Seuls 5% de nos jeunes militent au sein de partis politiques 66% des jeunes n'ont pas la moindre idée de la nouvelle loi électorale Les jeunes s'intéressent peu à la politique. Leur désintéressement et leur absence dans les grandes manifestations sont là pour le rappeler. La société, les repères idéologiques et les grandes problématiques ont changé. Par conséquent le rapport avec la politique n'est plus le même, Ils s'engagent moins que leurs aînés dans des partis politiques. Ils, se sentent concernés plutôt par les problématiques économiques et sociales et ont un taux d'engagement appréciable dans les associations civiles. Ils font peu ou pas confiance du tout aux hommes politiques. Mais comment les jeunes perçoivent les hommes politiques qui nous gouvernent ? Pourquoi ce désengagement des jeunes vis-à-vis de la politique? L'absence de confiance des jeunes envers les institutions politiques est évidente. Cela se traduit par un faible engagement des jeunes dans la vie politique. Les résultats de l'étude réalisée par l'association "I Watch" a démontré que seuls 5% militent au sein de partis politiques". 66% des jeunes interviewés n'ont pas la moindre idée de la nouvelle loi électorale et 79% ignorent le concept de la démocratie participative. Le sondage a dévoilé que 52% des interrogés suivent de près les actualités politiques, mais que seulement 10% sont capables de donner une définition à la démocratie participative. Ce chiffre illustre clairement le désistement des jeunes à s'adonner à l'activité politique et cela ne signifie cependant pas l'ignorance des jeunes de la scène politique ainsi que de ceux qui la composent. La dépolitisation des jeunes Les jeunes sont souvent impliqués dans des processus informels, politiquement pertinents, tels que l'activisme ou l'engagement civique, ils ne sont pas formellement représentés dans les institutions politiques nationales telles que les parlements et beaucoup d'entre eux ne participent pas aux élections. Cela peut avoir un impact sur la qualité de la gouvernance démocratique. Le blogueur Aziz Amami estime que les jeunes sont écartés et exclus de la vie politique. Il cite l'exemple des médias en Tunisie qui ne donnent pas l'occasion aux jeunes d'exprimer sur les plateaux de télévision, leur point de vue de la situation actuelle. Plusieurs raisons détournent les jeunes de la politique selon Mohamed Ali Mankai d'Afek Tounes «. Elles sont tout d'abord historiques Les jeunes n'ont pas grandi dans un environnement où la chose politique intéressait les générations qui les précédaient, d'où un déficit de culture politique . A l'instar de la plupart des Tunisiens, ils sont rebutés par la classe politique qui a émergé après la chute de l'ancien régime. Les partis politiques à qui revient la mission d'intéresser les jeunes à la politique n'ont pas su identifier leurs attentes et surtout comment les attirer vers la politique. Les turbulences que notre pays a traverséesont provoqué des crispations et une perte de confiance en l'avenir . Ceci sans oublier que plusieurs de nos jeunes ne se voient pas vivre ici, ils rêvent de partir et se disent à quoi servirait-il de s'impliquer ». Le Dr Salem Sahli écologiste estime que l'image politicienne et partisane que renvoie la classe politique n'encourage pas les jeunes à s'engager dans la vie politique : « La crédibilité des responsables politiques est largement entamée du fait du manque d'exemplarité de leur comportement. Il suffit de voir ce qui se passe à l'ANC. La politique n'apporte pas de solutions aux préoccupations immédiates des jeunes qui préfèrent s'engager plus dans le monde associatif pour réinventer la société locale et surtout, la politique ne propose pas de solutions à leur crise identitaire. » Briser le cycle de la méfiance Dans de nombreux pays, les relations entre les jeunes et les partis politiques sont tendues. Pour briser le cycle du scepticisme et de la méfiance, les jeunes peuvent acquérir les compétences et la motivation pour réussir à interagir avec les partis politiques. Dans le même temps, les partis politiques pourraient être encouragés à créer des espaces pour eux en éliminant les barrières àl'engagement des jeunes et là il faudrait tracer une stratégie à long terme qui cherche à sensibiliser les politiciens à l'importance d'une collaboration mutuelle des deux acteurs. Cette stratégie devrait être basée sur la confiance et l'écoute. Cela ne peut évidemment intervenir qu'à travers la mise en place d'outils qui permettent, d'une part, de former les jeunes et de leur fournir les techniques et les moyens qui facilitent leur participation à la vie politique. Les stratégies visant à renforcer la participation politique efficace et significative des jeunes peuvent être fondées sur une approche basée sur les droits à la participation politique des jeunes, tout en évitant les activités purement symboliques et pseudo-participatives et là il faudrait concevoir un programme qui reflète les priorités des jeunes qui y participent. Permettre aux jeunes de définir l'agenda renforce la confiance et fait naître une adhésion et une appropriation. Il faudrait leur offrir facilitation et formation. Les jeunes ont peu d'exposition concrète aux problèmes et aux politiques. Il est important pour eux de ne pas se contenter de présenter leurs problèmes, mais aussi d'identifier les solutions. Bref, nos jeunes aspirent au changement politique. Ils veulent faire entendre leurs voix. Aux aînés de les entendre ! Kamel Bouaouina Jinan Limam (professeur en droit constitutionnel «Et pourtant ce sont eux qui ont renversé le régime» Le Temps :Pourquoi les jeunes sont déconnectés de la politique à la veille des élections? Jinan Limam : Partout dans le monde, on enregistre un désintéressement des jeunes de la politique. Les facteurs socio-économiques et politiques se placent en tête des obstacles : ils ont trait à l'insertion économique des jeunes qui se fait tard et de plus en plus difficilement, au chômage, au contexte politique peu enthousiasmant. Ce désengagement si significatif est malheureusement le reflet d'un constat d'exclusion des jeunes de la chose politique et de la citoyenneté ; le symptôme d'un malaise et d'une défiance de la jeunesse à l'encontre de la classe politique et des autorités et de ce qu'elles représentent. En Tunisie ce sont essentiellement les jeunes qui ont été à l'origine de la contestation qui a précipité la chute du régime de Ben Ali et ouvert la porte à la transition démocratique ce qui prouve que les jeunes ne sont pas aussi dépolitisés qu'on le pensait. Mais leur participation à la vie politique après le 14 janvier 2011 et leur représentation au sein des partis politiques et des institutions de la transition demeurent très faibles. Les jeunes semblent avoir privilégié les formes contestataires comme les grèves, les manifestations, les sit-in... Le taux d'abstention aux prochaines élections législatives et présidentielles de 2014 pourrait être très élevé parmi les jeunes. Ce sont là les termes du paradoxe tunisien!Certes les jeunes sont les premiers responsables de ce désintérêt vis-à-vis de la politique étant donné qu'ils jouissent du droit de vote dès l'âge de 18 ans et du droit d'être éligible dès l'âge de 23 ans mais qu'ils n'en font pas usage. Cependant, il est important de signaler que ce désintérêt résulte d'un ensemble de facteurs : la précarité de leurs situations socio-économiques, le mépris à l'égard de la classe politique, la méconnaissance du fonctionnement institutionnel de la vie politique. Les autorités publiques et les partis politiques sont également responsables en n'étant pas suffisamment inclusifs des jeunes et à l'écoute de leurs besoins et en n'ayant pas suffisamment confiance à l'égard des jeunes et en leurs capacités. Que faut-il faire pour les impliquer plus? La participation des jeunes aux élections est un premier pas qui doit permettre de placer la jeunesse dans une dynamique de citoyenneté active et non plus passive, et de les ramener progressivement sur le chemin de l'inclusion. De fait, il est difficile de considérer les jeunes comme des citoyens pleinement accomplis s'ils restent marginalisés et en retrait par rapport à la vie publique.Il est donc nécessaire que les différents acteurs politiques procèdent à une remise en question indispensable sur la place qu'ils souhaitent accorder à la jeunesse dans la mise en place des institutions démocratiques et dans le développement du pays. Les autorités publiques doivent identifier au mieux les actions et mesures légales pour une meilleure intégration de la jeunesse dans les institutions de prise de décision (Quota de jeunes aux structures dirigeantes des partis politiques, Quota aux conseils élus...).Les médias avec les organisations de la société civile ont également une responsabilité réelle à travers un travail de sensibilisation et de mobilisation des jeunes à la participation aux élections en tant qu'électeurs, candidats, observateurs, membres de bureaux de vote... Enfin il est important pour les jeunes de se souvenir quece droit aux élections libres et multipartites n'a pas toujours été une évidence en Tunisie. C'est précisément parce que la jeunesse ne supportait plus d'être marginalisée qu'elle s'est révoltée en 2011. Le vote est donc un acquis réel de la Révolution et après s'être battus dans les rues pour faire entendre leurs voix, les jeunes ont maintenant l'opportunité de se battre dans les urnes pour améliorer leurs conditions de vie. La mâturité démocratique ne peut s'acquérir en quelques mois, et les vieilles démocraties occidentales, pourtant aguerries, vivent aujourd'hui une situation de remise en question qui prouve que rien n'est figé. Il est important cependant que la jeunesse tunisienne comprenne un des aspects clés de la démocratie fondée sur le multipartisme et qui est qu'il n'existera jamais de candidat idéal avec lequel l'électeur se trouvera en parfait accord. Pour autant, il est important de voter pour le candidat ou la liste qui représente le mieux nos attentes car lorsqu'on s'abstient, ce sont ceux qui se rendent aux urnes qui décident alors à notre place!