L'explosion d'une mine au « Chaâmbi » tuant deux de nos valeureux soldats et blessant six autresdont deux grièvement est venue rappeler aux Tunisiennes et aux Tunisiens, que le terrorisme a le peau dure et que ses séquelles sont là pour de longues années encore. L'optimisme affiché par certains de nos responsables qui ont annoncé un peu trop rapidement la reconquête de « Mont-Rebelle » a péché par un certain manque de lucidité sur la nature même de ce qui s'est passé dans le pays depuis trois ans et ses conséquences irrémédiables sur le futur. Pour ma part, je serai tenté de revenir à une phrase célèbre d'un certain Lotfi Zitoune idéologue et synthétiseur et réformiste de la Nahdha, parfois brillant polémiste mais qui a toujours le mot qu'on n'attend pas. Ceci ne veut pas dire qu'il dit toujours vrai ! Mais tout est question d'appréciation et de lecture. M. Zitoune, au début de la Révolution révélait en tribun triomphateur : « Le printemps arabe est né sous la tunique du Cheikh Karadhaoui » (Al Rabiï El Aârabi woulida tahta aâbati el cheikh El Karadhaoui)... ! Eh bien, prenons au mot et parions sur la métaphore de ce jeune leader de la Nahdha, qui a passé ses premières années d'exil en Grande Bertagne, la mère des démocraties modernes depuis le « Bill of rights » de 1689 et qui je l'espère, en tout cas, a eu le temps de méditer sur le monde qui compte et qui avance plutôt que sur les époques de la décadence arabe et musulmane. Maintenant, que le bébé « éprouvette-Karadhaoui » certifié « printemps arabe » a été enfanté et qu'en l'espace « d'une » élection dans chaque pays concerné, en Tunisie, en Egypte eten Libye, l'Islam politique a pris les commandes de l'Etat et de la société, que s'est-il passé au juste, où en sommes-nous et pourquoi ce « bébé » miracle est-il au bloc « réanimation » de la science politique ! Quand j'étais l'étudiant fervent (leyte achababa yaoudou yeouman) de l'histoire des institutions et des systèmes politiques, j'ai cherché à savoir et à comprendre, les raisons qui font la naissance, la croissance et la mort des systèmes. Aujourd'hui, je me pose la question sur une réalité en mouvement : Pourquoi l'Islam politique (Karadhaoui) qui a enfanté le « printemps arabe » n'a pas réussi à le faire croître et grandir pour tout simplement en faire à l'arrivée un mort-né et un multiplicateur de crises aiguës. Je reviens à mes lectures préféréeset passionnées d'un géant de la science politique moderne : David Easton et son maître ouvrage : « Le système politique », qui a inauguré avec Talcott Parsons la méthode de l'analyse systématique aujourd'hui rayonnante sur toutes les sciences historiques, sociologiques et politiques, et qui lie l'activité dynamique des systèmes à deux faits fondamentaux : les valeurs et les décisions. Pour le professeur Easton, les systèmes politiques « persistants » c'est à dire solides et qui peuvent s'inscrire dans la durée, sont ceux qui diffusent des « valeurs » (en arabe Kiyam) que la société non seulement accepte, mais revendique comme bases de la communion et de la vie collective harmonieuse, en un mot, le modèle culturel et social jouissant de l'acceptabilité la plus large. Le professeur ajoute que ces mêmes systèmes doivent prendre les « décisions » appropriées pour répondre aux attentes et aux exigences des sociétés, avant qu'elles ne s'accumulent pour mettre en question et « dégager » (comme l'aurait dit notre jeune Bouazizi) ce même système devenu sclérosé et désadapté à l'évolution naturelle de la société et du monde qui l'entoure. Qu'a fait la « progéniture » de notre illuminé le Cheikh Karadhaoui, président des « ulémas musulmans », (au nom de qui et de quoi et quelle est la légitimité de cette instance basée au Qatar... !), et comment est-on arrivé si vite à ce stade de rejet systématique des masses arabes et musulmans en Egypte, en Libye et même en Tunisie ! Quelles sont, d'abord, les « valeurs » que le système« Karadhaoui » a diffusées dans notre espace qui va de Damas à l'Atlantique en baignant l'ensemble des Etats et des espaces sahariens par ses « barakets » (grâces) et quelles sont ensuite, les décisions, oh combien inappropriées qui ont été prises par les nouveaux systèmes de l'Islam politique de Suez au Chaâmbi ! Ceux qui ont encore quelque mémoire et qui n'ont pas tout oublié, se rappellent de cette invasion « messianique » des prédicateurs d'Orient, en tout semblables aux « valeurs » du système des « Frères » d'Egypte, qui ont déferlé sur la Tunisie, pendant près de deux ans, avant que le terrorisme adjacent ne parle par les « kalachnikovs » et les « mines » explosives un peu partout sur le territoire tunisien et maintenant en Egypte et en Libye. Certains pourraient rétorquer que c'est là une réaction de légitime défense de l'Islam politique qui se fait réprimer par les nouvelles juntes qui aspirent au pouvoir en Egypte et en Libye. Mais la justification ne tient pas parce que dès le départ l'Islam politique qui a triomphé « provisoirement » grâce aux mécanismes démocratiques inspirés de l'Occident, a tout simplement opéré une véritable action de destruction massive des modèles de sociétés, tunisiennes, égyptiennes et libyennes, qui ont été certes manipulés par des dictatures récentes, mais qui constituaient de véritables synthèses et des socles puissants de plusieurs siècles de réformisme politique et culturel de Kheïreddine à Mohamed Abdou. En diffusant les « valeurs » de démantèlement et de destructiondes systèmes sociaux de l'ensemble de l'Afrique du Nord (sens géographique), par les prédications, des Ghonaïm, des Laârifi etc... et de tous les « troubadours du wahabisme international, l'Islam politique a déclenché des réactions de rejet catégorique et systématique de son « nouvel Etat » en Tunisie, en Egypte et en Libye après l'avoir été en Algérie il y a plus d'une décennie. J'en arrive maintenant aux « décisions » le fait qu'un jeune syndicaliste de la police nationale révèle au monde et pas seulement à notre gouvernement, que la Tunisie compte plus de 10.000 (appréciez le nombre... !) associations charitatives (sic) qui diffusent les « valeurs » du terrorisme international et qui participent en partie à l'envoi de nos enfants sur le front de la mort en Syrie, voilà qui est très indicatif sur la politique de financement de ces associations (de prédication... resic !) ! Nous citons cela à titre de simple exemple, alors qu'il y a des décisions plus graves comme celles d'octroyer des « visas » à des partis politiques qui ne croient pas à la démocratie et qui traitent le destour (Constitution) de « chiffon impi », arborant dans leurs meetings au vu et au su de tout le monde, leurs étendards noirs ! Maintenant que le mal est fait, il faut savoir qu'il est profond et ses séquelles sont les mines « oubliées » du Chaâmbi qui tuent nos braves soldats. Il est grand temps de recentrer la politique nationale vers la rationalisation du discours religieux et des « valeurs » qu'il diffuse encore largement et pas seulement dans la centaine de mosquées rebelles au contrôle de l'Etat, mais dans plusieurs milliers d'entr'elles de l'avis même des spécialistes en la matière. Cette rationalisation doit être le fait à notre humble avis de la Nahdha elle-même, de ses cadres éclairés comme le Cheikh Rached Ghannouchi et Lotfi Zitoune, s'ils veulent arrêter l'hémorragie, solidariser notre peuple et atténuer le rejet d'une grande partie de la population du « Bébé-système-Karadhaoui » ! Malgré le pessimisme environnant sur l'éventualité d'une telle démarche, je ne désespère pas encore d'une possible évolution de l'Islam politique en Tunisie ! Après tout, nous avons toujours précédé les Egyptiens là dessus et notre Zitouna a toujours été plus performante que El Azhar, qu'elle devance de plusieurs siècles ! Mais, vous êtes libres de penser le contraire et de ne pas y croire ! Je vous comprends ! Nos islamistes politiques peuvent-il décrocher des « Frères musulmans » d'Egypte ! That is the question ! K.G