* Marzouki prône désormais l'unité nationale et affirme avoir choisi de ne pas exclure les anciens membres du RCD de la vie politique * Caïd Essebsi avance que «la démarche de Bourguiba est incomplète et dépourvue de démocratie» et «s'engage personnellement à garantir la sécurité des islamistes» Moncef Marzouki et Béji Caïd Essebsi ne s'apprécient certainement pas. Les deux candidats du deuxième tour de la présidentielle se repoussent même, tant leurs visions des choses sont diamétralement opposées. Il n'empêche que leurs déclarations depuis le début de la campagne électorale comportent des similitudes au niveau des idées, qui laissent croire que chaque candidat tente de chasser sur les plates-bandes de l'autre. Arrivé en tête lors du premier tour, avec 39,4 % des voix, Béji Caïd Essebsi a démarré sa campagne sous le slogan «Vive la Tunisie». Il dit s'engager dans son manifeste électoral en faveur de la réalisation des objectifs de la révolution, en matière de libertés, de développement et de dignité, de lutte contre le déséquilibre régional et d'éradication de la pauvreté. Le candidat de Nidâa Tounes tente là de ne pas laisser son adversaire surfer seul les thèmes de la protection des libertés et la lutte contre la pauvreté. «Bajbouj» comme le surnomment affectueusement ses partisans est même allé jusqu'à qualifier d'incomplet l'héritage de son mentor. «Je suis un disciple de Bourguiba. Je suis le produit de son école. Je ne suis pas son héritier», a affirmé le candidat bourguibiste sur Rue 89. Il a, cependant, tenu à noter que la démarche de Bourguiba est incomplète et dépourvue de démocratie: «Bien entendu, ce n'est pas assez. Nous devons continuer le chemin (...) Maintenant nous avons fait évoluer la démarche de Bourguiba et nous avons introduit l'élément démocratique». M. Caïd Essebsi vise à travers ces propos à caresser dans le sens du poil une frange de l'électorat qui craint un retour en arrière en en ce qui concerne les acquis démocratiques et les libertés. Pour rassurer davantage cette frange, le candidat bourguibiste a déclaré sans détours qu'il s'engage personnellement à garantir la sécurité des islamistes. «Ennahdha est une réalité. Nous devons organiser une vie ensemble. La répression systématique que le pouvoir a menée contre les islamistes depuis 1989 était une erreur. Moi, personnellement, je leur garantis leur sécurité. Ils peuvent exercer une activité politique dans le cadre de la loi, comme tous les Tunisiens», a-t-il insisté. Unité nationale De son côté, Moncef Marzouki n'a pas laissé à son adversaire l'apanage du thème de l'unité nationale après s'être adressé quasi exclusivement au «peuple d'Ennahdha» avant le premier tour du scrutin. «Il faut qu'un président soit le réconciliateur entre la Tunisie sécularisée et la Tunisie identitaire. Aucune exclusion n'est permise. Ma stratégie part du principe que ce pays est complexe, qu'il est à la fois très sécularisé et très identitaire. Il ne peut plus supporter le fait qu'un gouvernement exprime l'opinion et les intérêts d'une partie du pays et pas de l'autre», a-t-il déclaré. D'autre part, le président sortant, qui a obtenu 33,4 % des suffrages exprimés lors du premier tour, a affirmé qu'il a délibérément choisi de ne pas exclure les anciens membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de la vie politique, afin d'éviter les tensions. «A posteriori, on se dit que c'était peut être une bêtise. Mais si on avait extirpé tous ces éléments de l'ancien régime, les tensions auraient été telles que nous n'aurions peut-être pas pu aboutir à la Constitution. C'était l'approche la moins dangereuse», a-t-il assuré. Et d'ajouter : «Je préfère les battre dans des élections libres et honnêtes plutôt que de les empêcher de se présenter». Dans une interview à l'agence de presse turque Anatolie, M. Marzouki a, par ailleurs, tenu à dissiper les craintes sur un éventuel manque d'harmonie et de coopération entre les futurs Chef de l'Etat et Chef du gouvernement, se disant ainsi prêt à une cohabitation avec Nidaâ Tounes qui doit former le nouveau gouvernement après avoir remporté les législatives du 26 octobre dernier. «En tant qu'homme responsable, je composerai avec ce gouvernement dans le cadre de ce que prévoit la constitution. Il peut y avoir des conflits au sein d'un même parti, mais les gens cohabitent, il pourrait en être de même pour le Président de la République et le Chef du gouvernement», a-t-il dit. Le candidat du Congrès pour la République (CPR) a, dans ce même cadre, qualifié de «positif» l'accord conclu entre Ennahdha et Nida Tounes en ce qui concerne l'élection du président et des deux vice-présidents de l'Assemblée des représentants du peuple, plaidant pour un gouvernement d'unité nationale à même de désamorcer les tensions politiques.