Le marché français préoccupe beaucoup les professionnels tunisiens C'est normal, car il s'agit du premier émetteur de touristes pour La Tunisie. Après un hiver morose, les intentions de départ des Français durant l'été n'ont pas bougé. Les réservations se faisant de plus en plus à la dernière minute. Aujourd'hui les ventes se font en dents de scie, de façon très inégale, sans beaucoup de visibilité. L'affluence des touristes français vers la Tunisie est en baisse. Durant cette année 2014, et au 31 août leurs arrivées (537.800 sont en baisse de 5,9% par rapport à la même période de 2013 et de 46,8% par rapport à celle de 2010). L'année record étant 2008 avec 1 395 255 entrées. Pourtant la Tunisie demeure plus que jamais la destination préférée des Français. A la veille du salon Top Résa, la Fédération tunisienne des agences de voyages a organisé avant hier un workshop à Tunis en vue d'écouter les doléances des professionnels et booster ce marché en crise. « Ce workshop comme l'a précisé Hédi Hamdi le modérateur avait pour objectif de permettre aux professionnels du secteur, d'exposer les difficultés et attentes relatives au marché français afin de tirer un certain nombre de recommandations que la FTAV aura l'opportunité de transmettre lors des échanges qui auront lieu durant le salon. Wahida Djaiet, Directrice de l'ONTT a précisé que la Tunisie n'est plus un plaisir pour les Français mais plutôt une destination qui a été mise entre parenthèse momentanément compte tenu des différents événements qui se sont déroulés successivement durant les derniers mois. « La Tunisie n'est pas en ce moment sélectionnée pour les projets de voyages d'un grand nombre de Français en dépit de nos efforts. La réalité de notre produit, le manque de stabilité et la réduction de la capacité aérienne de 33% ont largement pénalisé la destination. Ce qui a influé sur l'image. A la différence des autres pays Européens, les médias Français ont fait un focus très poussé sur chaque événement en Tunisie. Nous avons besoin de nouveaux attraits, d'une nouvelle approche en marketing et en communication. Nous manquons d'arguments pour attirer la clientèle à forte contribution. » Restructuration des offres des TO Radhouène Ben Salah, le Président de la FTH, explique ce marasme par «un contexte marqué soit par une sensibilité sécuritaire de la clientèle française et/ou par l'adaptation des capacités dans le cadre de la restructuration de l'offre par plusieurs tour-opérateurs. Les conditions socio-économiques difficiles pèsent sur le marché français et, par conséquent, ont un impact négatif sur la consommation en France. Cela affecte grandement le trafic touristique sur la Tunisie » La Tunisie n'échappera pas au contexte économique qui plombe la consommation des Français. Les TICS ont bouleversé la donne comme l'avoue Rym Ben Fadhel, directrice à Seabel hotels « Les agences de voyages en ligne, sites de vols et séjours «discountés» et e-intermédiaires de la réservation de billets captent une part croissance de la marge du secteur. Dans un contexte de crise, les acteurs traditionnels souffrent. Les TO classiques se sont désengagés de la Tunisie. Leurs charters vont vers d'autres destinations. Les agences en ligne ne cessent de mettre à la disposition de leurs clients les outils permettant de réserver leurs vols d'avions, leurs hôtels ou leur voiture de location. Un Français sur 2 réserve sur internet La parade? S'adapter ou vendre des produits différenciés et exclusifs pour se distinguer des produits banalisés écoulés sur les sites de ventes en ligne » Un problème d'image Le marché français piétine pour des raisons endogènes explique Afif Kchouk hôtelier à Bizerte. Cette baisse dit-il est due à plusieurs facteurs : L'image ternie de la destination Tunisie auprès du consommateur français ne l'incite pas à y venir en vacances. La situation financière de certains gros producteurs de voyages français (voyagistes tours opérateurs) a été sérieusement touchée par la baisse des ventes sur la Tunisie qui représentait entre 25% (pour les généralistes) et 90% (pour les spécialistes) de leur chiffre d'affaires. Fram en est un exemple. Les TO tunisiens jouant de régulateur sur le marché ont pratiquement disparus. En prenant de moins en moins de risque au niveau de l'affrètement des vols charter au profit des vols réguliers, les voyagistes ont considérablement réduit leur dépendance vis-à-vis de la destination Tunisie et l'obligation qu'ils avaient à la vendre. Les réseaux de distribution et les circuits de ventes (agences de voyages) rechignent à proposer la destination Tunisie, vu que les clients ont peur d'y aller, eu égard à l'image d'insécurité qui y prévaut. Cette peur a, toutefois, une limite. En effet, avec des tarifs bradés, le client n'hésite pas à y aller. La cible de clientèle française du tourisme tunisien est la plus touchée, dans son pouvoir d'achat, par la situation économique dans l'Hexagone. Il faut reconnaitre son erreur. La promotion fait défaut. Le choix de publics comme agence de promotion n'a pas boosté la destination. L'étude d'impact le prouve. Maintenant, il faut bouger et penser à 2015 car on risque de récoler de miettes » Ahmed Bettaieb directeur de Delta Travel a parlé de manque réelle de volonté politique « Notre image est souillé. Il faudrait des actions de lobbying. On doit toucher les grands décideurs et les convaincre de programmer la Tunisie. Ce n'est pas suffisant, il faudrait que le budget de promotion soit bien orienté et étudié avec une feuille de route ciblée. Pour atteindre notre objectif, il faut bien dépenser notre argent, sortir des sentiers battus et créer des événements qui pourront attirer cette clientèle française. La relance, sur le marché français, de la destination Tunisie ne tient qu'à l'amélioration de son image et à la perception du consommateur de cette image.» Tahar Sayhi représentant de Fram en Tunisie appelle à encourager les TO à chartériser. « Il faut mobiliser un grand budget pour reconquérir ce marché en panne. La communication s'impose. Il faut rassurer le français en invitant ces revendeurs de comptoirs pour relancer la destination » Monji Barbouchi représentant de Voyamar a expliqué que le monde connaît actuellement des turbulences économiques et sociales qui ne sont pas sans conséquence pour le tourisme français. Les Français diminuent leurs budgets consacrés au tourisme. Ils sont de plus attentifs à leurs dépenses ces dernières années. Même si la crise grève leur portefeuille, ils ne semblent pas encore près de renoncer au tourisme. Mais faut-il pousser les TO à s'engager sur la destination. Cela passe par l'aérien. Les compagnies ont réduit leur capacité. Peut –être faut-il penser à les soutenir comme l'ont fait l'Egypte et le Maroc ? » La crise économique suffit-elle à expliquer ces changements de comportements ? Moncef Chtioui Président de la Fédération régionale des agences de voyages de Douz appelle à une mobilisation de l'Etat tunisien pour donner un coup de pouce à ce marché « Le ministère français des Affaires étrangères pénalise lourdement le tourisme du sud tunisien en le déclarant zone rouge formellement déconseillée pour raisons sécuritaires. Cette restriction a fait chuter notre taux d'occupation. Aujourd'hui rien ne justifie le niveau d'alerte aussi alarmiste du Quai d'Orsay ! Le pays a retrouvé sa normalité. Alors SVP ôtez cette bande rouge qui pénalise le marché français ! » L'aérien a-t-il pénalisé la destination ? Les activités de voyages et de loisirs notamment seront très exposées. C'est une perspective que corrobore d'ailleurs la baisse des capacités aériennes chez les compagnies. Nombreux en effet sont les transporteurs aériens, réguliers ou charter, qui dans un souci de survie devront continuer à fermer des dessertes jugées non rentables. La compagnie nationale Tunisair ne déroge pas à cette règle. Saloua Sghaier le PDG de Tunisair l'a expliqué le trafic a connu une régression. De 134 vols par semaine en été 2012, on est passé à 123 en été 2014.En hiver, on est passé de 114 vols par semaine en 2011-2012 à 100 en 2014-2015. Le charter a chuté de 90% et tend même à disparaître » Karim Dahmani, directeur commercial de Nouvelair a souligné que la suspension de plusieurs lignes charter sur la Tunisie, de la part des TO a fait baisser l'afflux des Français. La situation économique des distributeurs a entraîné également une baisse de leur engagement sur le pays. Ce model charter a changé avec l'arrivée sur le marché des géants du voyage comme TUI et Thomas Cook. Le résultat, les TO se battent actuellement sur le régulier en arrachant des blocs sièges malgré le risque » Nicolas Delaporte Représentant d'Air France en Tunisie a estimé que la Tunisie demeure une destination tardive. Elle est vendue à mi-mai pour l'été alors qu'en Grèce, Athènes est commercialisée en mi-mars. La Tunisie n'échappera pas au contexte économique qui plombe la consommation des Français. Toutefois il reste encore un espoir de voir les Français s'offrir des voyages de dernière minute et là j'incite les professionnels tunisiens à développer les produits de niche et penser dès maintenant à promouvoir encore la destination pour 2015». Alors crise ou mutation du marché français ? Les deux probablement. Si bien que, dans le tourisme comme dans tous les secteurs économiques, la clef du succès reste l'adaptation et la capacité à se réinventer pour répondre à la demande et aux aspirations profondes des Français. Les recommandations Malgré la crise que connaît le marché français, il demeure l'un des marchés phares de notre tourisme, il est donc important d'assurer la mise en œuvre et le suivi des recommandations dégagées lors du workshop a précisé Mohamed Ali Toumi Président de la FTAV « Nous invitons les professionnels désirant s'associer aux commissions techniques à faire part de leur volonté », lance-t-il à tous les participants. Sonia Ayed Sayah, Vice President chargée des relations internationales et des salons devait lire les principales recommandations de ce workshop . Encourager les TO à prendre le risque sur les charters en subventionnant l'aérien (trouver le mécanisme adéquat) . Orienter les clients des vols réguliers vers les produits de niche à haute valeur ajoutée . Travailler sur l'élimination des restrictions du Quai d'Orsay . Travailler davantage sur l'image, la perception de la Tunisie et migrer vers d'autres canaux de communication tels que les relations publiques, l'évènementiel, le Mice, et la visibilité sur le web . Travailler sur l'environnement en Tunisie et le produit en général (qualité des services, animation, etc.). Des recommandations, il le faut mais faut-il mettre en place une structure administrative permanente au niveau de la FTAV pour veiller au suivi et à la mise en application de ces recommandations. Sinon comme l'a dit Afif Kchouk on risque de les oublier dans nos archives !