La Tunisie possède depuis des lustres un savoir-faire artisanal profondément authentique. Pourtant, jusqu'à présent, cet art de manier la matière, allié à une habilité déconcertante, demeure étrangement méconnu. Le «né en Tunisie» est resté cloîtré, des décennies durant, entre les murs humides des Médinas. Sa conquête de l'ailleurs n'a pu franchir le seuil de la Tunisie. L'expression et l'identité culturelles tunisiennes prennent vie entre ces doigts habiles de nos artisans femmes comme hommes, dans la pénombre d'une vieille maison. C'est dans le secret de l'alcôve que se tissent toutes ces petites merveilles que rares ceux qui en connaissent l'existenceet la valeur. Au printemps dernier, un projet a été initié par de jeunes tunisiens, passionnés par le savoir-faire ancestral et par notre patrimoine. Une initiative citoyenne à dimension pédagogique et une portée humaine est lancée. L'idée est de propulser et de revaloriser des œuvres d'arts d'artisanes et d'artisans tunisiens qui pensent avec leurs doigts. Ce nouveau concept est baptisé «Ashkan» (Passion). Une initiative née de l'amour que vouent ces jeunes au travail artisanal. Conscients de l'iniquité socioéconomique et du déséquilibre existant entre les régions, ils ont eu l'idée de lancer un projet qui permet aux petits artisans tunisiens de vivre dignement de leur art. Un premier concept-store est inauguré à Tunis. Un concept qui a rencontré un vif succès auprès des femmes tunisiennes férues de la touche traditionnelle et du travail artisanal chic. Cette première rencontre entre femmes modernes avec des chefs-d'œuvre conçus à la main par leurs semblables, a connu un véritable succès. Une fois que le projet est lancé, une dizaine d'artistes artisans et de jeunes designers originaires du Nord et du Sud de la Tunisie sont soutenus par «ashkan». Dans le cadre de leur promotion du savoir-faire tunisien, l'équipe assure les commandes et encadre ces créateurs en assurant le suivi des productions et en les initiant aux nouvelles techniques qui répondent aux nouvelles exigences du marché international. Alors que le projet commence à connaître ses premiers succès, «ashkan» a décidé de collaborer avec de jeunes et talentueux designers et artistes tunisiens issus du monde de la mode et des arts appliqués. Mixant art moderne et savoir ancestral, «ashkan» propose demain, dimanche, 21 septembre 2014 à la vieille Médina de Hammamet, un nouveau concept, et ce, pour le plus grand bonheur des amoureux du patrimoine tunisien et des arts graphiques contemporains. De jeunes créateurs triés au volet, qu'ils soient artisans ou designers, verront leurs œuvres d'art exposées au grand public à l'échelle nationale et dans les franchises internationales. Le «made in Tunisia» avec une touche ancestrale et unique est pour très bientôt. Projet à dimension humaine La volonté de l'équipe «ashkan» est de projeter sur le devant de la scène commerciale et artistique le savoir-faire de métiers longtemps confinés dans l'ombre, et ce, dans le sens de rendre hommage à ces femmes et hommes artisans et aux zones défavorisées qui pullulent de talents. Cette approche inédite s'est donnée pour mission la valorisation du savoir-faire tunisien issu de notre patrimoine et la modernisation du produit non sans avoir garanti sa qualité. En rendant à ces «faits à la main» leur titre de noblesse, «ashkan» ouvrent grandes ouvertes les portes aux petits artisans tunisiens longtemps recalés par un système de développement économique injuste. La porte-parole du projet «ashkan», Mme Raya Ben Guiza nous explique ce concept de chaîne solidaire citoyenne, créative et artisanale : «Depuis la révolution, les industriels du textile qui sont à l'origine de ashkan, ont pris conscience des déséquilibres régionaux importants qui existent dans notre pays. En tant qu'entreprise citoyenne, ils ont décidé d'agir et de contribuer activement au développement de nos régions défavorisées. Fort de leur expérience textile et de leur assise internationale dans le secteur de la mode et l'export dans les principaux marchés mondiaux, ils ont pensé opérer dans les régions sur des projets ayant un rapport avec leur activité. Ils ont alors chargé une équipe de créateurs, designers, managers, d'aller identifier les artisans dans les différentes régions pour essayer de d'imaginer un projet qui pourrait leur permettre de développer leur activité. Après un travail de titan, ils ont découvert des trésors inouïs, des savoir-faire inimaginables, des connaissances qu'on pensait perdues, bref de l'habileté et de la qualité. Dans les autres recoins de notre pays, dans les régions les plus reculées, des femmes et des hommes fabriquent des produits nobles, en fibres naturelles, coton, soie, lin. Il ne leur manquait qu'une impulsion créatrice et directrice, une vision design contemporaine et un process de travail pour mettre en valeur leur savoir-faire et de quoi leur permettre de remplir leur carnet de commande à l'année. Ashkan est née de ce constat, désir, passion.» Pour résumer la mission d'un concept citoyen qui donne rendez-vous aux Tunisiens demain à Hammamet la vieille Médina, l'on peut retenir de ce projet solidaire ses idéaux basés sur la qualité, le patrimoine, la transmission d'un savoir-faire séculaire et l'amélioration du niveau de vie de nos concitoyens. Pourvu que cette initiative humaine innovante exhorte les autres industriels afin de lancer de nouveaux projets à dimension sociale et humaine ne serait-ce que pour contribuer à rééquilibrer la balance de l'essor économique.