Mon cœur est pressé par un mélange de sentiments que je vais devoir laisser se décanter quelques temps quand nous quittons ce lieu plein de mysticisme. Direction l'incontournable Ninety Miles Beach, située sur la côte ouest de la péninsule. La première étape de ses dizaines de kilomètres de plage de sable fin ce sont ses impressionnantes dunes de sable. On pourrait croire que, étant née dans un pays accueillant une bonne partie du Sahara, il faudrait beaucoup, beaucoup de sable pour m'émouvoir. La vérité c'est que je n'ai jamais été plus loin que Tozeur. Pour ma défense j'ajoute que je suis plutôt une insulaire. Le désert, ce n'est pas vraiment mon domaine. Arrivée devant ces colossales montagnes de sable orange je suis traversée par une sorte de vertige. D'en bas je vois les touristes tout petits, se promener au sommet. Je regarde mon compagnon pour chercher le reflet de mon inquiétude dans ses yeux. Mais je n'y trouve que de l'optimisme et plus bas un sourire décroché. Je rassemble donc mon courage et mes deux grammes de muscles et j'enfonce un premier pied nu dans le flanc chaud de cette montagne friable. C'est doux, c'est fin et ça glisse entre les orteils. C'est presque comme de l'eau qui file. A mi -chemin je tombe à genoux pour regarder derrière une seconde. Je me relève et je reprends mon escalade. Chaque pas est si précaire qu'il pourrait me ramener au point de départ. C'est à la fois épuisant et exaltant. On a envie d'arriver au bout et d'avoir le point de vue des autres. On ne se doute pas qu'ils regardent dans la mauvaise direction. Ce n'est pas en bas que se joue le plus beau spectacle. C'est derrière, où des dizaines d'autres dunes donnent chacune un reflet différent à la lumière du soleil qui essaye de percer les épais nuages. Parmi ces monts, un en particulier est ébloui par un seul rayon se démarquant largement des autres. L'imagination me met alors en tête l'icone d'un prophète y recevant la grâce divine. Plus en arrière de cette scène il y a la mer, toujours présente. Le ciel grisonnant accentue sa gravité d'un ton bleu foncé presque angoissant. Elle a l'air loin, loin de ce paysage fantastique, presque dissonante. Mais pourtant la regarder est plaisant. C'est encore plus mystérieux. Je ne peux pas m'empêcher de me demander quel phénomène est à l'origine d'un paysage si inhabituel. Comment deux éléments que l'on a appris à voir comme des contraires : la mer et le désert, peuvent être ici concomitants ? Les questions s'accumulent et encore une fois il faut partir. On se laisse alors lentement glisser jusqu'en bas, s'amusant à créer des avalanches de sable et à y dessiner des formes, s'efforçant de laisser une empreinte dans ce paysage sans arrêt balayé. Leyla Katarina CHERIF