Dès le coup de Canon annonciateur de la rupture du jeûne, les lumières s'allumant dans toutes la ville, donnaient le coup d'envoi à une ambiance de fête qui avait lieu chaque soir jusqu'à l'aube ou plus exactement à l'heure de "l'Imsak" où on s'arrête de boire et de manger. A Bab Souika des pâtisseries l'une à côté de l'autre ouvraient déjà leurs portes et commençaient à préparer les étalages où s'amoncelaient des gâteaux de toutes sortes. Dans les "Cafi chanta" ou cafés chantants les chaises étaient déjà placées de manière à recevoir le plus grand nombre de personnes. C'était dans ces cafés que se produisaient les plus grands chanteurs et les meilleurs artistes. Ce fut à partir des années trente où ces "Cafi chanta" commencèrent à proliférer pour devenir une caractéristique par laquelle se distinguait la capitale, et plus précisément Bab Souika, durant les nuits de Ramadan. En Europe, les spectacles dans les cafés avaient commencé dès la fin du dix neuvième siècle et le début du vingtième. C'était pour les artistes le meilleur moyen de s'exhiber et de se faire connaître. Ce fut le cas de Piaf qui commençait par chanter dans les cafés à Montmartre. Mais alors que dans ces cafés les chanteurs se relayaient au cours du spectacles dans nos "Cafi chanta" c'était les spectateurs qui se relayaient pour regarder à tour de rôle les mêmes numéros qui se répétaient à chaque fois que de nouveaux spectateurs entraient. En d'autres termes le spectacle dans un "Cafi chanta" ne durait pas plus de vingt minutes pendant lesquelles les artistes présentaient leurs numéros. Puis les spectateurs étaient invités à quitter les lieux pour laisser leurs places à d'autres. C'était ce qui caractérisait les "Cafi chanta" qui avaient un charme particulier, avec cette ambiance couleur locale, qui ne ressemblait à aucune autre ailleurs. De Habiba Msika, Saliha, Ali Riahi, Fethia Khaïri, en passant par Salah Khemissi jusqu'à plus récemment, Hédi Kallel Hédi Mokrani, Ridha Kalâi ou Hédi Semlalai tous ces artistes et bien d'autres encore, animèrent les "Cafi chanta" durant les nuits de Ramadan moins par le souci de gagner de l'argent que celui de contribuer à créer une ambiance de fête y mettant le mieux d'eux-mêmes au service de l'art.