jours été un sujet tabou. Nul n'avait le droit d'en parler, ni de critiquer. Ces lieux où des centaines de milliers résident, incarcérés, personnel pénitentiaire et médecins de prison, forment une micro-société qui vit et évolue en marge de la société. Le milieu carcéral préoccupe, depuis quelques années, la société civile tunisienne. Il est placé au cœur des débats et sous la loupe des plus grandes ONG nationales et internationales, malgré la réservation légendaire des ministères de tutelle. Il va sans dire que la démocratisation d'un pays ne peut se faire sans le respect des droits de l'Homme et ce critère ne peut avoir lieu en l'absence, notamment, d'un système pénitentiaire qui soit respectueux des personnes privées de leur liberté. Il est important de ne pas négliger cette tendance à violer les libertés et les droits individuels dans un milieu de détention et d'enfermement. C'est là où intervient le rôle de la société civile, soucieuse de faire respecter les droits humains, de repenser, moderniser et réformer le système carcéral en Tunisie afin qu'il réponde également aux standards internationaux. Ce qui est loin d'être le cas en Tunisie. C'est dans ce cadre-là que s'inscrit le colloque international qui porte pour thème «L'état de la prison en Tunisie entre archaïsme et refoulement» et qui est organisé par l'Observatoire Tunisien de la Sécurité Globale (OTSG). Durant deux jours, l'OTSG a dressé le bilan et a convié les différents acteurs à débattre autour de la réforme du milieu carcéral. Entamé hier, vendredi 6 juin 2014, le colloque, qui dure deux jours, a abordé les questions les plus épineuses relatives aux milieux pénitentiaires tunisiens. En cette première journée de débats, les experts nationaux et étrangers, les médecins pénitentiaires, les directeurs des prisons, les représentants du Syndicat des prisons et les observateurs se sont penchés sur deux thèmes fédérateurs. Il s'agissait, dans un premier temps, de discuter ensemble autour des contraintes que rencontre le personnel pénitentiaire et l'administration carcérale et les réformes qu'il faut pour améliorer leurs conditions de travail. Suite à cela, les participants, entre directeurs de centres de détentions, psychologues et observateurs, ont axé leurs débats sur l'état des lieux des personnes incarcérées, qu'il s'agisse des détenus hommes, femmes ou mineurs. Les présents en ont profité pour aborder la relation entre la prison et l'hôpital. La fin de la première journée a été marquée par un long débat sur la nouvelle notion qu'est la défense des personnes détenues sur le plan juridique. Lors du colloque, l'OSTG a rendu public son tout dernier rapport et ses recommandations relatives à la réforme pénitentiaire en Tunisie. Ledit rapport propose, en effet, une série d'éléments de réflexion en vue de construire une stratégie de réforme nationale du secteur carcéral. Réforme de l'administration pénitentiaire Une des étapes cruciales et intrinsèques à la rénovation du système carcéral tunisien est la réforme de l'administration pénitentiaire. Effectivement, travaillant dans des conditions souvent trop dures, le personnel se lamente de la surpopulation des prisons et d'un système de travail archaïque hérité de l'ancien régime. Il est alors temps pour que le ministère de tutelle de se pencher sérieusement sur la révision des lois qui régissent le travail de l'administration pénitentiaire. Ces lois doivent être révisées afin qu'elles correspondent aux normes internationales. Repenser les pratiques et le fonctionnement de cette administration faciliteront, en autres, le respect de la dignité humaine des personnes incarcérées. Dans ces milieux où les libertés individuelles sont limitées, il est nécessaire que la sécurité des détenus soit préservée. Il y va de même de la catégorie de prisonniers. Il est primordial de séparer ces derniers par tranches d'âge et sexe. Ne pas mélanger les mineurs avec les adultes est l'une des premières règles qui doit être respectée dans le milieu carcéral. Afin d'y remédier, il est urgent pour la Tunisie de mettre en place une nouvelle base juridique, une logistique adéquate et une armada humaine importante. Il s'agit de lutter fermement contre les phénomènes qui font, depuis de longues années, du milieu carcéral un enfer et non un endroit de réhabilitation et un vecteur de réinsertion sociale. Les raisons ne sont plus un secret. Le souci de surpopulation, 180% pour certaines grandes prisons, manque de personnel, déficience matérielle et professionnelle, infrastructure désuète et insalubre, etc... Il est, également, important de noter que l'implication de la société civile spécialisée peut être d'une grande aide. C'est dans cette perspective que l'OTSG propose dans son rapport la mise en place d'un programme d'éducation autour des droits de l'Homme et des droits de prisonniers dont bénéficiera le personnel pénitencier. Melek LAKDAR Chahrazed Ben Hmida, vice-présidente de l'OTSG : «Nous proposons au ministre de tutelle et à tous les acteurs décisifs un rapport nanti d'éléments de réflexions pour établir une stratégie de réforme pénitentiaire.» «Le colloque s'inscrit dans les activités de l'Observatoire qui sont la réforme de la sécurité tunisienne qui est une question cruciale. Nous avons malheureusement tendance en Tunisie à marginaliser l'un des maillons les plus importants de la chaîne qui forme la sécurité, qu'est la prison. Le milieu carcéral demeure le maillon faible. L'idée est de jeter la lumière sur la prison. Parmi les institutions de l'Etat, c'est l'institution noire qui est cachée. On est là pour faire ensemble le diagnostic : les contraintes et les difficultés, toujours dans une perspective pluridisciplinaire, c'est-à-dire, appréhender la question des prisons par tous les angles de vue. Nous avons associé à ce projet, l'administration pénitentiaire qui relève du ministère de la Justice. Nous étions intéressés par la participation des officiels et aussi le personnel carcéral qui a toujours été discret. Heureusement que grâce à leur syndicat, nous sommes un peu plus au courant des problèmes professionnels qu'ils rencontrent. Par ailleurs, le volet médical était primordial pour nous parce que cette concentration humaine impose une réalité très particulière. On se pose, notamment, la question sur le rôle de ces prisons. Remplissent-elles réellement leurs fonctions ? Cela s'inscrit dans la perspective de pouvoir proposer des alternatives, des idées de réformes à partir du contexte tunisien et à la lumières des expériences étrangères des pays qui nous ont devancé en matière de réforme pénitentiaire à l'instar de l'Algérie et de la France. Nous avons parmi nous le ministre de la Justice algérien et les représentants de la syndicale française l'UFAP (Union Fédérale Autonome Pénitentiaire).»