très émietté. Le communiqué publié à l'issue d'une réunion du comité fondateur atteste, en effet, d'une volonté manifeste de satisfaire à la fois la puissante aile composée des anciens membres du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) et la sensibilité gauchiste qui a gagné une certaine légitimité grâce aux batailles menées sur le terrain durant le règne de la Troïka. Dans ce communiqué, le comité fondateur a précisé qu'il « se réjouit de la décision du bureau exécutif au sujet de l'organisation d'un congrès constitutif dont seraient issus la direction du parti, son programme et son règlement intérieur, d'une manière démocratique et sur la base du consensus et de la préservation de la diversité au sein du mouvement». Ce premier paragraphe du communiqué satisfait certainement la tendance Rcdiste menée par Hafedh Caïd Essebsi, le fils du fondateur du parti. Le deuxième paragraphe qui évoque, quant à lui, implicitement une possibilité de report du congrès, ce qui plairait naturellement à la tendance gauchiste menée par l'avocat Ridha Belhaj. «La commission des préparatifs du congrès placée sous la présidence de l'ancien bâtonnier Lazhar Karoui Chebbi va étudier les diverses options envisageables concernant toutes les questions en rapport avec l'organisation du congrès, de manière à se mettre en conformité avec le programme de la campagne électorale du parti pour les scrutins présidentiel et législatif. Elle fera des propositions à ce sujet au président du parti et au comité fondateur, dans un délai d'une semaine », ajoute le communiqué. D'autre part, le communiqué du comité fondateur a appelé toutes les structures et les militants du parti à déployer davantage d'efforts «dans un cadre d'unité et de diversité » pour remporter les prochaines échéances électorales. Courants hétéroclites La tenue du congrès constitutif de Nida Tounes le 15 juin a été contestée par certains membres du Bureau exécutif, dont Ridha Belhaj, Taher Ben Hassine et Noureddine Ben Ticha. Ces derniers ont notamment protesté contre la procédure selon laquelle les congressistes ne seront pas choisis par la base. «La décision d'organiser un congrès pour l'élection du comité de direction par le conseil national n'est pas conforme au statut du parti qui réglemente l'organisation du congrès en respectant une procédure claire. Ensuite, la règle de base en matière de gestion démocratique des partis politiques dispose qu'on ne peut en aucun cas élire un organe par un autre qui n'a pas été lui même élu», a affirmé Ridha Belhaj. Cette figure marquante du partia, d'autre part, estimé que la procédure retenue pour l'organisation du congrès constitutif «risque d'avoir des répercussions négatives sur le parti puisqu'elle vise à exclure des personnalités et instituer une tradition de clientélisme et risque d'ouvrir la voie à des dissensions et des éventuels recours». M. Belhaj propose comme alternative «l'organisation d'un véritable congrès en commençant par l'élection des coordinations de base jusqu'au bureau politique en instituant une commission électorale issue du comité des fondateurs conformément au statut qui veille à distribuer les cartes adhésions et organiser les élections en appliquant une procédure électorale préalablement établie». Avocat défenseur des droits de l'Homme, M. Belhaj a annoncé qu'il boycotterait tout congrès qui ne respecte pas les règles démocratiques. «Personnellement, je ne suis pas prêt à participer à un congrès de règlement de comptes et d'exclusion qui approfondira les divisions internes et permettra à une minorité de prendre le contrôle du parti et mettre fin au pluralisme et la diversité qui ont fait notre force et qui ont permis aux différentes composantes du parti (destouriens, indépendants, syndicalistes, militants de gauche) de gagner différents combats et défis », a-t-il annoncé. Nida Tounes rassemble une mosaïque de courants disparates, allant des transfuges des partis de gauche classiques tels que Bochra Bel Haj Hamida, Khémaïes Ksila aux libéraux de tous bords, dont Saïd El Aïdi, en passant par les destouriens de longue date etles membres du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD) à l'instar de Mohamed Ghariani et Faouzi Elloumi, et les syndicalistes comme les anciens dirigeants de l'UGTT, Taïeb Baccouche et Abdelmajid Sahraoui. Ce parti qui semble bien placé pour remporter les prochaines élections, selon certains sondages, connaît depuis de longs mois une lutte d'influence larvée entre la tendance Rcdiste bien représentée dans les structures régionales du parti et la sensibilité de gauche. Cette lutte d'influence a éclaté au grand jour suite à l'annonce de la création d'un département spécialisé dans le suivi des aspects administratifs et organisationnels au niveau structures régionales. La création de ce département présidé par Hafedh Caïd Essebsi, a été considéréepar les progressistes une tentative des ex-Rcdistes de faire main basse sur le parti.