8180000 est le nombre d'électeurs parmi les citoyens Tunisiens, dont seulement 5236244 se sont inscrits aux élections législatives de 2014. D'après l'Instance Supérieure Indépendante des Elections, ISIE, 59,9% ont voté, ce qui équivaut à 3136510 citoyens. Ceci nous amène à dire qu'il s'agit bien d'une abstention de près de 50% du peuple Tunisien au vote. Une majorité déclare boycotter carrément les élections pour diverses raisons. Le boycott s'explique.. mais ne s'explique pas Le Temps a tenté de recueillir plusieurs avis de citoyens, parmi lesquels, on a interrogé Abdessalem Hamdi, un activiste politique, qui a boycotté les élections depuis 2011. Il a commencé par expliquer sa propre vision du phénomène de l'abstention en disant que si on traite cela en profondeur, on noterait une abstention voulue d'environ les deux tiers de la population des électeurs. Ceci revient « au régime du pouvoir basé sur l'ancienne approche libérale fidèle à un unique système économique et social, qui ne répond plus aux attentes des différentes catégories de la société, notamment les jeunes » D'une autre part, Hamdi a indiqué que la catégorie du peuple qui s'est soulevée en décembre 2010, n'a trouvé dans cette classe politique ni dans ses choix et discours, aucun point qui s'adapte à la situation sociale et économique du pays. De plus, ce phénomène n'a jamais été, d'après lui, propre à la Tunisie, c'est plutôt observable dans plusieurs pays du monde là où la démocratie a, depuis longtemps, atteint la maturité. C'est simplement un signe de manque de confiance vis-à-vis du pouvoir. Quant à son choix de boycotter carrément les élections, Hamdi a insisté que ce n'est pas au hasard, et qu'il est conscient de son choix car il voit que tout ce scénario de transition démocratique n'est qu'une mascarade à travers laquelle on a voulu préserver l'ancien régime et lui redonner sa raison d'être. Il a conclu par dire que le peuple a marre de voter pour des gens qui ne tiennent jamais leurs promesses et des programmes jamais réalisés. Abstention «modérée» Ounifi Wael, activiste politique, attaché de presse au sein d'un organisme public, s'est abstenu de voter mais explique qu'il n'est pas tout à fait contre le processus électoral. Il voit que pour la majorité qui s'est abstenue, il ne s'agit pas forcément d'un état de refus ou d'une conviction absolue de ne pas devoir voter. Ce phénomène est quelque part relatif à un manque de conscience politique, voire, un désintérêt total à la question politique. Il a rajouté que certaines personnes n'expriment aucune position, pour ou contre, ce qui confirme ce désintérêt d'où l'abstention. Wael a d'une autre part évoqué le point du manque de confiance du peuple vis-à-vis des politiciens causé bien évidemment par les échecs des quatre gouvernements successifs depuis la révolution. Ceux-ci n'ont prouvé aucune volonté de changer concrètement la situation socio-économique du pays ni de résoudre les problèmes sociaux prioritaires. Parlant de sa position à lui, Wael a dit que s'il avait à voter, il aurait adhéré avant tout à l'un de ces partis existants. Ceci n'est pas possible dans l'un des partis de droite puisqu'il est « contre leurs programmes et choix économiques », ni dans l'un des partis de gauche car il voit qu'ils ont encore recours à des « techniques archaïques de militantisme ». Il a rajouté que l'une des raisons pour lesquelles il n'a pas voté, c'est que les résultats des législatives étaient prévisibles avant même de les entamer en plus de la stratégie bipolaire qui a été imposée, celle de réduire les choix entre deux grands pôles, Nida Tounes et Ennahdha. Le citoyen qui veut profiter de son droit De sa part, Madame Chemangui Nidhal, responsable en communication dans une entreprise, a accompli son devoir et son droit de voter. Elle dit que « le vote est très important parce que c'est un droit et je compte profiter de ce droit pleinement en tant que citoyenne. ». Elle a entre autres exprimé sa surprise et sa « peur » face à l'abstention du peuple de voter, « J'ai senti une démission citoyenne, chose qui dénote peut-être d'un manque de confiance ou des participants qui ne sont pas du tout convaincants. », dit-elle. Elle a aussi indiqué qu'il ne faut pas oublier l'exclusion, par erreur, de certains noms des listes des électeurs malgré leur volonté de voter. Nidhal a expliqué sa compréhension des citoyens qui n'ont pas voté, et rejoint sa voix aux témoignages précédents en disant que c'est tout à fait normal dans un climat de manque de confiance qu'éprouve le peuple au pouvoir et aux politiciens. Pour conclure, elle a dit que « Le vote ce n'est pas juste le cours d'éducation civique à l'école c'est une pratique c'est le travail laborieux de la société civile pour sensibiliser et faire comprendre ce droit ». Un juriste résume le phénomène M. Ghedamsi Ayoub, avocat et membre au centre des avocats pour l'observation des élections, a tout simplement considéré que c'est une abstention très naturelle et évidente expliquant le refus de certains citoyens de redonner une chance aux gens de la scène politique actuelle, et que l'absence de confiance est un facteur à considérer. Il a rappelé que la régression du niveau de vie ainsi que l'échec des gouvernements à sauver la situation les poussent moins à être fidèles aux urnes. De plus, les revendications de la révolution n'ont jamais été dans leurs préoccupations et aucun parti ni courant ou mouvement politique n'a fait des efforts pour les concrétiser. En comparaison avec les élections du 23 octobre 2011, M. Ghedamsi a affirmé que le taux des jeunes qui ont voté en 2011 dépasse de loin celui dans les dernières élections, car les jeunes, les piliers de l'avenir de ce pays et ceux qui se sont soulevés contre la dictature et revendiqué la liberté et la dignité pour ce peuple, n'ont pas de place dans la scène politique. Ceci les pousse automatiquement à reculer face aux élections qui ne les représentent pas. On arrive, certes, à expliquer cette abstention d'aller voter par une bonne frange de citoyens Tunisiens, une abstention qui a en quelque sorte contribué à la défaite de certains partis politiques ou au recul en position de certains autres. Mais pourrions-nous dans les cinq années à venir arriver à conscientiser le peuple du fait que le vote est un devoir en plus d'être un droit.