On ne peut pas déclarer avoir du respect pour Wajdi Ghanim, l'embrasser dévotement sur le front, et se prétendre moderniste. On ne peut pas, Maître Abdelfattah Mourou... Wajdi Ghanim est un extrémiste religieux, pur et dur. Un prédicateur haineux qui prêche pour le djihad en Syrie, et pour l'excision des filles, et avec lequel il vaut mieux garder, de préférence définitivement, une distance respectueuse. Question d'hygiène mentale oblige. On ne peut, en aucun cas, ici en l'occurrence, évoquer le respect de la différence, comme argument de défense s'il en est, lorsqu'il s'agit d'une personne qui appelle à la violence, et qui incite à la haine de l'Autre, justement pour sa différence, le traitant de mécréant, parce qu'il ne marcherait pas sur ses pas, et qu'il n'adhèrerait pas à sa culture fasciste, et à son idéologie meurtrière. Avant-hier au soir, sur le plateau de « Man yajroo Faqat » (Al Hiwar Ettounsi), pour la première fois, le masque s'est lézardé. Et c'est pire que s'il était tombé. Dire que nous fûmes, sûrement légion à avoir ressenti une très grande déception, serait un doux euphémisme... Nous aimions cette image de Mourou, en Cheikh moderniste et audacieux, qui n'hésitait pas à se placer en porte-à-faux, par rapport au discours officiel de son parti : Ennahdha, sur bien des sujets. Pourfendeur d'une vision qui serait par trop sclérosée d'un islam qui serait vidé de toute la force de sa spiritualité, pour être assujetti à une interprétation littérale, trop souvent tronquée pour être honnête, trop lisse, il était un peu trop lisse avant -hier au soir, pour que sa crédibilité n'en prenne pas un sacré coup. En refusant, implicitement d'afficher un discours clair sur des questions cruciales, et à force de jouer à la diplomatie de circonstance, Maître Mourou a oublié sa force de conviction dans l'anti -chambre de l'émission. Cela s'appelle une dérobade. Car, et au risque de se répéter, on ne peut se prétendre avoir toujours été le « chantre » du modernisme au sein d'un parti, qui n'aurait pas, pour principale vertu, l'ouverture sur l'autre, et la modernité, et déclarer, avec un « angélisme » qui ne trompe personne, son respect à un prédicateur aussi radical que l'est un Wajdi Ghanim, lequel a au moins le mérite d'être conséquent avec lui-même. Le respect, ce n'est pas une façon de parler, et quand on est en politique, c'est un mot qui vous engage. L'arrêt sur images aussi comme une preuve à l'appui. Une vision de l'Islam, moderniste, tolérante et ouverte ? C'est très bien de ne pas avoir raté l'occasion de se joindre à la communauté juive de Tunis pour rendre un dernier hommage au jeune Yoav Hattab, assassiné lâchement par les enfants spirituels d'un Ghanim, auquel l'on peut effectivement vouer du respect, pourquoi pas tant qu'à faire ? Mais désolé, vraiment, cela ne va pas de pair. Il y a comme un détail qui grince là-dedans. Comment on appelle ça : une dissonance ?