A l'heure où le mouvement islamiste Ennahdha tergiverse encore sur le nom du candidat à cautionner lors de la présidentielle du 23 novembre la Ligue de protection de la révolution (LPR) a choisi son camp. Cette organisation souvent présentée par le camp moderniste comme « une milice au service d'Ennahdha et du Congrès pour la République (CPR) » a choisi son camp, quelques minutes seulement après l'annonce des résultats des élections législatives remportés par Nidâa Tounes. Le choix de la LPR, qui avait été dissoute ainsi que toutes ses antennes régionales en mai dernier par la justice pour «contravention aux lois relatives à l'organisation et la création des associations» après avoir commis des actes violents s'est naturellement porté sur le fondateur du CPR et le président sortant Moncef Marzouki, Ennahdha ayant préféré ne pas présenter un candidat à la magistrature suprême. Dans un communiqué publié sur sa page Facebook officielle qui a annoncé depuis sa création sa volonté de mettre à l'écart de toutes les figures associées de près ou de loin à l'ancien régime et qui a pour bête noire Nidaa Tounès, et son président, elle a annoncé son plan de bataille pour barrer à son ennemi juré la route vers Carthage. Son plan se subdivise en trois étapes ou plutôt trois semaines de mobilisation en faveur de Moncef Marzouki présenté comme le dernier rempart contre l'hégémonie du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD), lequel aurait utilisé, selon la LPR, Nidâa Tounes comme cheval de Troie pour reconquérir le pouvoir. La première semaine doit être consacrée à taguer le nom de Moncef Marzouki sur les murs et dans les lieux publics comme les administrations, les écoles, les rues, les bus et les trains. La deuxième semaine sera consacrée à distribuer des dépliants aux citoyens tous âges et catégories socioprofessionnelles confondues afin de leur expliquer que M. Marzouki est le «fils du peuple » et le «défenseur des pauvres et des opprimés». La troisième sera consacrée à une campagne active où il sera question de faire du porte-à-porte et d'organiser des manifestations dans toutes les régions et, enfin, une marche jusqu'au palais de Carthage qui doit rassembler un million de personnes. Outre cette campagne de terrain, les membres de la LPR ont assisté au premier meeting marquant l'ouverture de la campagne du président sortant organisé dimanche dernier à la salle de cinéma Le Colisée avant de se rassembler devant le théâtre municipal de Tunis, à l'avenue Habib Bourguiba, pour appeler à voter pour «le militant des droits de l'Homme qui saura préserver les libertés». Durant les années de règne de la Troïka, la LPR était ouvertement soutenue par Ennahda et le CPR) qui avaient nié que cette organisation soit une milice violente, avant que Mehdi Jomaâ ne décrète leur dissolution. L'opposition, les syndicats mais aussi le parti Ettakatol, membre de la coalition au pouvoir, avaient réclamé sa dissolution en la qualifiant de «bras armé du pouvoir » La LPR est accusée de plusieurs attaques violentes comme le lynchage en octobre 2012 de Lotfi Naguedh, représentant de Nidaa Tounès à Tataouine et l'attaque contre le siège de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), début décembre 2012. L'organisation a toujours démenti avoir recours à la violence bien que sur sa page Facebook les sorties virulentes sont légion. Juste avant la mort de Naguedh, elle avait juré aux «ennemis de la révolution et aux caciques de l'ex-régime» de leur faire «regretter de ne pas s'être suicidés», affirmant préparer «des surprises de gros calibre pour les exterminer» ! Au regard du passé sulfureux la LPR, son soutien à M. Marzouki ne risque-t-il de desservir cet ancien président de la Ligue Tunisienne pour la défense des droits de l'Homme ?