La dépréciation du dinar face aux principales devises, l'euro et le dollar en l'occurrence se poursuit. Au 14 juillet 2014, l'euro s'échange à plus de 2,3 dinars alors qu'il faut 1,7 dinar pour un dollar, selon le taux de change affiché par la BCT. De toute manière, le dinar tunisien ne cesse de se déprécier pour atteindre de nouveaux records historiques. A qui réellement incombe la responsabilité ? A ce propos les avis divergent et les analyses ne font pas défaut. Moez Lâabidi en qualité d'Expert en Finance fait le point dans son dernier billet économique publié par le département recherches et analyses de l'intermédiaire en bourse (Mac Sa). Dans son analyse, l'Expert en finances explique que la dépréciation du dinar trouve ses raisons dans plusieurs facteurs économiques et politiques en relation avec la conjoncture économique actuelle. Economiquement parlant, Moez Lâabidi évoque la concentration des demandes d'achats des entreprises publiques importatrices à l'instar de la Steg, l'Etap et la Stir et le rapatriement des bénéficies entre autres de dividendes de la part des entreprises étrangères installées en Tunisie. L'explication politique relative à la dernière vague de dépréciation de dinar tent au doute quant à l'impossibilité pour l'actuel gouvernement à remettre la Tunisie sur une dynamique de réforme sérieuse. « Politiquement, le trend baissier sur le dinar s'apparente à une correction du marché, après l'appréciation générée par le départ de la Troïka et l'arrivée d'un gouvernement de technocrates », explique-t-il, tout en précisant que la dépréciation de la monnaie tunisienne n'est pas uniquement imputable à un déséquilibre entre l'offre et la demande de devises sur le marché de change. Au delà des facteurs conjoncturels, l'explication structurelle de la dépréciation de la monnaie nationale touche à la dégradation de la balance courante dont le déficit a atteint les 4.6% du PIB au cours des cinq premiers mois de 2014 contre 3.9% pour la même période de 2013. L'analyse de Mac Sa, révèle que le manque de courage des différents gouvernements de transition ainsi que les revendications salariales démesurées sont à l'origine du glissement du dinar. La BCT n'y est pour rien. « Les raisons profondes du glissement du dinar sont à rechercher plutôt du côté de la Kasbah (manque d'audace dans l'action des différents gouvernements de transition) et de la Place Mohamed Ali (majorations salariales démesurées), plutôt que du côté de la Dame de la rue Hédi Nouira», peut-on lire dans la dite étude. Dilemme de choix ! L'auteur de cette analyse va plus loin en expliquant que la BCT se trouve face à un dilemme : la montée des besoins de l'économie en devises étrangères. Façon de dire que pour arrêter ce fléau de dépréciation de dinar, elle pourra opter pour deux scénarios. C'est dire que l'autorité monétaire, peut opter pour un scénario où elle privilégie la stabilité de dinar. Automatiquement, la BCT devrait puiser dans ses réserves en devises pour répondre aux besoins de l'économie en devises étrangères. Dans ce cas là, les réserves en devises risquent de chuter pour ne couvrir qu'une période largement inférieur à 90 jours d'importation. D'après Moez Lâabidi, la BCT pourrait, comme deuxième option, limiter ses interventions sur le marché de change afin de sauvegarder son stock de réserves. « Dans ce cas le BCT sera forcée d'encaisser une dépréciation de sa monnaie », explique l'étude. Conjoncture oblige, les marges de manœuvre de la BCT sont de plus en plus limitées pour contrer la dépréciation du dinar. L'analyse de Mac Sa révèle que l'essoufflement de de la compétitivité de l'économie tunisienne et l'inflation galopante, font en sorte que l'action de la BCT soit limitée. Et les solutions dans tout cela ? Grosso modo, la Tunisie n'a pas suffisamment de marge pour contrer la dépréciation de sa monnaie. De l'avis de l'analyse de Mac Sa, la priorité est de rétablir la souveraineté de l'Etat à travers la rigeur dans l'application de la loi, entre autres le respect des institutions de l'Etat. Moez Lâabidi, estime dans ce contexte que pour contrer la dépréciation du dinar tunisien, il faut améliorer la productivité et engager au plus vite une dynamique de réformes qui devra remettre, à court terme, la Tunisie sur la voie de la croissance inclusive. Cette dynamique de réforme devrait également, à long terme, faire de la Tunisie une économie d'innovation plus compétitive, et du coup, une base de production plus attractive. L'auteur de l'étude va plus loin en affirmant que « c'est uniquement dans cette perspective qu'on pourrait espérer ramener le solde courant au dessous de 3% du PIB, limiter le dérapage des ratios d'endettement, sortir les réserves de change de la zone d'inconfort et permettre au dinar de retrouver un trend haussier ».